Réalisé par Soudade Kaadan, Nezouh raconte l’histoire d’un pays en guerre et d’un dilemme familial à travers le prisme de l’adolescence. Parfaitement à sa place dans la sélection du SIFF (Sharjah International Film Festival), Nezouh est un film empreint d’innocence, de tragique et d’une pointe d’humour qui parle à toutes les générations.
Synopsis : Damas, Syrie. La jeune Zeina, 14 ans et ses parents, Motaz et Hala, vivent dans un quartier qui tombe en désuétude. Du fait de la guerre, presque tous leurs voisins sont partis ou s’apprêtent à partir. Motaz, attaché à sa maison et à son honneur, refuse de fuir. Lors d’une nouvelle frappe d’obus sur le quartier, le toit de la chambre de Zeina est troué. Dès lors, de nouvelles possibilités de liberté vont changer le cours de sa vie.
Quelques mots sur la réalisatrice
Réalisatrice syrienne née en France, Soudade Kaadan a étudié la critique théâtrale à l’Institut supérieur d’Arts Dramatiques (Damas) et est diplômée de l’Institut des Études Scéniques, Audiovisuelles et Cinématographiques (IESAV) de l’Université libanaise de Saint-Joseph. Son premier long-métrage Le jour où j’ai perdu mon ombre (2018) a gagné un Lion du futur dans la catégorie Orizzonti de la Mostra de Venise. Son film, Nezouh (2022), a été présenté dans nombreux festivals à l’international et a été récompensé à plusieurs reprises, notamment par le prix du meilleur long métrage lors de la 10e édition du SIFF.
Nezouh, l’exode vers la liberté
Nezouh signifie exode en arabe. Et ce film, tristement dans l’air du temps, pose la question manichéenne qui s’impose souvent aux familles de pays en guerre, celle qui ramène à des questions primitives de survie : partir ou rester ? Dans un presque huis-clos à cheval entre le comique et le tragique, Soudade Kaadan réussit le pari de réaliser un film poétique et politique sur la Syrie dans lequel personne ne meurt.
Ce qui fait la force de Nezouh, c’est la profondeur de ses personnages qui se veulent tous allégoriques. Motaz (Samer El Mesri) incarne un optimiste exacerbé, au service du pathos. Il apparaît à la fois comme un tyran patriarcal naïf et comme un utopiste aguerri. Peu importe les bombes et le danger, il est prêt à tout pour ne pas devenir un réfugié. Avec Motaz, la réalisatrice aborde la complexité du statut de réfugié : un terme qui a une connotation parfois péjorative vu de l’extérieur, alors qu’il est souvent assimilé à une perte d’honneur pour ceux qui partent. Hala (Kinda Allouh), incarne la femme syrienne, celle évoluant dans une société encore très traditionnelle mais qui, par sa force de caractère, s’émancipe. Elle représente même un renversement de cette image classique de la mère en prenant les devants pour sauver sa fille Zeina. Elle est quasi-révolutionnaire. Paradoxalement, elle représente aussi les limites de cette émancipation. Zeina (Hala Zein) symbolise la fin de l’enfance, animée par le rêve et l’espoir. En passant hors de sa chambre par le trou de son plafond, mais également dans son amitié avec son jeune voisin, elle est l’image de la liberté. Elle se hisse à bout de bras vers la lumière malgré le poids qui repose sur ses épaules.
Nezouh s’adapte à son public en véhiculant parfaitement la vision de ses personnages. Dans les yeux d’un enfant, c’est un hymne à l’espoir et à la liberté pour une Syrie en guerre. Dans ceux d’un adulte, un récit presque réaliste qui banalise le conflit pour les familles syriennes. Avec une fin intelligemment ouverte, Soudade Kaadan nous laisse la possibilité d’imaginer l’issue de son film. Sa dernière scène, coupée au milieu de l’action, se termine à l’image de la vie, de manière absolument imprévisible. Ainsi, elle transcende l’horreur par la poésie en montrant qu’il existe d’autres possibilités qu’une fin funeste pour un film sur la guerre en Syrie.
Nezouh, pièce maîtresse du SIFF
Avec un décor à l’effigie d’une chambre d’enfant sous les décombres, dans le hall principal du cinéma, Nezouh était sans équivoque l’œuvre la plus attendue du festival. Et à raison. Nezouh est un film brillant pour la jeunesse. Entre la légèreté de l’enfance et la cruelle véracité de la guerre, le film remplit avec brio sa vocation éducative et artistique. Il ouvre les enfants et les adolescents à la réalité du monde d’une façon douce et onirique. C’est un film qui pousse chaque spectateur, peu importe son âge, à redéfinir ce qui est fondamentalement important.
Bande annonce – Nezouh
Fiche Technique – Nezouh
Titre : Nezouh
Réalisation et scénario : Soudade Kaadan
Musique : Rob Lane et Rob Manning
Décors : Osman özcan
Costumes : Selin Sozen
Photographie : Hélène Louvart et Burak Karbir
Son : Serter Alkaya
Montage : Soudade Kaadan et Nelly Quettier
Production : Soudade Kaadan, Yu-Fai Suen, Marc Bordure
Sociétés de production : Berkeley Media Group, Kaf Productions, Ex Nihilo
Société de distribution en France : Pyramide Distribution
Pays : Syrie, France, Royaume Uni, Qatar
Genre : Drame
Date de sortie en France : 21 juin 2023