Clermont 2015 : Interview avec Julien Hallard, réalisateur de People are Strange
Dans la sélection française clermontoise 2015, la Rédaction LeMagduCiné a retenu une comédie qui brille par son originalité et son humour décalé. Oui, le rire est primordial, et la comédie française a bien besoin d’ouvrir ses portes à de nouveaux talents. Nous avons beaucoup aimé, beaucoup ri, et apprécié la qualité du scénario de People are Strange de Julien Hallard (à la fois réalisateur et scénariste). Vous ne verrez plus les tombes du Père-Lachaise, Jim Morrison, ni les chats empaillés, de la même manière après le visionnage de cette comédie loufoque, à la fois épopée onirique et déjantée. Une grande réussite. Nous avons eu la chance de dialoguer avec ce réalisateur prometteur et décontracté.
Ah, Jim Morrison!
Bonjour Julien, tout d’abord on ne peut résister à l’envie de te poser cette question : es-tu réellement un fan de Jim Morrison? Il paraît que la tombe de Jim ne peut plus être visitée au Père Lachaise? Alors comment as-tu fait pour baser une grande partie de l’intrigue sur sa sépulture?
Oui je suis un vrai admirateur de Jim Morrison. Adolescent, j’étais fasciné par son personnage de poète maudit chaman. Je m’identifiais d’autant plus à lui que j’avais un peu les mêmes cheveux bouclés. Je jouais de cette ressemblance sur la piste de danse du Solaris, la boîte de nuit de Lisieux la ville où j’ai grandi. Et puis j’ai eu seize ans quand le film The Doors d’Oliver Stone est sorti et ça a pas mal relancé la mode autour de lui dans mon lycée.
Avec le temps, je me suis un peu dégagé de cette imagerie et j’ai appris à vraiment apprécier son chant qui est d’une puissance sidérante. Sa voix est dingue pour un type qui n’avait jamais pris un court de chant ou même essayer de chanter avant de le faire pour les Doors. Plus largement, je suis aussi fan du groupe qui est, je trouve, sous-estimé dans le panthéon des grands groupes rock. On ne les prend pas toujours au sérieux parce qu’ils ont mélangé les styles, le blues, le jazz, le flamenco et même la musique de fanfare. Rien que pour le clavier de Ray Manzarek, les Doors sont un groupe qui vaut la peine.
Pas mal d’affection pour Jim mais je ne m’étais jamais rendu sur sa tombe. Les pèlerinages c’est pas mon truc.
Pourtant, j’adore me promener au Père-Lachaise ; c’est un cimetière vallonné et boisé qui a énormément de charme contrairement aux cimetières français traditionnels qui sont froids et gris. Pour les besoins du film, j’ai donc cherché cette fameuse sépulture. Pas besoin de plan, il suffit de suivre les jeunes (et les moins jeunes d’ailleurs) au look rock qui t’y conduisent. Une fois sur place, c’est plutôt décevant : la tombe est coincée entre d’autres stèles et protégée par des barrières de sécurité. Les gens du cimetière essaient de garder les fans à distance mais ils se privent pas de déposer des joints, des roses ou des bouteilles de Whisky sur la tombe. En tout cas, moi j’ai laissé Jim en paix ; il est strictement interdit de filmer sa tombe comme toutes les autres d’ailleurs. J’ai donc fait reconstruire une tombe à l’identique en bois peint qui fait parfaitement l’affaire au point que tout le monde pense que j’ai vraiment tourné autour de sa tombe.
Tu as déjà une certaine expérience sur le format court. Peux-tu nous en expliquer la genèse de People are strange, d’où est venue l’idée de ce scénario si original, comment as tu financé le film etc… ?
People Are Strange est mon sixième court-métrage. J’ai aussi réalisé un moyen-métrage (ndlr : Meeting Vincent Gallo, 2008). La genèse d’un film vient souvent d’une lente maturation, de deux idées qui ne donnaient rien séparément et qui, mises ensemble, font naître un récit original.
