Le nazisme et ses criminels inspirent le septième art tout autant que la littérature. Comme si les exactions de ces hommes devaient être traitées autant dans un but de compréhension, que de devoir de mémoire, ou encore de fascination ou de réconciliation avec l’Histoire. Le réalisateur russe Kirill Serebrennikov fait une première entorse à sa langue natale pour adapter le livre d’Olivier Guez sur le criminel de guerre nazi et médecin d’Auschwitz, Josef Mengele. Et il le fait à sa sauce et tel qu’on le connaît : mise en scène tape-à-l’œil, durée excessive, interprétation de qualité, moments intenses pour un ensemble ténu et austère. En gros, La Disparition de Josef Mengele contient autant de défauts que de qualités, pour une œuvre décousue et peu aimable, mais qui contient tout de même de grands moments de cinéma et s’essaie au portrait (terrifiant) d’un monstre. La banalité du mal…
Synopsis : Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Josef Mengele, le médecin nazi du camp d’Auschwitz, parvient à s’enfuir en Amérique du Sud pour refaire sa vie dans la clandestinité. De Buenos Aires au Paraguay, en passant par le Brésil, celui qu’on a baptisé « L’Ange de la Mort » va organiser sa méthodique disparition pour échapper à toute forme de procès.
Beaucoup de films ou de séries s’essaient à revenir sur le nazisme et ceux qui l’ont représenté. Certains, plus hollywoodiens, comme la ratée Opération Finale ou la boursouflée et parfois grotesque série Hunters avec Al Pacino, ne marqueront pas les mémoires. Ils narraient également la fuite et/ou la traque de criminels nazis comme Adolf Eichmann. Voire Hitler, comme le voudrait la légende selon laquelle il ne serait pas mort dans son bunker. D’ailleurs, l’un des meilleurs films sur le sujet, La Chute d’Olivier Hirschbiegel, dressait admirablement le portrait du Führer. Dans les dernières années, on a également eu des films allemands comme La Conférence ou Le Labyrinthe du silence, qui revenaient sur les nazis, leur procès et leurs méfaits.
Le cinéaste russe Kirill Serebrennikov se penche donc sur le sujet et se retrouve une nouvelle fois en compétition au dernier Festival de Cannes pour son premier film dans une autre langue. Il adapte le roman éponyme d’Olivier Guez, La Disparition de Josef Mengele. On revient ici sur l’après-guerre en Amérique du Sud de ce grand médecin SS posté à Auschwitz, où il a commis les pires atrocités. Serebrennikov pêche par certains choix formels et narratifs, maniérés et clivants, mais nous gratifie aussi de séquences très fortes, malheureusement éparpillées sporadiquement dans un long-métrage qui apparaît souvent décousu et fouillis.
Hormis l’un de ses premiers films à être parvenu dans nos contrées, le passionnant Le Disciple, le réalisateur russe a une fâcheuse tendance à se cantonner à un cinéma d’auteur pointu qui se regarde le nombril. C’est un plasticien de l’image hors normes, on ne peut nier la beauté de ses plans, mais c’est souvent gratuit ici. Le noir et blanc n’est pas vraiment utile et ne se justifie qu’en tant qu’effet de style, surtout avec le choix de mettre de la couleur sur des séquences bien précises. D’ailleurs, la principale, au milieu du film, fait le contraire du récent et magistral La Zone d’intérêt. Elle montre l’horreur et ne se refuse rien. On ne sait pas dire si cette séquence nous fascine, nous révulse, ou surtout si elle a sa place au milieu du reste. Il n’empêche, si ce n’est une caméra à l’épaule parfois fatigante, le cinéaste nous gratifie encore d’un bel objet de cinéma.
August Diehl se glisse dans la peau de cet homme obstiné, qui ne se remettra jamais en question. Il empoigne le rôle avec ferveur, mais n’a finalement pas grand-chose à jouer d’autre qu’un homme aigri, haineux et colérique. Il y a d’ailleurs quelques échanges explosifs très pertinents et révélateurs avec son fils ou avec la famille de fermiers hongrois qui l’héberge, et qui montrent bien sa haine et sa rancœur. Pour ce qui est des seconds rôles, c’est plus compliqué. Beaucoup de personnages, dont pas mal qu’on ne sait pas cerner sans avoir lu le livre ou si sa lecture date de quelque temps. Le script du film aurait dû se resserrer sur Mengele et développer davantage sa psyché, celle de l’homme derrière le monstre. On sort de là remué, certes, mais en ayant l’impression de ne rien avoir appris.
La Disparition de Josef Mengele souffre également d’un début chaotique : c’est fastidieux à démarrer, et au début, on aura le droit de trouver le temps long. Les allers-retours sur les différentes époques semblent aléatoires et futiles, comme une mode au cinéma depuis quelque temps, à l’instar des flashforwards. Autre effet de style ou véritable nécessité narrative ? On penchera plutôt pour la première option, confirmant une œuvre intense mais maniérée. Il n’empêche que certains moments marquent la rétine et imprègnent notre esprit durablement. Il y a cependant des trous à combler dans cette histoire, un gros manque de tension au vu du sujet, des passages intéressants qui semblent manquer. Austère, trop long et parcellaire, c’est une œuvre au sein de laquelle il faut se fondre avec courage, mais qui demeure intéressante et visuellement ambitieuse. On ne lui enlèvera pas ça.
Bande-annonce – La disparition de Josef Mengele
Fiche technique – La disparition de Josef Mengele
Réalisateur : Kirill Serebrennikov.
Scénariste : Kirill Serebrennikov d’après l’oeuvre d’Olivier Guez.
Production : Arte France Cinema.
Distribution : Bac Films.
Interprétation : August Diehl, Maximilian Meyer-Bretschneider, Friederike Becht, …
Genres : Thriller – Drame – Historique.
Date de sortie : 22 octobre 2025.
Durée : 2h11.
Pays : France – Allemagne.




