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Lumière 2015: Belmondo, Lindon et Lasseter ouvrent le festival

Festival Lumière 2015 JOUR 1 : De Toy Story à Belmondo

En ce lundi 12 Octobre, le temps est gris si ce n’est terne sur la métropole lyonnaise. Il faut dire que la capitale des Gaules n’a toujours pas reçu la visite du fils prodigue Martin Scorsese, censé ouvrir les festivités lui étant consacrées. Le réalisateur américain se trouvant sur Paris pour assurer le vernissage de la grande exposition que la Cinémathèque Française lui a préparé, il faudra se résigner à attendre sa venue pour plus tard. Heureusement, la bande à Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier n’ont encore une fois pas lésiné sur les moyens pour charmer les foules, quitte à impressionner son public dès le premier jour, au biais d’une programmation des plus éclectique, voguant entre Kurosawa, Chabrol, Kubrick et Mankiewicz.

Une journée axée sous le sceau de l’hommage

Hasard de la programmation, mais le premier film diffusé sur les écrans pour marquer le début de la 7ème édition du Festival sera ainsi un film, véritablement tournant dans l’art cinématographique, puisque entièrement conçu par ordinateur. Vous l’aurez deviné, Toy Story était de sortie ce matin, au grand bonheur de cinéphiles installé à l’Institut Lumière et véritablement médusés de voir un film vieux de 20 ans afficher une vitalité des plus effrayantes. Converti pour l’occasion au format numérique par l’industrie Pixar, et habilement présenté par son réalisateur, John Lasseter, aussi considéré comme le Walt Disney du 21ème siècle – eu égard à sa contribution majeure au développement de presque tous les films Pixar sortis depuis -, le film donne déjà le ton. On croisera du sublime aujourd’hui. Du sublime et du majeur. Mais à peine la projection terminée que me voilà déjà devant un dilemme : dois-je continuer dans la veine du grand spectacle et tenter de voir le titanesque Spartacus de Stanley Kubrick, ou bien dois-je me rabattre vers l’une des personnalités qui est à l’honneur, à savoir le méconnu réalisateur français Julien Duvivier, avec son très intriguant Voici le temps des Assassins ? Mon choix se portera sur le Kubrick. Kirk Douglas dans la peau d’un esclave devenu gladiateur, le tout magnifié par un réalisateur déjà bien aguerri, le spectacle promet. Et c’est le cas. Les 3h18 passent comme une lettre à la poste, mais pas le temps de se remémorer l’héroïsme de cet esclave, que déjà vient le temps de se rendre à la Halle Tony Garnier pour assister à la cérémonie de clôture.

Un métro et 3 changements plus tard, me voilà devant la Halle Tony Garnier, qui avant sa transformation en salle de concert aura tout vu. D’abord marché pour bestiaux, ensuite abattoir et finalement arsenal pendant la Grande Guerre, autant dire que le lieu a vécu. Mais c’est de l’histoire ancienne heureusement. De construction spacieuse, la Halle est aujourd’hui apte à recevoir pas loin de 5000 personnes, qui pour l’occasion ont toutes payées leur place pour assister à la cérémonie que Thierry Frémaux, le grand manitou de l’évènement, annonce d’emblée comme différente, et ce malgré les 6 dernières éditions ayant déjà donné le ton. Une marée humaine devant l’entrée, des discussions glanées avec des fans qui se demandent déjà si Robert de Niro ou Leonardo DiCaprio seront de la partie, et d’autres tentant d’innombrables pronostics sur le film choisi pour lancer les festivités, et voilà que vient enfin mon tour de rentrer dans la salle. Pas le temps de s’attarder sur la beauté du lieu, que vient déjà une priorité : trouver un bon fauteuil. Entre sièges réservés, places attribuées à des invités de prestige et une cohue de personnes prêtes à tout, difficile de jouer le difficile. Ça sera donc assis dans les gradins du côté gauche de l’écran, entouré de certains de mes homologues journalistes, avec le stylo déjà dégainé et le calepin prêt à l’usage, que je commencerais à écrire pour une soirée que je pressens déjà comme inoubliable.

