Festival du Film Fantastique de Gerardmer 2015 – Jour 2

Goodnight-Mommy-autriche

Les pérégrinations d’un reporter  au festival du Film Fantastique de Gérardmer 2015 : Harry Potter, Môman et Monsieur Moustache.

Après une première journée chargée en émotions (oui, avec le recul, c’était vraiment beau Ex-Machina), retour à Gérardmer après une courte nuit mais beaucoup de café. Pour des raisons que vous découvrirez dans quelques jours, je n’ai pas pu assister à la première séance de la journée qui était consacré à La Légende de Viy, film hors-compétition qui fût l’un des plus gros succès au box-office russe de ces dernières années. Durant ce créneau, il s’avère que la rédaction  a obtenu un entretien exclusif avec une personnalité du festival. Il sera retranscrit dans un article d’ici quelques jours. Secret sur son nom, pour le moment. Tout-juste vous dirais-je qu’il est membre du jury long-métrage. La salle de presse fût bondée aujourd’hui. Il faut dire que toutes les personnalités du festival ont participé à des interviews à la chaîne. Entretien de vingt minutes, et puis s’en va. Suffisant pour un bon article et puis le festival continue. Alors que cela fait près de trente-six heures qu’il neige sans s’arrêter, laissant certains festivaliers s’adonner aux joies du ski, je compte rester bien au chaud dans les salles de cinéma. La journée d’aujourd’hui sera consacrée à trois films en compétition et c’est avec Jamie Mark is Dead que débutera ce programme. Arrivant tout juste à trouver une place au milieu des fauteuils du cinéma de l’Espace Lac, j’en profite pour converser avec mes « voisins de film ». Ils sont trois quarantenaire, plutôt funs et me parlent cinéma avec un ton familier qui me ravit : « Cool, vous avez déjà vu The Man in Orange Jacket ? -Oui, c’était vraiment de la merde. -Ça, je te le confirme, on s’est fait chié. Le mec, il a pris cinq ans pour faire son film et y’a aucun scénario. C’est juste du contemplatif chiant.» Ok, c’est noté. Ça tombe bien, c’est justement ma séance de 14h de demain. En tout cas, merci les gars de votre franchise. Ahoooouuuuuuuh ! Le fameux cri du loup-garou retentit lors du générique du festival. Les habitués savent de quoi je parle. La séance peut enfin commencer.

[EN COMPETITION] Jamie Mark is Dead

Réalisé par  Carter Smith (2014). Date de sortie prochainement annoncée. 

Synopsis : Quand il disparaît, Jamie Marks apparemment ne manque à personne. Sauf peut-être à Adam, qui est hanté par lui…

En 2008, Carter Smith livre un film d’horreur qui a particulièrement retenu l’attention des médias et des fans du genre. Bancal, mais efficace, Les Ruines était un film inattendu où le mal venait d’une plante carnivore. Osé. Photographe d’origine, Carter Smith met sept ans à concevoir son nouveau projet. Un thriller surnaturel couplé à un « teen movie » sur fond de drame social. Ça en fait du genre à traiter. Il est vrai qu’un certain charme se dégage du film. Carter Smith impose avec délicatesse son ambiance froide et abandonnée sur une petite cité du midwest. Une des nombreuses villes au sombre destin à la Detroit, où les centres commerciaux vides jalonnent les routes. Le sujet du film est pesant. Un garçon maltraité par ses pairs est retrouvé mort. Adam qui était dans sa classe ne s’en remet et commence à avoir des visions du défunt, aux ressemblances troublantes avec Daniel Radcliffe/Harry Potter. Jamie Mark is Dead est une sorte de poésie macabre où chacun va apprendre de cette expérience pour aller de l’avant. Malheureusement, le film se complaît trop à suggérer longuement, laissant la baisse de rythme prendre le pas sur la narration. Rien ne semble se dérouler sous nos yeux. Même la dimension familiale semble vaine et tout juste présente pour suggérer le malaise d’existence d’Adam. Et le dénouement achève avec regret une belle histoire mal racontée. La relation surnaturelle entre le monde des vivants et celui des morts trouve heureusement sa force dans ce trio d’acteurs tout en justesse.  Mais ajouté à tout ça, un peu trop de piano pour bien nous faire prendre conscience du drame de la situation, et vous aurez typiquement là le schéma du film sundancien émouvant mais parfois vide. Seul pic narratif sortant le public de sa torpeur somnolente, une scène romantique à coup de « Tu as un beau pénis. Merci, hum.. tes seins sont crémeux. ». Fou rire nerveux collectif, c’est aussi ça le public de Gérardmer. Trouver de l’humour là où il n’y en a absolument pas.

Note de la rédaction : ★★☆☆☆

[EN COMPETITION] Goodnight Mommy

Réalisé par  Severin Fiala & Veronika Franz (2014). Date de sortie prochainement annoncée. 