Dans mes histoires, je traite assez souvent de la quête identitaire, de personnages qui se cherchent une place. Par exemple, dans l’un de mes films, un fan absolu de l’acteur Vincent Gallo partait à sa recherche pour lui déclarer son amour. J’ai donc naturellement de l’intérêt pour les sosies que je trouve à la fois magnifiques et pathétiques, ce sont des vrais héros tragi-comiques très emblématiques de nos sociétés du spectacle. J’avais cette idée de sosie en tête et là j’entends parler du fait que les ayants droits de Jim Morrison veulent rapatrier son corps aux Etats-Unis, ce qui arrange bien le Père-Lachaise qui peut se débarrasser d’un résident encombrant. Cela s’est avéré une rumeur totalement fausse mais mon imaginaire s’est mis en route : que ferait un fan-sosie de Jim Morrison si il savait qu’il allait perdre son idole à tout jamais ?
Après, il s’agit de financer le film et c’est vrai que les comédies sont toujours un peu les parents pauvres du court-métrage. Même si c’est en train de changer comme le prouve la dernière sélection de Clermont-Ferrand. Disons qu’un film à résonances sociales ou dramatiques a toujours un peu plus de chances de trouver un financement notamment institutionnel. Pour ma part, j’avais établi un lien de confiance avec Hélène Vayssières de chez Arte à l’occasion d’un précédent court-métrage. Je lui ai donc envoyé ce scénario sachant qu’elle est très éclectique dans ses choix et qu’elle cherche des comédies aussi décalées soient-elles. Elle marche vraiment au coup de cœur. Il s’est avéré qu’elle était fan de Jim Morrison mais ça je l’ignorais. Bref, elle a pré-acheté le film ce qui a lancé la machine. La région Pays-de-Loire s’est ensuite engagée sur le projet. A partir de là, le budget commençait à être en place et je savais qu’on pourrait faire un film de qualité en traitant les équipes et les comédiens (relativement) bien.
Enfin quels sont tes projets futurs, tes prochaines aventures, tes envies de réalisation, un long-métrage peut-être ?
Avec Morrison, je crois avoir boucler la boucle du court-métrage. Je ne dis pas que je n’y reviendrai pas, j’ai encore quelques histoires dans les tiroirs mais j’y ai fait mon apprentissage et je me sens prêt à passer au long.
En écoutant une émission sur France-Culture, j’ai entendu parler de l’aventure d’une équipe de foot féminine de Reims à la fin des années soixante. Une équipe qui à force de volonté avait surmonté tous les obstacles et obtenu la reconnaissance officielle de leur sport. Il y avait là tous les ingrédients pour faire une grande comédie.
Je me suis lancé. J’ai passé beaucoup de temps pour trouver une structure efficace et rythmée, quelque chose de bien huilé, de millimétré. Aujourd’hui le scénario est prêt, je suis en train de chercher le casting. Je suis sur que vous entendrez très bientôt parler des « Filles de Reims ».
Merci Julien!
Et bien, nous voilà prévenus! Si l’humour décapant de People are strange est maintenu, nous avons hâte de découvrir l’histoire de ces « Filles de Reims ». Affaire à suivre…
People are Strange : Vidéo extrait VOSTF
People are Strange / Julien Hallard / France / 2014 / Fiction / 20’26
Synopsis : Julien se considère comme le sosie légitime de Jim Morrison. Il gagne sa vie au Père Lachaise en distrayant les touristes. Le jour où il apprend que la dépouille de son idole va être rapatriée en Californie, Julien entreprend avec son ami Aldo de voler les restes du « Lizard King ».
Fiche technique – People are Strange
Année de production: 2014
Réalisateur : Julien Hallard
Acteurs : Franc Bruneau, Estéban, Mathilde Bisson, Mathilde Schambacher, François Chattot
Production Déléguée : Les Films Velvet
Genres : Fiction
Durée: 20 min 26 secondes
Né en 1974, Julien Hallard entame sa carrière de réalisateur avec une trilogie de trois court métrages: NYCIII : Valentine, NYCIII : Resurrection et NYCIII : Brooklyn 02 tournés à New York en 2003-2004 et sélectionnés, entre autres, au Festival de Locarno et à la Mostra de Venise. En 2008, il écrit et réalise Meeting Vincent Gallo, en 2009, Julien Hallard achève Vinyl et le très beau Cheveu, sélectionnés tous deux au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand en 2010. En 2011, il réalise Rose Maintenant et en 2014, People are Strange son dernier court métrage.