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FFCP 2024 | Citizen of a kind

FFCP 2024 : Citizen of a kind, justice girls

Jérémy Chommanivong Responsable Cinéma

Qui n’a pas été pris pour cible d’une tentative d’arnaque en ligne ou par téléphone ? De nombreux citoyens ordinaires, avec leurs problèmes ordinaires, ont succombé à l’appel du besoin et se sont jetés dans la gueule du loup. Citizen of a kind revient sur l’histoire vraie et extraordinaire d’une mère célibataire coréenne qui s’est elle-même rendue justice en traquant le chef d’un réseau d’hameçonnage en 2016. Le deuxième film de Park Young-ju remonte la même piste dans une œuvre grand public qui casse autant les clichés qu’il les magnifie, avec panache. Les malicieux allers-retours entre humour décapant et séquences de tension particulièrement jouissives ont eu raison des festivaliers au Publicis Cinémas.

SynopsisUne femme dont l’entreprise a pris feu, contracte un prêt important pour tenter de se relancer. Lorsqu’elle découvre que le prêt est un canular perpétré par un gang étranger, la femme se rend en Chine pour tirer les choses au clair.

Remarqué avec son saisissant court-métrage 1 Kilogram à Cannes en 2016, Park Young-ju a eu l’opportunité de pousser plus loin la réflexion sur le deuil et les regrets dans son premier long-métrage Second Life (présenté au FFCP 2019), où une lycéenne mythomane a provoqué le suicide d’une camarade de classe. Puis, vint ce tremplin inespéré lorsque des producteurs lui ont suggéré de creuser sur les faits réels reportés par Kim Seong-ja, propriétaire d’une laverie automatique qui s’est fait arnaquer dans un hameçonnage par téléphone. Il s’agissait déjà du point de départ dans le film bourrin et décérébré The Beekeeper avec Jason Statham. En dépit de cette vaine tentative de restaurer la crédibilité de David Ayer. À ce jeu-là, Ra Mi-Ran (déjà aperçue dans Ode to My Father) ne démérite aucunement face aux figures viriles d’Hollywood et tient la promesse d’un exutoire jouissif, au nom de toutes celles et ceux qui ont connu la même galère que son personnage. Des histoires vraies frissonnantes mais qui, dans les mains et le cadre d’une artisane prometteuse, permettent que l’on transpose ce lot de souffrances sur le grand écran.

Justice et ses drôles de dames

Sans rien attendre de personne, et surtout de la part d’un inspecteur désespérément à la ramasse, direction la ville portuaire de Qingdao en Chine. En déficit d’une grosse somme qui aurait pu mettre ses deux jeunes enfants à l’abri, Duk-hee compte bien faire payer le prix fort aux ravisseurs qui ont profité de sa vulnérabilité. Portée par son courage, sa rage naturelle et le soutien indéfectible de ses collègues déjantés, cette quarantenaire ne s’arrêtera qu’une fois sa dignité retrouvée. Et pour compléter le Scooby-Gang de bras-cassés, mais obstinés, Yeom Hye-ran, Park Byung-eun et Jang Yoon-ju assurent de rendre l’enquête captivante. Cela crée habilement un décalage avec l’atmosphère sombre et solennelle qui occupe l’usine à arnaques, dotée de l’option séquestration. N’oublions pas qu’il s’agit d’un réseau mafieux à la poigne féroce, à l’image de son chef impitoyable. Dark Market mettait déjà l’accent sur la violence d’un tel antagoniste, avec une densité psychologique palpable.

On peut néanmoins trouver un peu de nuances dans toute cette tragédie numérique. Bien heureusement, Park Young-ju double sa narration et place le comédien Gong Myung en parallèle de la trajectoire des femmes en colère et à contre-emploi de sa filmographie. Il constitue le contrepoids idéal aux drôles de dames qui pleurnichent à tout bout de champ. Mais lorsqu’il s’agit de répondre présent au bon moment (ou presque), chacune de ces femmes illumine l’écran et c’est tout ce qu’il y a besoin de retenir de cette comédie d’action jubilatoire. Dans une interview menée par View of the Arts, la cinéaste a déclaré vouloir « faire un film qui fasse pleurer, rire et maudire les méchants », en ajoutant « Mais s’il y a un message que je voudrais transmettre au public, c’est que les victimes ne sont jamais responsables de la situation dans laquelle elles se trouvent ». Le pari semble plus que réussi, sachant les difficultés que les productions de studio coréennes peuvent avoir à conjuguer des genres diamétralement opposés avec plus (Parasite) ou moins (le diptyque Alienoid) de réussite.

Lors de la précédente édition, Rebound, qui racontait la trajectoire hallucinante d’une équipe (très réduite) de basketball, nous a permis de rire à l’unisson, sans oublier une petite étincelle émotionnelle pour nous achever. Cette année encore, Citizen of a kind réitère cet exploit, sachant qu’il s’agit d’un pur film de studio réalisé par une femme, ce qui est encore rare à ce jour. Résultat des comptes : une œuvre qui a le bon sens de remettre sur le devant de la scène une comédie populaire, à la fois tranchante et poignante.

Ce film est présenté à la section paysage de la 19e édition du Festival du Film Coréen à Paris.

Citizen of a kind : bande-annonce

Citizen of a kind : fiche technique

Réalisation et Scénario : Park Young-ju
Directeur de la photographie : Lee Hyung-bin
Montage : Kim Sun-min
Musique originale : Hwang Sang-jun
Producteur : Baek Chang-ju, Jeong Jae-yeon
Production : C-JeS Studios, Page One Film
Pays de production : Corée du Sud
Distribution internationale : Showbox
Durée : 1h54
Genre : Comédie, Action

Responsable Cinéma