Une cérémonie d’ouverture ahurissante

Et à peine le temps de s’asseoir que déjà l’ambiance est posée. Du Rolling Stones dans l’air qui tourne à plein tube, un brouhaha intempestif et d’éternels indécis, voilà que se met lentement en places les évènements, quitte à voir déjà les premières personnalités de la soirée fouler le tapis rouge et s’asseoir en catimini au milieu de la salle. Thierry Frémaux, pas stressé pour un sou puisque dans son élément, joue alors l’homme chargé d’escorter les stars l’une après l’autre. On verra ainsi le couple Raphael/ Mélanie Thierry, suivi par le maître de l’horreur Dario Argento aux bras de sa fille Asia. Puis vient Abderrahmane Sissako, le réalisateur multi récompensé aux derniers Césars pour son drame Timbuktu, l’acteur français Daniel Auteuil, l’animateur de RTL Laurent Gerra, Eric Lartigau auquel on doit la comédie populaire La Famille Bélier. S’en suit l’arrivée d’Alex Lutz et Louise Bourgoin tout sourire, à peine devancé par Rolf de Heer (Charlie’s Country), dont le calme olympien ne cessera jamais de surprendre, lui qui joue constamment la démesure dans ses films.

Puis vient l’arrivée de l’une des personnalités les plus attendus de l’évènement : Nicolas Winding Refn. Le réalisateur de la trilogie Pusher, Drive et autre Only God Forgives, toujours avec ses lunettes vissées sur le crane et sa houppette digne de Tintin, foule le tapis de manière sobre et ne s’attarde pas devant les photographes, ces derniers étant sans doute trop occupés par la personnalité arrivant juste derrière, une personne ayant d’une manière ou d’une autre révolutionné le cinéma pour toutes les personnes ayant moins de 30 ans dans la salle : John Lasseter. Le papa de Toy Story arrive tout sourire, avec une démarche respirant la bonhomie et le rire, l’intéressé arborant d’ailleurs fièrement une chemise sertie des personnages de son déjà culte Vice Versa, entre Joie, Colère, Dégoût, Peur et Tristesse. Une fois l’homme ayant sublimé notre enfance assis, voilà que toute la salle, sans doute sous le coup de l’émotion se lève. La personnalité qui arrive est comment dire… une légende. Démarche claudicante, et s’aidant d’une canne pour marcher, le sourire de Jean-Paul Belmondo reste pourtant intact. Bébel pour les intimes avance sous le crépitement des flashs et les applaudissements assourdissants pour finalement se réserver la place d’honneur, aux côté de son fils et du maire de Lyon, Gérard Collomb, entré discrètement. Et voilà que la dernière star arrive. Auréolé du Prix d’Interprétation Masculine au dernier Festival de Cannes pour La Loi du Marché, voilà que Vincent Lindon, à la démarche humble et blaguant avec Thierry Frémaux, vient s’asseoir.

La salle est au complet, l’heure est à présent venue de démarrer et de lancer Thierry Frémaux sur le sujet, réglé comme d’habitude en diction mitraillette. A peine le temps de nous dire les formidables moyens techniques investis (on parle quand même de 150 films différents diffusés à travers 370 séances), que le voilà déjà à respecter l’adage qui vaut qu’une image vaut mieux un long discours, en donnant à voir le programme détaillé de la semaine. Sur une bande sonore voyant Satisfaction des Stones côtoyer House of The Rising Sun de The Animals, voilà que la diversité revendiquée par Frémaux se fait jour. De la Toho à Scorsese, de Duvivier à Ridley Scott, la vidéo fait état d’une programmation éclectique qui verra assurément le rire des enfants côtoyer la mélancolie des plus vieux. Une mélancolie qui infusera d’ailleurs totalement la vidéo montrée juste après, puisque s’agissant d’une vidéo compilant tout le catalogue des films Pixar, et dont la simple vue suffit à déchaîner un torrent d’émotions dans l’esprit du vieil enfant que je suis déjà.