Synopsis : Dans la chaleur de l’été, deux jumeaux de dix ans attendent leur mère dans une maison isolée en pleine campagne. Quand elle revient le visage entouré de bandages suite à une opération de chirurgie esthétique, plus rien ne semble comme avant. Froide et distante, la mère empêche désormais tout contact avec le monde extérieur. S’agit-il bien alors de leur mère ? Les garçons commencent à en douter et ils vont tout mettre en œuvre pour tenter de découvrir la vérité. Tout, vraiment tout…

Autant le dire tout de suite, malgré son rythme lancinant, on tient là l’un des gros poissons du festival. Prix assuré. Véritable uppercut horrifique qui a su provoquer des cris en fin de séance, Goodnight Mommy faisait déjà figure d’outsider dans ce festival. Produit par Ulrich Seidl (la trilogie Paradis), il raconte avec effroi le doute de deux frères jumeaux qui retrouve une mère au visage bandé qu’ils soupçonnent de ne pas être leur génitrice. Goodgnight Mommy est d’abord le sombre reflet d’un pays reconnu pour ses faits divers (Natascha Kampusch et d’autres faits d’enlèvement et de séquestration). De film contemplatif où les enfants s’amusent dans les champs, on passe à drame psychologique avant d’aboutir au « torture movie » (et non pas porn) implacable. La mise en scène est d’une précision chirurgicale. Les deux réalisateurs se sont amusés à jouer sur l’effet miroir, notamment entre le plan d’introduction et le plan final, ainsi que celui pile au milieu du film où les jumeaux sont face à face. Tout est millimétré et filmé avec une fluidité déconcertante, certains plans ne seraient pas reniés par un certain Terrence Mallick. Mention spéciale aux deux jumeaux épatants, ainsi qu’à cette femme qui sera l’élément déclencheur de la folie du film. Trois acteurs, un huis-clos et vous obtenez là un film horrifique à ne pas mettre devant tous les yeux. Le retournement de situation final peut sembler déjà vu mais il intervient avec une telle maîtrise, une telle finesse, un tel effroi qu’il s’agit incontestablement de l’image choc de ce festival. Les quelques incohérences et maladresses du film n’y font rien, Goodnight Mommy est tout simplement brillant. Les deux réalisateurs s’amusent à jouer avec les attentes et l’effroyable viendra de là où on ne l’attendait absolument pas. A la fin du film, on n’a envie que d’une chose, le revoir !

Note de la rédaction : ★★★★☆ 

[EN COMPETITION] The Voices

Réalisé par Marjane Satrapi (2014). Sortie en salles le 11 mars 2015.

Synopsis : À son travail, Jerry est amoureux de la comptable. Il fait ses confidences à ses animaux de compagnie dotés de la parole : son chat qui le pousse à commettre des meurtres, et son chien plutôt affable…

Pour terminer la journée, j’ai voulu me laisser tenter par un film à l’ambiance kitsch et funky que CSM avait déjà pu voir en avant-première. A l’instar donc de ma confrère Chloé Margueritte qui avait déjà vu The Voices, je dois dire que je me suis laissé tenter par ces recommandations. Et je n’ai qu’une chose à dire. C’était effectivement très bien. Vu dans un contexte géromois idéal où la salle bondée s’esclaffait à chaque dialogue des animaux, à chaque mort absurde, à chaque réplique instantanément culte, The Voices est assurément la séance à voir du Festival. Monsieur Moustache fait déjà parti des chats cultes du cinéma. Déjà récompensé du Prix du Nouveau Genre à l’Etrange Festival, l’humeur joviale de la salle nous a donné quelques indices sur un candidat potentiel au Prix du Public, qui ne serait pas démérité.

Je vous laisse aller lire la critique plus développée de The Voices de Chloé Margueritte. Vous auriez tort de refuser ce petit moment d’humour noir pop et très coloré.

Note de la rédaction : ★★★★☆  

Au sortir de la salle, la neige a cessé de tomber et je m’en vais retrouver mon hébergeur de la soirée dans un bar au milieu de la ville. A peine arrivé à ma voiture qu’un homme habillé aux couleurs du festival toque à ma fenêtre et me demande ma direction. Voyant que je ne vais pas dans la sienne, il me demande néanmoins de le déposer à un rond-point à un kilomètre. C’est que je suis déjà la bourre et je fais attendre le type qui m’héberge…bon allez, monte mec ! A bord de la voiture, il me dit qu’il est bénévole, passionné de cinéma, autodidacte et qu’il souhaite devenir cinéaste. Le temps d’échanger nos Facebook que nous arrivons à destination. Nous nous souhaitons mutuellement un bon festival. Bref rencontre. Je te dis bon vent, l’ami ! J’arrive donc avec un important retard au bar. J’y rencontre un homme seul, accoudé à une table. Je m’excuse mille fois auprès d’Éric, un trentenaire sympathique que j’avais très brièvement rencontré à Strasbourg et avec qui j’avais conversé sur SensCritique, fameux réseau social indispensable pour tout consommateur de culture. Un mec incroyable qui revient d’un séminaire de Barcelone dans l’urgence pour être sûr d’assister au Festival de Gérardmer. Ça, c’est de la passion ! Le temps de boire une bière et de discuter cinéma, Gérardmer, boulot pendant une heure et demi qu’on décide de rentrer se reposer. C’est qu’il est déjà 2h00 du matin et l’ami Éric commence son programme  à 9h et enchaîne avec cinq autres films. Magistral. Sur ce, vous retrouverez également dès demain le compte-rendu d’une nouvelle journée chargée avec du film letton, du Quentin Dupieux, de l’ultra-favori It Follows et de la cultissime Nuit Décalée qui donne toutes ses lettres de noblesse au festival. Bisous horrifiques.

Reporter/Rédacteur LeMagduCiné