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Cinemania 2023 : Hors saison – La saison de la dépression et de l’ennui

On ne pourra reprocher à l’immense Stéphane Brizé, spécialiste hexagonal du cinéma social sur le monde du travail, de vouloir tenter autre chose. C’est une gageure et il l’avait déjà fait à ses débuts. Il choisit donc d’écrire et de réaliser une comédie romantique à connotation balnéaire (c’est lui qui le dit dans sa note d’intention). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas une réussite. En effet, Hors saison est triste et terne comme jamais et nous donnerait presque des envies dépressives à la sortie de la salle. Ce n’est que très rarement drôle, pas plus que romantique, et même si on le prend comme un drame, c’est particulièrement ennuyant et long. La sinistrose ambiante qui s’en dégage fout le cafard. Stéphane, retourne donc faire des films sur le travail !

Synopsis : Mathieu habite Paris, Alice vit dans une petite cité balnéaire dans l’ouest de la France. Il caresse la cinquantaine, c’est un acteur connu. Elle a dépassé la quarantaine, elle est professeure de piano. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps est passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Quand Mathieu vient diluer sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalasso, il retrouve Alice par hasard.

On peut aisément comprendre qu’un auteur veuille changer de braquet après avoir fait le tour d’un genre ou de certains sujets. Stéphane Brizé, qui était un peu en train de devenir notre Ken Loach national, a donc décidé de laisser les méandres du monde du travail de côté (pour le moment). Lui qui nous avait gratifié de grandes œuvres engagées et éminemment sociales sur le travail et les dérives du capitalisme moderne, avec la trilogie inégale mais complémentaire En guerre, La loi du marché et Un autre monde, revient vers un cinéma plus romanesque, mais toujours autant ancré dans le réel. Malheureusement, c’est plutôt raté, surtout s’il voyait son nouveau film comme une comédie romantique.

Soyons clairs, Hors saison n’est que très rarement drôle et encore le peu de fois où le film nous fait esquisser un timide sourire, c’est un humour à froid, à la scandinave, qui ne fera pas forcément rire le grand public. Ces touches censées être humoristiques ne sont que de petites pastilles parsemées de-ci de-là sporadiquement. Quant à l’aspect romantisme, il est plutôt triste. Brizé investit davantage le terrain de la mélancolie et de la chronique dépressive. Ce qui n’est pas un mal, mais d’attribuer le terme de comédie romantique à son nouveau film est quelque peu étrange et inadéquat. Cette histoire de deux anciens amants qui vont se retrouver par hasard dans un centre balnéaire de luxe manque d’étincelles et de lumières. Mais, déjà, pour que cette partie de l’histoire débute il faut presque attendre une heure de film…

Le versant le plus réussi (ou le moins raté) est celui concernant le métier du personnage principal incarné par Guillaume Canet. Il semble presque jouer son propre rôle déguisé en version dépressive (encore une fois) puisqu’il incarne un acteur très renommé qui broie du noir, angoisse et culpabilise suite à son départ précipité d’une pièce de théâtre. Canet joue la star en plein spleen et crise existentielle (un rôle voisin de celui de Le grand bain, en version star) et cela donne un léger effet miroir suite à la catastrophe du dernier Astérix. Comme si ce rôle venait à point juste après, rendant la coïncidence étonnante.

En revanche, quand on voit la réussite de Guillaume Nicloux qui mettait également deux personnalités dans un centre balnéaire dans le génialement cynique et méchant Thalasso (il s’agissait de Gérard Depardieu et Michel Houellebecq qui jouaient vraiment leur propre rôle), « Hors saison » en est à mille lieues. Au moins, on se marrait bien si on goûtait à ce type d’humour. Ici, on sourit une ou deux fois. Mais les scènes les plus réussies concernent tout de même celles où le personnage de Canet parle de cinéma. Au détour de moments avec des figurants (les plus amusantes) ou avec sa femme jouée – vocalement seulement – par Marie Drucker qui a écrit le scénario avec Brizé et qui jouait dans Un autre monde.

Le long-métrage s’étire inutilement dans son entièreté, tout comme dans la plupart des séquences prises à part. On trouve le temps long, très long : clairement, on s’ennuie. C’est (volontairement ?) triste et austère, probablement pour coller avec l’état d’esprit de Mathieu. Cette sinistrose ambiante dans l’image et ce qui se déroule donnent le bourdon. On sort de la séance avec un sentiment dépressif (et oui, encore) et désagréable. Ce côté terne des paysages, aseptisé des décors et triste des sentiments fout vraiment le cafard.

En ce qui concerne cette redite d’histoire d’amour passée, on a en plus du mal à y croire. On ne peut pas dire que l’alchimie entre Canet et l’italienne Alba Rohrwacher saute aux yeux même si leurs prestations sont tout à fait correctes. Heureusement, une éclaircie vient illuminer ce triste tableau cinématographique : en plein milieu de film, une vidéo d’interview d’une septuagénaire lesbienne et amie du personnage féminin qui se confie sur sa vie et sa sexualité. Un moment émouvant, perpétué dans le film par la fête de mariage de la concernée. Un beau moment qui dénote du reste, mais qui fait du bien. Car Hors saison est vraiment peu agréable. Et on en serait presque étonné vu la réussite de « Quelques heures de printemps », dernière incursion de Brizé dans le mélodrame qui nous avait quant à lui bouleversé.

Fiche technique : Hors saison

Réalisation : Stéphane Brizé.
Scénario : Stéphane Brizé et Marie Drucker.
Production : Gaumont Productions.
Pays de production : France.
Distribution France : Gaumont Distribution.
Durée : 1h56.
Genre : Drame – Romatisme.
Date de sortie : 20 mars 2024.