MyFrenchFilmFestival ou le cinéma français vu de l’étranger

Cette année, la 5e édition de MyFrenchFilmFestival a vécu entre une censure en Chine et la consécration d’Hippocrate, Respire ainsi qu’Une Place sur la terre. Les membres du jury cinéastes étaient cette année les francophiles Michel Gondry (L’Ecume des jours), Joachim Lafosse (A Perdre la raison), Navav Lapid (L’Institutrice) et Abderrahmane Sissako qui s’est récemment distingué avec Timbuktu. Le festival, entièrement accessible en ligne, le dit lui-même, 2015 est l’année d’un bilan positif, tant au niveau des connexions que du constat sur le cinéma français qui a encore de belles heures devant lui. Mais, au fait, MyFrenchFilmFestival, c’est quoi ? Et que penser de son palmarès, de sa sélection ? Récit d’un festival connecté qui fait du bien au cinéma français.

MyFrenchFilmFestival ou l’essence du cinéma français accessible en ligne depuis 207 pays

MyFrenchFilmFestival est un festival consacré au cinéma français organisé par UniFrance films en février chaque année depuis cinq ans. Le visionnage des films est entièrement dématérialisé. Chaque internaute, un peu partout dans le monde, regarde les films depuis son ordinateur et peut voter à distance pour celui qu’il préfère, soit dans la catégorie longs métrages (non accessibles dans certains pays pour des questions de droit d’exploitation), soit dans celle des courts métrages (entièrement gratuits sur tous les continents). Les « visionneurs » ont un mois (cette année du 16 janvier au 16 février) pour découvrir une sélection de 10 courts métrages et 10 premiers ou deuxièmes longs métrages sortis en salle en France en 2014 et inédits à l’étranger. L’objectif ? Promouvoir le cinéma français, faire connaître les jeunes cinéastes français et assurer le rayonnement de notre cinéma à l’étranger. Pour cela, les films sont disponibles en 13 langues, le site également.

Edition 2015 : palmarès et bilan

Le festival récompense trois longs métrages et deux courts métrages par trois prix distincts :

Le prix Chopard du jury des Cinéastes, présidé cette année par Michel Gondry, a récompensé Hippocrate, premier film de Thomas Litti qui avait plutôt bien marché en salles en 2014 et avait convaincu la rédaction avec un Reda Kateb très habité au casting.

Le prix Lacoste du Public, avec plus de 15 000 votants, a choisi Une Place sur la terre de Fabienne Godet avec Benoit Poelvoorde et le court métrage belge La Bûche de Noël de Stéphane Aubier et Vincent Patar avec la voix de … Benoit Poelvoorde.

– Enfin, le prix de la Presse Internationale, qui réunit six journalistes étrangers, a été décerné à Mélanie Laurent pour Respire et à Alice Douard pour son court métrage Extraystole. Très « jeunesse bourgeoise » tout ça. L’image de la France a encore besoin de se durcir à l’étranger apparemment. En tout cas, il fait encore battre le cœur du monde, c’est déjà ça.

Cette année a été aussi celle d’un record, celui du nombre de visionnages porté à 560 000 contre 380 000 en 2014. Une augmentation d’autant plus remarquable que les internautes chinois n’ont pu avoir accès aux films pour cause de renforcement de la censure sur internet, et en particulier la VOD, en Chine. Ce sont les Mexicains, les Brésiliens et les Français qui se sont connectés en priorité, devant les Polonais et les Colombiens. Enfin, sélectionné hors compétition au regard des événements qui ont bousculé la France début 2015, C’est dur d’être aimé par des cons de Daniel Lecomte a permis au festival de rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo.

Les coups de cœur de la rédaction 

Hippocrate et La Bûche de Noël (sélectionné pour les César), sorte de court métrage sous acide et déjanté à l’humour décapant, ont convaincu la rédaction côté palmarès, alors qu’Extrasystole, un peu trop centré sur Paris et ses étudiants « branchés », intellos et très élitistes, ou encore le film trop sage de Mélanie Laurent, Respire, nous ont moins emballés.

Parmi les autres films présents dans la sélection, cineseries-mag a retenu trois coups de cœur, un long métrage et deux courts métrages, ainsi qu’ un petit bonus d’encouragement :

Côté long métrage, Eastern Boys de Robin Campillo a particulièrement retenu notre attention puisque le film est un véritable petit bijou de mise en scène et de construction dramatique. De plus, il marque fortement les esprits par un scénario qui monte en crescendo et trouve son paroxysme dans deux scènes fabuleuses à elles toutes seules (au début et à la fin du film). Pour les courts métrages en compétition, on notera la présence de plusieurs courts parlant de banlieue, le thème étant la jeunesse, avec assez peu d’inspiration et, au milieu, une petite pépite dont l’intrigue se situe au cœur du Japon, sobrement intitulé Shadow, qui fait état d’une transformation physique assez déroutante, onirique et fantastique. Une belle surprise au milieu de la morosité ambiante. Hors compétition, c’est Monia Chokri, l’actrice (et maintenant réalisatrice donc) québécoise repérée dans Les Amours imaginaires du prodige Xavier Dolan (qui signe ici le montage), qui nous a bluffé avec Quelqu’un d’extraordinaire. Pourquoi ? Un scénario à l’allure plutôt simple qui met en avant l’altérité et les petits moments de vie qui peuvent tout changer. Au cœur du film se trouve une petite pépite de scène de soirée « girly » détruite par le personnage, particulièrement jouissive. La présence au casting de la géniale Anne Dorval (Mommy) est pour beaucoup dans le plaisir de ce petit court tout simple, mais drôle et enlevé. Sa simple voix est un plaisir qui réjouit. Enfin, petit bonus pour Les Insouciants de Louise de Prémonville, dont la construction scénaristique glaçante nous maintient en haleine et nous bouleverse.

Extrasystole, titre peu accessible, décrit, en français, un emballement du cœur, souvent amoureux. On espère que c’est ce qu’ont ressenti les internautes du monde entier devant ces films français d’une rare qualité (de L’Etrange Couleur des larmes de ton corps à Vandal), évocateurs et d’une diversité réjouissante. C’est sur une note positive que se conclut le festival et notre bilan personnel. Oui, le cinéma français compte de très beaux films dans ses rangs, Plein Soleil de René Clément était sélectionné hors compétition cette année, et une nouvelle génération vraiment très prometteuse. 

Découvrez la vidéo du festival réalisée par Michel Gondry, président du jury des cinéastes

Reporter LeMagduCiné