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A l’étrange festival, rencontre avec Marcus Dunstan

Interview : Marcus Dunstan, réalisateur de The Neighbor

Il est des occasions qu’on ne rate pas, et l’Étrange Festival est une excellente opportunité pour rencontrer certains cinéastes qui font le cinéma de genre. Depuis qu’il a signé le scénario de la plupart des épisodes de la saga Saw, Marcus Dunstan est devenu une figure importante de la scène horrifique américaine. Un talent qui ne s’arrête à l’écriture puisqu’il a prouvé avec son dyptique The Collection / The Collector sa maitrise pour installer des ambiances malsaines et angoissantes. Alors qu’il vient, pour la première fois, à Paris nous présenter son troisième film, The Neighbor, l’équipe de CineSerie-Mag a rencontré ce nouveau maitre du huis-clos d’épouvante.

« Je voulais avoir l’opportunité de reprendre tout ce qui a marché auparavant ! »

Alors Marcus, tu es heureux d’être ici, à l’Étrange Festival pour présenter votre nouveau film ? 

interview-marcus-dunstanMarcus Dunstan : Oui évidemment. Pendant la projection, j’étais au fond de la salle et lorsque le générique de fin s’est lancé et que j’ai entendu les applaudissements, je me suis empressé d’envoyer un message à Alex, l’actrice principale, à Josh Stewart, aux producteurs, à la bande qui a fait la musique pour leur dire « Oh mon dieu ! Paris vient juste de faire une ovation ». C’était incroyable! C’est vraiment une expérience unique et je suis vraiment chanceux et reconnaissant.

Dans The Neighbor, il y a tout une intrigue sous-jacente à propos d’individus qui en kidnappent d’autres pour de l’argent et qui est un point de départ intéressant pour une nouvelle saga. Est-ce que tu as l’intention d’explorer plus en profondeur cette piste ?

Marcus Dunstan : Ce que j’ai aimé c’est que l’on s’est vraiment restreint à penser ça comme un thriller et pas comme un film d’horreur. Cela met en place  le mécanisme de cette famille qui fait ces vidéos, qui demandent ces rançons et qui commettent ces crimes. On leur a donné du temps à l’écran. Pas beaucoup, mais c’était très bien. Je me suis dit que ça pouvait être aussi effrayant qu’intense tout en paraissant réaliste et proche du documentaire. C’était cool, et maintenant qu’on a ouvert cette histoire, qu’est-ce qu’on pourrait faire par la suite ?

Tu pourrais faire un spin-off sur ces individus !

Marcus Dunstan : C’est possible. Mais la question aujourd’hui c’est de savoir une suite ne ressemblerait pas trop The Strangers de Bryan Bertino. Mais retrouver John et Rosie, les personnages principaux, cernés quelque part, peu importe où ils sont, je trouve ça assez génial (rires). Donc pourquoi pas ?

Il y a beaucoup de points communs entre ton nouveau film et les précédents, The Collection et The Collector. Est-ce une autre façon d’explorer ton univers ou est-ce, qu’au contraire, tu veux en explorer un nouveau, à présent en pleine Amérique profonde ?

Marcus Dunstan : Pour ce film, je voulais avoir l’opportunité de reprendre tout ce qui a marché auparavant, comme Josh Stewart et Charlie Clouser, le compositeur, et ensuite voir si on pouvait ajouter quelques nouvelles choses ici et là. On voulait la même tension mais avec une approche plus réaliste et humaine. Le côté Tex Avery avec les pièges, les mécanismes et l’ultra violence, est cette fois plus en arrière-plan. Le tout apparaît plus terrifiant car ça parait réel. C’est un couteau suisse contre une machette ou un bâton contre une arme à feu (rires).

Donc tu penses que ce réalisme est plus terrifiant qu’une violence plus graphique ? 

Marcus Dunstan : Oui absolument. C’est terrifiant parce que cela touche tout le monde. Par exemple, si tu montres à un public un homme qui se fait couper le bras, c’est quelque chose qui ne touchera pas tout le monde. Par contre, si tu leur montres quelqu’un qui se coupe avec une feuille de papier, il y aura une réaction car c’est quelque chose que tout le monde a vécu. La première option est juste gore alors que la seconde est terrifiante car les gens pourront partager le ressenti.

Dans tes trois films, tu as développé une approche intéressante du home-invasion, loin des clichés. Tu donnes la possibilité à tes protagonistes de riposter face à leurs agresseurs, au point de brouiller la ligne entre les victimes et les tortionnaires. Pourquoi est-ce si important pour toi de mettre tous tes personnages sur un pied d’égalité ?

Marcus Dunstan : Parce que je trouve ça assez rafraîchissant. D’habitude dans les films d’horreur il y a toujours cet adulte au code moral brisé qui s’impose en une sorte de « punisher » pour donner une leçon aux gens, leur apprendre à être reconnaissant. C’était le cas de Jigsaw dans la saga Saw. Dans le cas de The Neighbor, j’étais plus intéressé par les nuances de gris chez les gens. Et je pense que de toute façon, quand quelqu’un va au cinéma, il ne veut pas voir une personne normale vivre une journée ordinaire, mais des impulsions assez noires, des choses qui dépassent leurs espérances et le sentiment d’être renforcé à chaque fois qu’ils décident de faire le bien au lieu du mal. Ici, c’est une histoire à propos d’individus qui font de mauvaises choses donc ils se disent qu’ils devraient y jeter un œil ! (rires). Et en plus j’aime ça parce que cela donne aux acteurs plus de matière à explorer.

