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Festival Lumière 2015: L’hommage de Thierry Frémaux au cinéma

Il était une fois un passionné de cinéma: Thierry Frémaux

Si l’on pouvait attester de la passion d’une personne par son dévouement sans faille à la chose qu’il adore, nul doute que Thierry Frémaux ferait office de plus grand passionné de cinéma de France. Non content d’avoir su perpétuer la médiatisation affiliée à ce petit lopin de terre de la Côte d’Azur qu’est Cannes, qui est devenu sous sa direction la terre d’accueil et d’expression de tous les cinéma, Thierry Frémaux a en effet souhaité apposer sa marque sur la ville qui l’a vu éclore et qui l’a vu se passionner pour l’art sacralisant le mouvement : Lyon.

La capitale des Gaules, outre son patrimoine culinaire reconnu à travers le monde (saucissons, quenelles, sans oublier les fameux bouchons, petit restaurants qui pullulent à travers la ville) est en effet la terre de villégiature des frères Auguste et Louis Lumière, qui de par leurs avancées dans le domaine de la photographie à l’aune du 20ème siècle, ont véritablement inventé le cinéma, en contribuant à le populariser et à le diffuser à grande échelle ; là ou Thomas Edison et William Kennedy Laurie Dickson n’ont qu’inventé le mécanisme initial (le kinématographe) dès 1891. Pour autant, une seule question demeure : comment les frères Lumières ont su s’approprier la paternité de cette invention, quand bien même ces derniers affichaient un retard de quatre ans par rapport à Edison ? La réponse proviendra de leur père, Antoine Lumière, qui décèlera dans le dispositif de l’Américain, une lacune qu’il conviendra de corriger afin de concrétiser ce marché déjà plein d’avenir : il « faut marier le miracle de l’image photographique en mouvement avec la magie de la projection sur grand écran ». La diffusion sur grand écran et au public devenant vite une obsession, les frères s’attèleront aussitôt à la tâche, quitte à ce qu’en 1895, ces derniers parviennent finalement à y arriver et enchaînent sur deux films, aujourd’hui mondialement reconnu : Sortie d’Usine et Arrivée d’un train en Gare de la Ciotat. Des films qui susciteront très vite l’admiration quitte à voir la naissance d’un pan tout entier de culture dédié à l’art cinématographique, qui fort de certains progrès techniques, ne cessera de s’améliorer.

Un legs majeur, quasiment impossible à quantifier aujourd’hui compte tenu de son importance, qu’a pourtant choisi de sacrer Thierry Frémaux en créant dès 2009, le Festival Lumière. Extension non avouée (quoique perceptible) du Festival de Cannes – les deux festivités partageant cette ouverture et ce souhait d’embrasser les deux versants du cinéma, celui d’aujourd’hui et d’hier–  le Festival Lumière est surtout aux yeux de son principal instigateur, un diplôme. Rien d’étonnant à voir Frémaux user de cette image enfantine et somme toute simple, lui qui par son parcours et sa personnalité a su démontrer qu’avec la renommée qui va de pair avec ses fonctions, il a su rester cet homme simple et proche du public. Et pour cause. Judoka averti à l’incroyable diction, immense passionné de cinéma et lyonnais pur souche, Frémaux respire la bonhomie et l’admiration, quitte à attirer une incroyable sympathie sur lui, pourtant véritable taulier dans le milieu.  

Un hommage incandescent.

Une réputation qui a forcément dû jouer dans la tenue de la première édition du Festival, en 2009, qui compte tenu de l’immense pari entrepris (Clint Eastwood en invité d’honneur)) n’était pas assuré de se voir reconduit. Mais cette crainte fût heureusement balayée, sitôt que la réelle motivation des festivités a vu le jour. En un mot : l’hommage. Lettre d’amour au cinéma, hommage incandescent aux figures majeures de cet art, le Festival a dès sa première année, donné le la et ainsi instauré nombre d’évènements aujourd’hui considérés comme obligatoires : la Cérémonie d’Ouverture et de Clôture qui se tiennent toutes deux à la Halle Tony Garnier, les Master Class, la Nuit Spéciale donnant à voir un chapelet de films sélectionnés en amont, mais surtout la Remise du Prix Lumière.

A la fois vocation et finalité de l’évènement, la Remise du Prix Lumière à un membre de la profession est un passage hautement mémorable et prompt à susciter l’émotion. Entre déclarations intimes, secrets de tournages ou pics de joie manifestes, la Remise du Prix Lumière est l’occasion pour Frémaux de donner la parole à la personnalité sacrée, comme ce fut le cas avec Quentin Tarantino, récipiendaire de l’édition 2013, et qui dédia son prix « à toutes les personnes aimant le cinéma plus que leur propre vie » ou Milos Forman, récipiendaire de l’édition 2010 qui n’a pas caché sa joie de recevoir un prix aussi rare, le tout par une phrase prompte à dénigrer l’Académie des Oscars : « Tellement de gens ont des Oscars, mais Lumière… ».

Pour autant, c’est à Gérard Depardieu, lui aussi sacré en 2011, qu’on doit la phrase la plus apte à retranscrire l’ambiance émanant de l’évènement : « je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi puissant ». L’occasion de se pencher sur une des spécificités propres au Festival, et apte à revendiquer cette puissance : son caractère public. Car oui, à l’inverse de Cannes, Venise ou  Berlin, le Festival Lumière est un festival du peuple. Niché dans le pays lyonnais, terres beaucoup plus enclines à accueillir des cinéphiles, car débarrassé d’une logistique et d’une sécurité cannoise ahurissante, le Festival peut revendiquer pleinement son accessibilité qu’il n’a d’ailleurs jamais hésité à afficher jusque sur la devanture de l’évènement : l’affiche officielle, fièrement sertie de la mention : Un festival de cinéma pour tous.

Ce faisant, avec plus de 300 séances échelonnées dans plus de 30 salles, faisant la part belle à la filmographie de la personnalité sacrée et à kyrielle d’hommages adressés autant à un réalisateur méconnu, qu’un genre tout entier ou une brochette de films tout entière directement issus des valises de la personnalité sacrée, le Festival peut revendiquer une variété et une diversification répondant aux cadors cannois et surtout à la volonté de Frémaux, qui par ce prix souhaite égaler l’ambition et le prestige du Prix Nobel. Nul doute qu’après étude de la liste des récipiendaires, qui comprend Clint Eastwood, Ken Loach, Gérard Depardieu, Milos Forman, Quentin Tarantino, Pedro Almodovar et maintenant Martin Scorsese, le natif de Vénissieux a réussi son coup, quitte à rendre une lubie de fan réalité. Un passionné on vous dit !

Rédacteur LeMagduCiné