Mais pas le temps de s’y attarder. Thierry Frémaux, toujours aussi prolixe, continue. D’abord avec une publicité vantant L’Association des Toiles Enchantées, organisme qui prévoit d’amener jusque dans les hôpitaux des films pour les enfants handicapés, et ensuite avec du foot. Oui, vous avez bien lu. Nommé ambassadeur de l’Euro 2016, voilà que le président du Festival, secondé par le Ministre des Sports, décide de présenter à l’auditoire le look du ballon prévu pour l’Euro 2016, pour finalement réquisitionner ensuite une poignée de spectateurs dans la salle, qui monteront sur scène et tireront avec leurs pieds dans le ballon, quitte à en voir un frôler la tête de notre cher Belmondo. L’accident était proche. Heureusement, point de soucis à se faire, et la rythmique très speed de Frémaux continue avec sans doute l’un des points forts de la soirée. Toujours focalisé sur l’hommage, Frémaux laisse la place et l’attention à un modèle de cinématographe, celui-là même fabriqué à Lyon, qui diffuse devant une salle ébahie, la pellicule originale du premier film réalisé par les frères Lumières : Sortie d’Usine. 50 secondes pendant lesquelles la salle entièrement dans le noir, sera rythmée par ce bruit mécanique et répétitif d’une manivelle tournée par Frémaux, qui montre au public l’un des tous premiers films de l’histoire pour un résultat donnant des frissons. Mais, son amour de la pellicule et du vieux étant insatiable, nous voilà également récompensés par un morceau de pellicule du film de René Clément sorti en 1952, Jeux Interdits. Le genre de souvenirs qu’on garde précieusement.

Puis vient alors le quart d’heure comique de la cérémonie. Blagueur, Thierry Frémaux invite tous les invités de prestige contenus dans la salle à monter sur la scène, pour répéter une phrase sensée ouvrir officiellement les festivités. L’occasion de voir la barrière des langues s’affirmer, tant le rendu est proche d’une cacophonie inaudible, amenant donc le rire et faisant perdre le caractère solennel et fort du message. Mais qu’importe puisque cela fait rire. Encore plus quand Laurent Gerra, lui aussi sur scène, se voit missionné par Frémaux pour quelques imitations. Johnny Halliday, Jean-Luc Godard et finalement le grand Alain Delon seront ainsi présents pendant un bref laps de temps dans la salle, avant de disparaître sous le rire d’une salle totalement acquise aux talents vocaux de l’animateur radio.

Un film osé et inventif

Déjà 21h passé et voilà que la dernière attraction de la soirée se met en place. Thierry Frémaux, à proximité du Prix Lumière, appelle alors Vincent Lindon sur la scène. L’acteur français, pilier de la profession et homme simple avant tout s’avance et révèle, non sans une pointe de fierté, le film surprise projeté à l’issue de la présentation. Ça sera donc La Fin du Jour de Julien Duvivier, film sorti en 1939 et qui nous plonge dans une maison de retraites spécialisées pour comédien. Décrit par Lindon qui est à l’initiative du choix, comme un mélange à mi-chemin entre le film Quartet de Dustin Hoffman et le plus récent Youth de Paolo Sorrentino, le choix de La Fin du Jour est pour lui l’occasion de montrer l’admiration sans borne qu’il voue à ce cinéaste relativement méconnu et dont il déplore le manque de notoriété, mais surtout l’occasion de pouvoir étaler toute sa connaissance sur le cinéma français ne faisant que renforcer son capital sympathie. Une brève présence sur la scène lui permettant aussi de remercier chaleureusement le directeur du Festival, qu’il assimile pour l’occasion à Aimé Jacquet, pour son prix à Cannes amplement mérité. Puis vient le moment du baisser de rideau. Les lumières se tamisent, les invités reprennent leur place et voilà que le logo de Pathé retentit dans la salle. La Fin du Jour donc. Ou comment voir un mix entre Indian Palace, Vol au-dessus d’un Nid de Coucou, Youth et Quartet, provoquer le rire et aussi le chagrin devant un film que l’on m’étonne déjà de ne jamais avoir été adapté outre-Atlantique, puisque touchant à la profession d’acteurs. Le film, entièrement restaurée par Pathé, est d’une beauté incandescente et permet pendant les 1h40 de sa durée, de voir un autre aperçu du cinéma tel qu’il était à l’époque : farceur, dur, mais réel. Mise en abyme tout comme hommage à un cinéaste oublié, autant dire que le choix est teinté d’une logique édifiante, et permet de comprendre que cette édition ne devrait pas manquer de déchaîner encore une fois les passions. La fin arrive, et voilà que le public quitte lentement les lieux. L’occasion pour moi d’obtenir un autographe de Nicolas Winding Refn, décidément plus chaleureux que ses films ne pourraient le laisser penser, et de pouvoir approcher à quelques mètres à peine de John Lasseter. Requinqué par ces rencontres inespérées, ne reste plus qu’a prendre le métro et la perspective d’un chocolat bien chaud pour me remettre de cette folle soirée, qui n’est que le début du spectacle. The Show goes on !

Rédacteur LeMagduCiné