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FEFFS 2017 : révisions des classiques et découvertes de nouveaux horizons

Chaque année le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg,  met à l’honneur des films qui ont marqué l’histoire du cinéma. L’occasion de revoir sur grand écran des classiques qui ont imprimé l’imaginaire de nombres de cinéphiles. Pour cette 10ème édition, les deux rétrospectives portaient sur l’invité d’honneur William Friedkin et sur le thème Humans 2.0. L’occasion rêvée pour revoir L’Exorciste et Robocop.

[Rétrospective William Friedkin] – L’Exorciste

Réalisé par William Friedkin (USA, 1973)

Certainement le film le plus reconnu de la vaste et diversifiée filmographie de son auteur, L’Exorciste aura marqué de nombreuses générations. Véritable traumatisme pour de nombreux spectateurs, il se sera très vite imposé au panthéon du genre horrifique. Basé sur des faits réels, cette adaptation du roman de William Petter Blatty raconte l’histoire d’une jeune fille de 12 ans qui se retrouve possédée par un démon mésopotamien répondant au doux nom de Pazuzu. Alors que son état se détériore, sa mère désemparée se voit obligée de faire appel à un rite ancien effectué par des hommes d’église, un exorcisme. Avec L’Exorciste, William Friedkin aura complètement redéfini l’horreur.

En lui donnant ce réalisme saisissant, cette universalité terrifiante, il va faire entrer le genre dans une toute nouvelle dimension. C’est en effet une pauvre enfant, au visage angélique, qui se retrouve frappée par ce funeste sort. Friedkin a depuis toujours opté pour une approche documentariste dans la réalisation de ses longs-métrages de fiction et L’Exorciste ne fait pas exception. Se basant sur le roman très richement renseigné de Blatty, il met en lumière une pratique ancestrale et la met en scène avec un naturalisme frappant. Ponctué de scènes marquantes comme la célèbre descente d’escalier en position araignée, ou encore les mutilations génitales à base de crucifix accompagnées de « Jesus, fuck me !« , le film de Friedkin hantera l’inconscient des cinéphiles dans le monde entier. C’est à ça qu’on reconnait une œuvre fondamentale, une œuvre qui a su  bouleverser un genre entier et qui inspire encore une crainte plus de 40 ans après sa sortie, malgré un coup de vieux inévitable.

[Rétrospective Humans 2.0] – Robocop

Réalisé par Paul Verhoeven (USA, 1987)

Croisade vengeresse d’une homme détruit, relecture cyberpunk du nouveau testament, dystopie rongée par le crime, critique acerbe de la course à l’armement, satire sociétale des États-Unis, Robocop est énormément de choses. C’est aussi l’œuvre phare d’un cinéaste fascinant utilisant Hollywood comme moyen d’expression universel. Sous son aspect de blockbuster surfant sur la vague S-F/action des années 80, Paul Verhoeven fait le portrait acide d’une époque. Verhoeven est en pleine possession de ses moyens, il tape là où ça fait mal, n’hésite pas y aller avec des gros sabots comme en témoigne la pub pour le jeu Nukem. Revoir Robocop sur grand écran montre à quel point, c’est un film d’une force rare, avec un parti pris assumé et déguisé dans un blockbuster au capital divertissement énorme.

Alex Murphy assassiné puis ressuscité sous forme d’un cyborg faisant régner la loi. D’une violence outrancière où la moindre balle déchiquette les membres de la victime mais possédant également un certain spleen avec cet homme enfermé dans cette carapace qui va petit à petit se remémorer sa vie d’antan. Regorgeant d’idée de mise en scène, agrémenté de punchlines mémorables « Your move, creep« , et son portrait de méchant anthologique (Kurtwood Smith en Clarence Boddicker sublime), Robocop est au cinéma Hollywoodien ce que 1984 est à la littérature S-F. Une œuvre iconoclaste qui survivra au ravage du temps et qui apportera toujours ce plaisir infini tout en délivrant un constat terrifiant sur notre monde.