C’est pour ça que tu as mis cette scène prégénérique qui rend plus difficile l’empathie pour les protagonistes ?

 Marcus Dunstan : Exactement. Il y a tout un processus où on voit ses personnages se faire du souci pour cette femme au début, car elle a un enfant donc ils ne peuvent pas juste la laisser partir blessée, ils se doivent de la soigner. Mais on voit la colère de Josh, il est très doué pour jouer ça. Dans la vraie vie, il est aussi père donc il comprenait la nuance entre la colère de son personnage et la compréhension. C’était vraiment inspirant. Dès cette scène on comprend leur code moral, ils ne sont pas des gens biens mais ils veulent juste en avoir fini avec leurs ennuis et mettre tout ça derrière eux.

« Quand quelqu’un va au cinéma, il ne veut pas voir une personne normale vivre une journée ordinaire, mais des impulsions assez noires »

Tu donnes une vision assez étrange du Midwest, où tout le monde est capable du pire pour protéger sa famille. Est-ce qu’ils te font peur ou est-ce au contraire la marque d’un profond respect pour ces gens ?

Marcus Dunstan : Bien sûr que j’ai du respect pour eux, le Midwest c’est de là que je viens ! Pour rendre ses personnages plus efficaces il fallait qu’ils aient un petit peu de moi, dans le bien comme dans le mal. Du coup, ils ont des réactions disproportionnés à une situation cauchemardesque, ils se battent pour défendre leurs vies et si quelqu’un fait du mal à leurs mères, ils sont près à renvoyer l’ascenseur. C’était essentiel pour les rendre authentiques. Dans un film comme Massacre à la tronçonneuse, tu peux difficilement d’identifier avec les membres de la famille alors que là, le spectateur peut comprendre les personnages car on peut tous se reconnaître dans « Pourquoi tu as tué mon petit frère ? Il ne t’avait rien fait ». Ces choses peuvent te rendre fou.

Le leitmotiv entre tes trois films c’est ces gens qui en enferment d’autres chez eux. D’où te vient ce goût pour des personnages aussi horribles ?

Marcus Dunstan : Je pense souvent à ces araignées qui coincent leurs proies dans leurs filets et les laissent attachés avant de les manger. Quand j’ai fait The Collection, j’imaginais ce qu’une des victimes pouvait ressentir en voulant sortir de ce piège et rejoindre son propre chez soi. C’est une image effrayante qui m’est resté puisque dans The Neigbor c’est un peu le chemin inverse qui est fait, celui de personnages qui, fascinés par le mal, se plongent dans le piège des criminels.

Et quand tu as choisi le titre The Neighbor, tu pensais plutôt à John ou à Troy ? Après tout, ils sont tous les deux le voisin de l’autre… 

Marcus Dunstan : C’est intentionnellement vague. Au final de quoi parle le film ? Du voisinage et de ses secrets, de ne pas juger l’honnêteté de ton voisin à travers la tienne. Le mal vit à côté de nous, tout comme on vit tous les uns à côtés des autres. Pourquoi on s’isole ? Pour que ce que l’on fait chez soi ne soit pas vu de tous. Dans ce cas précis, ce sont des personnes qui se cachent dans le noir, mais en observant leur voisin, ils commencent à se demander si le mal de l’autre n’est pas pire que le leur.

Ce sentiment de paranoïa, de penser que le mal puisse être si près de soi, n’est-ce pas ce qui est finalement le plus effrayant dans ton film?

Marcus Dunstan : C’est ce que j’ai voulu faire ressentir à travers les personnages. Ils se savent mauvais car ils participent à un trafic de voitures volés, mais ils en oublient que le mal peut toujours être pire. Les gens se cachent souvent derrière leur propre vice, comme une barrière pour s’interdire de mesurer celui des autres… mais pas moi ! (rires)

Que penses-tu faire pour tes prochains films?

Marcus Dunstan : En ce moment j’écris, beaucoup même. J’ai un projet assez cool qui s’appelle Metronome pour Colin Trevororw, le réalisateur de Jurassic World et du prochain Star Wars épisode 9. C’est un projet qu’il a conçu avec Joel Silver et je travaille dessus pour lui. Je vais me concentrer dessus pendant quelque temps et on verra où ça nous mènera, c’est un mélange de science-fiction, d’action et de thriller. Je viens juste de signer aussi pour adapter une grosse franchise de fantasy mais je vais attendre que tout soit en ordre avec les contrats avant de l’annoncer et je pense que ça pourrait vraiment être différent de tout ce que j’ai fait jusqu’à présent. Et en tant que réalisateur, il y a un projet très personnel que j’aimerais faire. J’y tiens énormément car il est basé sur ma famille. Il provient d’un souvenir de famille et c’est presque ce qu’il y a de plus terrifiant pour moi (rires). Ce serait vraiment bien si j’avais la possibilité d’en faire quelque chose.