Pour cette première journée du FIFAM, plusieurs courts-métrages sont présentés dont ceux des réalisateurs présents pour débattre après la séance : Samir Ramdani (Daw) et Sarah Bouzi (Ne Pleure pas Halima). Retour sur une sélection de courts-métrages engagés au corps à corps avec des représentations plastiques et politiques affirmées.
Daw
D’étranges lumières, des ados qui disparaissent mystérieusement … Une commissaire croit devenir folle. À moins que tous ces évènements ne soient connectés.
Réalisation : Samir Ramdani
28 min
Avec une grande aisance, Daw navigue entre les genres. Le film pose aussi un constat poignant sur nos regards et nos perceptions du cinéma hexagonal. En permettant à une enquêtrice de s’adresser au Préfet en langue arabe sans prérequis, sans plus d’explication, en filmant ses personnages au travers d’un discours sur la nécessité de la mémoire coloniale, Samir Ramdani offre à son court-métrage une dimension politique. Issu des arts plastiques, le réalisateur construit une œuvre complexe avec un travail très particulier sur la matière, les décors (les lieux !), et surtout la lumière, que ce soit celle qui se déplace ou celle qui éclaire les visages et les corps… ou son absence même, car tout fait sens. Surtout, cette lumière bleue qui devient matière visqueuse, palpable, cette frontière sans cesse franchie vers un fantastique qui pense, ou encore ces ados qui imaginent le pire, celui qui s’interroge sur ses racines. Daw est un film qui s’inscrit dans un cinéma volontairement en rupture, mais qui peine malheureusement à être financé. Son discours, son regard, son esthétique en font pourtant une grande œuvre hybride, aussi déroutante que touchante.
Ne pleure pas Halima
Le visa étudiant français de Halima expire bientôt. Gravitant autour d’univers qui lui paraissent hostiles, elle tente de trouver sa place.
Réalisation : Sarah Bouzi
14 min
Sarah Bouzi s’est inspirée de son travail de recherche documentaire sur des femmes qui affirment autant qu’elles questionnent leurs identités (de genre, religieuse ou ethnique) pour construire le personnage d’Halima. Ne pleure pas Halima est aussi un film de copines qui s’interrogent sur le regard porté sur elles par la France, pays où elles vivent. Le court-métrage de Sarah Bouzi est un film parisien, mais très loin de ce à quoi on peut s’attendre en disant cela. Pas d’appartement haussmannien ici mais une jeune femme, Halima, qui n’a plus de papier et à laquelle on dit sans cesse quoi faire, comment paraître, avec mille contradictions. Pourtant, le film ne s’apitoie pas sur son sort : il montre qu’Halima veut pouvoir faire ce qu’elle aime mais qu’elle est dans une situation qui l’en empêche. Pourtant, dans le verbe ou dans la danse des corps, tout est fait pour attirer la lumière.
Le mal des ardents
Une foule sidérée fait face à un incendie : la peur doit être conjurée, le feu doit se transformer en signe.
Réalisation : Alice Brygo
16 min
Que regarde la foule ? Que devient-elle peu à peu, se figeant comme les statues de cire du musée Grévin ? À travers des discours presque chuchotés et une multitude de visages, Alice Brygo raconte la sidération, le ressenti immédiat, les sensations, les tensions. Elle raconte mieux que personne jusqu’alors l’incendie de Notre-Dame sans jamais la montrer en feu pourtant. Sans même jamais montrer le monument à l’écran. Une œuvre plastique, susurrée, qui donne à penser nos regards, nos corps face à ce qui ne peut être changé. Notre rapport aussi à l’espace public et à la manière dont nous échangeons en son sein.
Tête-Machine
Une exploration de la diversité des sens que l’on donne à l’érotisme à travers les rêves de cinq personnes et la peinture animée.
Réalisation : Mona Lefevre
9 min
Mona Lefevre propose avec Tête-Machine une œuvre animée (en peinture qui coule, qui suinte, qui se désarticule, qui est mouvante) autour de l’érotisme. Des personnages racontent des rêves qui sont plus ou moins représentés à l’écran, avec tout ce que les rêves ont de flou, d’incongru et d’inconscient qui soudain surgit devant nos yeux.
Mast-del
Une lettre d’amour d’une femme à une femme, un poème collage en résistance.
Réalisation : Maryam Tafakory
17 min
Il y a comme un goût d’interdit, de sang et de révolte dans Mast-del. Pourtant, à l’écran les images sont celles de films réalisés en Iran avant la Révolution islamique : on y voit des corps et des étreintes. On comprend que deux femmes se racontent, que le récit se répète mais peine pourtant encore à être digéré. Ce récit s’écrit à l’écran sur les surimpressions des extraits de films. On est de suite happés par le récit, sans vraiment comprendre où l’on est, où l’on va. Mast-del tout en étant un film-poème maintient volontairement cette inconnue permanente sur ce qui se joue et qui est pourtant d’une grande violence dans les mots, d’une grande douceur dans ce qui se joue dans le présent de la narratrice et de sa compagne. Tout se joue sur cet espace de sécurité que le film tente de créer, et qui semble pourtant un mirage impossible à atteindre quand on découvre le récit qui nous est livré.
Suddenly TV
Un portrait intime de la jeunesse révolutionnaire au Soudan
Réalisation : Roopa Gogineni
18 min
Suddenly TV, c’est quelques bouts de carton qui font caméra, c’est la volonté de raconter la révolution, son surgissement, les massacres, les tentatives pour faire taire, dans le sang et les viols, des voix qui veulent autre chose pour le Soudan. Le film semble fait de rien en apparence, pourtant, il offre des portraits pertinents et intimes de jeunes Soudanais dont la révolte apparaît comme une nécessité malgré la violence de la répression dont ils sont victimes. Un court-métrage aussi glaçant sur ce qui a été fait de cette révolution, que joyeux et foutraque dans sa manière de raconter simplement ce qui se passe avec force et volonté. Et beaucoup de sourires, d’engagement.