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Interview : Gringe, le rappeur insolent du cinéma français

Bientôt à l’affiche de Carbone d’Olivier Marchal, le rappeur et acteur Gringe se fait peu à peu une place dans le cinéma français. Avec un album solo en route et des projets plein la tête, l’artiste reste un éternel insatisfait en quête de nouveaux défis. A défaut de se faire une place, il a décidé d’exercer son art partout. Rencontre.

Assis dans son canapé à côté de son ami rappeur Orelsan, Gringe se fait connaître du grand public grâce à la série Bloqués, diffusée sur Canal +. Guillaume Tranchant n’est alors plus le side-kick qui back sur les albums de son pote mais un rappeur en appétence de nouveaux horizons artistiques. Le flow hargneux et l’insolence qui caractérisent son rap trouvent vite un écho dans son jeu d’acteur. Agressif mais sensible. Impertinent mais juste. Gringe incarne une force fragile, prête à déambuler dans le cinéma français. Lorsqu’il fait ses premiers pas d’acteur dans le long-métrage musical Comment c’est loin, il excelle et se découvre un amour pour la comédie. Fatigué d’incarner le feignant du rap français, Guillaume Tranchant lance son premier album solo prévu pour 2018 et plusieurs projets cinématographiques. Toujours hanté par ses démons, Gringe poursuit sa route du 7ème art avec, dans deux semaines, la sortie de Carbone d’Olivier Marchal.

Déjà suivi par une vraie communauté de fans pour votre musique, Comment c’est loin et la série Bloqués vous ont exposé à un plus large public. Qu’est-ce qui a changé avec cette nouvelle popularité ?

Gringe : Peut-être le fait que l’on m’identifie mieux maintenant. Orel m’a vachement accompagné sur nos projets musique mais je pense m’être un peu émancipé par le biais de la comédie. Les gens me disent que j’ai un truc. Ça m’a surtout apporté des opportunités de travail. Depuis, j’ai un agent, j’ai bossé sur plusieurs longs métrages cette année, participé à un festival international en tant que jury…

A travers Comment c’est loin, vous avez été contacté pour jouer dans Carbone d’Olivier Marchal, sans passer de casting. Comment vous avez vécu cette expérience sur un gros tournage avec des grands noms comme Benoît Magimel ?

Gringe : Avec appréhension d’abord, puis relâche et plaisir. Grâce à la bienveillance d’Olivier, des comédiens et techniciens rencontrés sur le plateau.

Vous êtes désormais considéré comme un rappeur, alors que vous n’aviez jamais eu l’ambition d’en faire un taf. La motivation artistique au départ, c’était d’être comédien ou chanteur ?

Gringe : Aucune des deux. Je n’ai jamais ambitionné quoi que ce soit à part contempler mes contemporains. Travailler au sens rentrer dans la « vie active » du terme ne m’a jamais attiré. Je suis un observateur. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir mettre cette faculté au service du rap ou du jeu. J’ai beaucoup de chance.

« Je baise des meufs sans visage à la recherche d’un sursaut de vie » « j’aimerais tout faire pour te rassurer mais je sais pas qui je suis ». Dans vos chansons, vous incarnez souvent un personnage torturé caractérisé par un rapport sulfureux et ambigu avec les femmes. Quel lien entre ce personnage et le vrai vous ?

Gringe : Intimement étroit. Je suis à la vie celui que je raconte dans mes chansons. Ma musique est ma thérapie. Un moyen de poser des mots sur mes maux pour les détruire.

Vous dites souvent que vous flippez, que vous laissez faire les choses. Est-ce qu’aujourd’hui, à travers le cinéma et la musique, vous vous êtes trouvé ?

Gringe : Non. j’ai simplement trouvé des biais d’expression et de réflexions pour mieux comprendre comment je fonctionne. Il me faudrait certainement plusieurs vies pour me trouver. Mais le cinéma et la musique m’aident à mieux vivre avec moi-même. C’est autant d’expériences qui me renseignent sur mon rapport à l’autre et au monde.

Vous allez incarner un prof dans L’Heure de la sortie de Sébastien Marnier avec Laurent Lafitte mais aussi la jeune Adèle Castillon. Le film s’annonce comme un thriller intense. Comment s’est passé le tournage avec Sébastien Marnier ?

Gringe : Formidable. Sébastien à une densité de travail sur un plateau assez impressionnante. Au four et au moulin, l’œil partout, sur tout et tout le monde. Et je trouve l’univers qu’il amène, que ce soit dans l’écriture et la réalisation, hyper moderne. J’ai encore eu la chance sur ce tournage de pouvoir donner la réplique à de grands comédiens. Une expérience enrichissante donc.

Vous parlez d’Orel comme une personne jusqu’au boutiste et de vous-même comme un éternel fainéant. Comment les Casseurs Flowteurs ont fonctionné ?

Gringe : Sur ce drôle d’équilibre : à deux vitesses. Et le fait de parfaitement se connaitre amène à un paquet d’automatismes, en studio, sur scène ou à l’écran.

Selon un article, avec Orel vous êtes les R2-D2 et C-3PO du rap français, un peu en marge. Est-ce que vous sentez faire partie du monde du rap français ?

Gringe : Oui et non. Je sais qu’on est identifiés par les acteurs de ce milieu et qu’on obtient une certaine forme de reconnaissance de par la diversité de nos projets. Après mes amis, ma vie, sont à l’extérieur. Je vois surtout le rap comme un job.

Enfin ! Votre album solo arrive en 2018. Quel va être le ton de cet album ? Vous qui avez jusqu’ici disséminé quelques titres solo, est-ce que vous appréhendez aussi cette sortie ?

Gringe : Mélancolique, c’est sûr. Désabusé, drôle. Je ne me pose plus trop de questions relatives à ma légitimité. Je suis considéré par certains comme le side kick d’Orel au sein des Casseurs. Cet album est celui de l’émancipation et surtout la manifestation d’une urgence. Peu importe qu’il rencontre le succès ou non, ça fait trop longtemps que je me préserve. Il est temps que je me mette à nu.

Votre doublage dans Mutafakaz. Deux films dont vous êtes à l’affiche. Où aimeriez-vous porter votre carrière cinématographique maintenant ?

Gringe : 3 avec le film Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Eric Métayer. Aucune idée, je fonctionne aux rencontres et au feeling. Je découvre à peine l’exercice de la comédie et j’adore ça. Si ça pouvait continuer ce serait extra.

A l’image, vous êtes indétachable d’Orel. Et vice versa. Vous parlez souvent « d’être un vieux couple « . Quel relation vous entretenez en off?

Gringe : Celle d’un vieux couple. Pas besoin de trop se calculer pour apprécier les quelques moments qu’on partage ensemble. On a construit quelque chose de précieux sur cet équilibre là.

Carbone d’Olivier Marchal, avec Benoit Magimel, Gringe, Gérard Depardieu, sortira en salles le 1 er novembre.