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Dieu seul le sait, la mission avant l’amour par John Huston en Blu-ray et DVD

Cette semaine arrive dans une version remastérisée inédite en France Dieu seul le sait. Réalisé par John Huston, le film débarque en Blu-ray et DVD chez les éditions Rimini et conte le récit d’une relation passionnelle impossible entre Robert Mitchum et Deborah Kerr, échoués sur une île désertée dans le Pacifique en 1944.

Synopsis : Quelque part dans le Pacifique… Seul rescapé d’un torpillage, le caporal Allison échoue sur une île qu’il croit déserte. Or, l’île a pour unique habitante la sœur Angela, qui a survécu à la destruction de la mission catholique à laquelle elle appartenait. Alors qu’ils organisent leur « nouvelle vie » non sans amitié, les Japonais débarquent sur l’île, les obligeant à se cacher et à s’entraider.

Deux « soldats » échoués, deux missions, une relation passionnelle impossible

Robert Mitchum est le Caporal Allison de la Marine américaine. Deborah Kerr est la sœur Angela. On découvre le premier en pleine mer, dans un canoé de sauvetage errant au gré des vents. Une île est en vue. Il débarque, employant toute son énergie pour agir le plus rapidement et discrètement possible. Les Japonais sont peut-être là, installés dans les cahutes visibles depuis la plage. Au fur et à mesure de la découverte du lieu, désert, l’homme se relâche. John Huston, le réalisateur, filme alors une séquence qui n’est pas sans rappeler ce qu’on pourra découvrir plus tard dans La Ligne Rouge de Terrence Malick. A un certain point, il capte l’errance de son personnage en plan trois quart et face. Le caporal échoué apparait alors comme une des nombreuses reliques qui occupent l’île, elle-même un élément pris dans la tourmente de la guerre et oublié. On pense alors au film de Malick, notamment à Caviezel avançant dans un paysage paradisiaque digne de celui du film de Huston. Mais là où Malick reconnecte son protagoniste usé par les combats au cosmos et à sa vitalité, Huston fait d’abord de Mitchum un missionnaire dont l’objectif ne peut plus être rempli. Ce soldat est, comme écrit plus haut, une relique. Comment va réagir Allison ? Deborah Kerr souffre du même sort. La sœur Angela continue ses rituels religieux, comme si elle tentait de perpétuer la mission catholique pourtant détruite. La sœur et l’église sont comme les cahutes vides de l’île et son nouvel habitant qu’est Allison : des reliques aux missions alors impossibles à remplir.

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L’errance de Robert Mitchum, alias Allison

La présentation des personnages et leur rencontre sont décisives : s’ils n’ont plus de combat – littéral pour l’un ; religio-spirituel pour l’autre – à mener, leur sens moral, animé par une forme de foi propre à chacune des vocations, semble intact. Et pourtant, leur sens du devoir est rapidement mis à mal. En effet, ils risquent de rester seuls très longtemps, possiblement tout le reste de leur vie ; alors qu’ils construisent un radeau pour quitter l’île, les Japonais bombardent la place, mettant à mal leurs provisions, logements, et lieu de culte ; enfin, les mêmes Japonais débarquent et occupent l’île. Dans un premier temps, les deux apprennent à se connaître et vivent leur solitude avec amusement (voir la pêche à la tortue). Ils mangent à leur faim, vivent paisiblement. Une certaine amitié paraît naître quand l’appel du devoir semble les démanger tous les deux : l’un veut retourner dans sa fratrie militaire, l’autre dans celle religieuse. Le premier doit rependre le cours de la guerre ; la deuxième, son parcours religieux dont une étape clef l’attend dans un mois : celle du vœu définitif d’être au service de Dieu, via son allégeance totale à l’église catholique. L’arrivée des Japonais va obliger les protagonistes à survivre, et pour cela, utiliser leurs compétences propres : Allison va agir en commando pour voler des vivres ; Angela va prier pour sa réussite, sinon son salut dans l’au-delà, et aussi pour la survie de tous sur l’île, qu’ils appartiennent à un camp ou à un autre. Elle proposera même à Allison de se rendre, donc de se sacrifier pour les sauver tous les deux. C’est alors que les Japonais vont tout à coup quitter l’île. Le duo est à nouveau seul. Vivres, bâtiments de vie cosy et jeux les attendent. Leur mission est à nouveau inutile, leur raison d’être est en proie au doute : Allison et Angela se questionnent chacun à leur façon sur une possible relation passionnelle entre eux deux, et même un mariage. A chaque questionnement vient la fuite, plutôt la retraite de l’un d’entre eux. L’un fait un pas, l’autre recule, et vice-versa. Pour se justifier, chacun revient à sa mission, son ordre, son statut.

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L’un fait un pas en avant, l’autre en arrière

Huston filme des corps alors habités par la mélancolie, parfois torturés au corps par un doute absolu. Le paysage tend à perdre l’aspect paradisiaque qu’il pouvait avoir, idem pour sa qualité de relique en tant que telle, vers laquelle tendent les éléments. Allison et Angela sont dans une forme de non-lieu au temps et à l’espace coincé. Le retour des Japonais, puis des Américains, donc de la guerre, va remettre en mouvement le maussade tableau. Le paysage retrouve ce paradoxe fondé par l’opposition entre le paradisiaque et la dévastation guerrière ; Alliston agit en tant que soldat pour soutenir le débarquement américain ; Angela va prier pour tous ces hommes en guerre puis porter secours à son amour impossible alors blessé. Allison quitte l’île en tant que Caporal, Angela en tant que sœur au service de l’église catholique et de ses missions. La vie, fondée sur les catastrophes de la Seconde Guerre Mondiale, reprend pour les deux. Alors, une question à l’ironie humaniste propre à Huston semble se dessiner : hors de la guerre, ces deux êtres n’auraient pas pu trouver la paix et l’amour ?

Sur le Blu-ray

L’édition présentée par Rimini est soignée. Le nouveau master du film est formidable tant du point de vue visuel (mis à part deux-trois plans abimés) que sonore. Concernant le dernier point, notez que la version originale – détaillée et nuancée – et la version française sont présentées en DTS-HD dans le menu du Blu-ray. Toutefois, la piste française ne semble pas avoir subi de véritable remasterisation. On retrouve les défauts propres aux reprises d’anciennes versions françaises : le doublage prime sur l’ensemble, suivi dans la hiérarchie sonore par la musique, et en dernière place, le reste des effets sonores. Malgré tout, la piste française est dans l’ensemble plus équilibrée et plus propre que sur bon nombre de rééditions. Enfin le long métrage est accompagné d’un seul mais intéressant bonus. Intitulé Amour interdit, le complément signé Rimini est un entretien avec Pierre Murat, responsable du cinéma à Télérama, qui revient notamment sur la place du film dans la carrière de Huston, sa conception ainsi que sur son récit d’amour impossible.

Bande-Annonce – Dieu seul le sait (Heaven Knows, Mr. Allison)

Dieu seul le sait (Heaven Knows, Mr. Allison)

Un film de John Huston

Avec Deborah Kerr et Robert Mitchum

1957

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Sortie en Blu-ray et DVD le 22 mai 2018

19,99€ le Blu-ray – 14,99€ le DVD