Festival Lumière 2018 : le grand rassemblement autour du cinéma

Sebastien Guilhermet Redacteur en Chef

Le Festival Lumière 2018 vient de fermer ses portes et c’est avec une joie non dissimulée que nous avons participé à cette dixième édition. Nous avons sillonné le Pathé Bellecour ou le Comedia pendant une semaine sans relâche. Cela fait donc 10 ans que ce festival existe et rend un hommage sincère au cinéma. On parle bien de cela : le terme qui est au centre de tous les débats durant cette semaine lyonnaise, est bel et bien le cinéma. Mais le septième art dans ce qu’il comporte de plus noble : avec cette idée de partage, de découverte ou cette diversité qui fait la richesse même du grand écran.

Aujourd’hui, lorsqu’on pense à un festival, on imagine les nouveautés, à cette sensation électrisante de voir des films en avant-première, de sentir ce petit goût du scandale ou de l’inconnu dans lequel nous allons nous engouffrer. Certes, le Festival Lumière n’y échappe pas puisqu’il nous a fait découvrir cette année High Life de Claire Denis et Roma d’Alfonso Cuaron. Et c’était magnifique. Cependant l’effet pervers qui ressort de la plupart de ces festivals adorés de tous (nous les premiers), est cette idée de visibilité, de compétition, de course au buzz, ou à vivre dans cette urgence habituelle de l’actualité, sans prendre de recul sur les œuvres que nous venons de voir, ni prendre plaisir à se remémorer les étoiles du passé. Aucunement réactionnaire, ni vieux jeu, ni donneur de leçon, le Festival Lumière, lui, joue la carte de la communion même autour du cinéma.

C’est un festival important. Certains disent, festival « classique », ou du « patrimoine » : nous dirons plutôt moderne et extrêmement rafraîchissant. Il est rare les endroits, qui permettent de rassembler tout le monde, de mélanger les statuts, d’effacer la hiérarchie entre connaisseur et profane, de rameuter presque toutes classes sociales dans une même salle. C’est une mosaïque autant humaine que cinéphile : on passe d’un film d’Henri Decoin avec les rires ravageurs de Danielle Darrieux aux ovnis de Claire Denis et ses âmes vampiriques de Trouble Every Day. Des combats esthétiques de King Hu aux effets spéciaux sophistiqués d’Alfonso Cuaron. Ou avoir la chance de voir des films de Sergio Leone sur grand écran. Le programme est vaste et assez éclectique pour tout le monde.

Au Festival Lumière, les débats sur le cinéma de genre ou la bonne santé du cinéma français n’existent plus : nous sommes dans une bulle pendant une semaine, ouverte à tous, loin de ces quelques youtubeurs français opportunistes qui pensent défendre le cinéma français en faisant des milliers de vues avec des critiques hypocrites sur Alad 2. On est loin de tout ça, même si quelques jours après, nous étions bien contents de découvrir le somptueux First man.

C’est presque même une remise en question qui débouche sur notre rapport au cinéma, de puiser dans notre curiosité, on se sent comme à la maison : les stars et le grand public se rencontrent dans une grande convivialité et dans l’harmonie la plus totale à l’image de ces Master Class, qui sont comme le dit souvent Thierry Frémaux, plus des moments de « conversations et de discussions » que des analyses filmiques pures et dures. On aimerait peut-être que le Festival Lumière se permette une plus grande diversité dans ses choix d’artistes pour faire connaitre des métiers du cinéma un peu moins mis en valeur. Ça irait parfaitement dans l’ordre d’idée de ce festival.

Il était très intéressant d’écouter parler cette année Liv Ullmann donner des anecdotes sur elle et sa relation avec Ingmar Bergman ou Claire Denis et ce qu’elle pense de Robert Pattinson. Mais il ne faut pas se fourvoyer : nous ne sommes pas dans Vivement Dimanche de Michel Ducker qui passe la brosse à reluire à des stars qui viennent se gargariser de leur art. Derrière cet aspect un peu naphtaline, le Festival Lumière n’en oublie pas de vivre dans son temps et de sentir les souffles de son époque : donner un prix à Jane Fonda, grande actrice et inflexible militante, n’est sans doute pas inopportun, en pleine période Me too. La politique est présente, mais l’enjeu cinématographique l’est encore plus. Et ce qui fait la force de ce Festival Lumière. Le cinéma.