Présenté au Festival de Cannes, dans la sélection Cannes Classics, le nouveau documentaire d’Alexandre Moix renoue avec l’acteur Patrick Dewaere. Patrick Dewaere, mon héros brosse le portrait d’un acteur génial et torturé à travers une hagiographie inégale et décevante.
Patrick Dewaere chez Cannes Classics
Cannes. Palais des Festivals. Salle Buñuel. Ces trois lieux géographiques suffisent à eux seuls à susciter le rêve chez tout.e cinéphile qui se respecte (ou pas, c’est selon). Nous avons pu avoir la chance de découvrir, en avant-première, Patrick Dewaere, mon héros d’Alexandre Moix. Le cinéaste retrouve son acteur fétiche, dans un documentaire inédit, presque vingt ans après la sortie de son premier long, déjà consacré au comédien maudit (Patrick Dewaere, l’enfant du siècle, 2003). Pourtant, contrairement à ce que le titre laisse présager, il n’est nullement question de Patrick Dewaere (ou presque).
Une hagiographie plus familiale que cinématographique
Car, c’est bien la fille cadette de Patrick Dewaere, Lola Dewaere, elle-même actrice, qui endosse le rôle principal du documentaire. En effet, si cette dernière prête sa voix au film, elle en est aussi le sujet. Dès les premières minutes, la jeune femme se (ré)empare de l’histoire légendaire de son père. La caméra la filme, parfois en gros plan, dans des squares ou chez elle, exhumant des photos de famille, ou bien regardant dans le vide. Elle souhaite apporter ses réponses, raconter ce qu’elle sait, afin de rétablir la vérité sur son père. Cette intention de départ aurait pu être intéressante si elle ne se soldait pas par un résultat, finalement, assez creux – si ce n’est carrément gênant.
Évoquer le mythe en dépit de l’homme
Au lieu d’évoquer le travail et les choix artistiques de l’acteur, le documentaire commet l’erreur de se plonger dans une hagiographie voyeuriste à la Un jour, un destin. La quête et l’enquête légitime de Lola Dewaere se transforme et frôle parfois le voyeurisme. On a à certains moments l’impression d’assister à un règlement de compte familial plus qu’à un exercice de style cinématographique. Le cinéma semble être, en effet, un peu laissé de côté par Alexandre Moix. Pourtant, le réalisateur choisit d’utiliser des archives inédites. Or, il ne les commente pas (ou presque). Celles-ci sont bien souvent noyées dans un montage abrupt et sensationnaliste à la Faites entrer l’accusé. Ce faisant, alors qu’il était question, à travers le biais filial, d’évoquer l’homme en dehors du mythe, la mise en scène renforce paradoxalement la légende malheureuse et éloigne, de ce fait, un peu plus l’homme Patrick Dewaere.
Si Lola Dewaere rappelle que Dewaere n’était pas que l’écorché vif que l’on si souvent décrit, le documentaire enfonce, néanmoins, les portes desquelles il était censé s’éloigner. Dommage, car, pour les nouvelles générations qui ne connaissent pas son travail, Patrick Dewaere aurait mérité qu’on parle de lui autrement qu’à l’image classique (mais non moins stéréotypée) du suicidé de la société.
Patrick Dewaere, mon héros : fiche technique
Le film fait partie de la sélection Cannes Classics 2022 : les documentaires.
Réalisation : Alexandre Moix
Interprètes : Lola Dewaere
Production : Alexandre Moix, Patrice Gellé
Société de production : Zoom production, Bleu Kobalt
Société de distribution : /
Genre : documentaire
Durée : 90 min
France – 2022