[Crossovers] – Fashionista

Réalisé par Simon Rumley (USA, 2016)

Après les valeurs sûres que sont les deux films précédents, il était temps de se replonger dans l’inconnu de la compétition crossovers avec Fashionista. April est une fashion addict, mais pas uniquement dans le sens acheteuse compulsive, elle ne peut pas s’empêcher de sniffer les vêtements comme si il s’agissait de colle. Sa vie va cependant basculer quand elle va découvrir que son mari la trompe avec une de ses amies, elle va alors faire la rencontre d’un homme mystérieux. Fashionista est une épreuve, un film bizarroïde que l’on pourra comme le réalisateur l’a annoncé en début de séance soit adorer, soit détester, et ce n’est pas les gens qui ont quitté la salle qui diront le contraire. D’autant plus qu’il est très facile de partager leur envie.

Dès le départ, le film se démarque par un montage rapide et antéchronologique, s’amusant à mélanger les séquences avec des retours en arrière et saut dans le temps. Avec son esthétique clinquante et tape à l’œil rappelant les accoutrements de la Fashion Week, Fashionista agresse un peu la rétine. Si l’on ajoute le penchant de Simon Rumley pour les petits effets clippesques qui parsèment le long-métrage, on est parti pour 1h48 de souffrance visuelle. À la limite si le fond suivait, entre cette histoire classique d’adultère et les péripéties avec le mec s’amusant à des jeux malsains, on se doute où il veut en venir. Simplement raconter l’histoire d’une femme et des problèmes de sa vie qui vont aboutir à son changement dans la toute fin ? Un peu maigre tout ça. Fashionista s’apparente plus à un exercice de style prétentieux qui se vautre complètement dans son exécution. La meilleure chose du film restera certainement l’affiche de Ténèbre dans l’appartement d’April.

[Midnight Movies] –  Meatball Machine Kodoku

Réalisé par Yoshihiro Nishimura (Japon, 2017)

Avec Meatball Machine Kodoku, on met les pieds en plein dans la définition du Midnight Movie. Suite du gorissime Meatball Machine, dont Nishimura s’était justement occupé des effets spéciaux, Kodoku pousse les choses encore plus loin que son aîné. Le principe est simple : une cloche arrive sur Terre (en découpant des pénis ou des couples qui s’accouplent en passant) dans laquelle se trouve des parasites qui vont transformer les humains en espèce de cyborgs organiques possédant comme arme leur objet fétiche. Parmi eux, le loser Yuji est le seul à pouvoir résister à l’emprise du parasite qui sera détruit par ses cellules cancéreuses. Aidé d’une milice composée de samouraïs à la moustache tendancieuse et d’un sosie de Jackie Chan maîtrisant le drunken boxing, le voilà parti pour sauver la femme dont il est amoureux de ces parasites.

Sous ce postulat complètement idiot, Meatball Machine Kodoku est un plaisir aussi jouissif que régressif. On est parti pour plus d’une heure de combat entre ces hommes parasités (avec des effets spéciaux plutôt convaincants il faut le noter) qui vont finir dans des déluges d’hémoglobine. Entre l’homme possédant un marteau piqueur à la place du bras, celui qui a fusionné avec sa bagnole ou les femmes d’un cabaret capable de projeter du lait maternel de leurs seins ou encore cramer les gens à l’aide d’un briquet géant, les idées folles se multiplient dans cette oeuvre cyber-gore très généreuse. Repoussant à chaque fois les limites de la dégueulasserie, possédant un côté vicieux propre à ce genre d’oeuvre, Meatball Machine Kodoku souffre un peu sur la longueur et finit par devenir lassant. Il reste néanmoins plus réussi que son prédécesseur en sachant exploiter encore plus son concept.

On arrive tout  doucement à la moitié du FEFFS, et la cinquième journée sera de nouveau placée sous le signe de la compétition avec trois films dont La Lune de Jupiter, déjà présenté à Cannes. Il sera également temps de faire un petit tour du côté des courts-métrages et notamment ceux d’animations.