Filmer le cinéma, une tendance au bout du rouleau ? Vers un avenir radieux souhaite décomplexer cette démarche à la force d’une comédie loufoque comme seul Nanni Moretti sait le faire.
Synopsis : Giovanni, cinéaste italien renommé, s’apprête à tourner son nouveau film. Mais entre son couple en crise, son producteur français au bord de la faillite et sa fille qui le délaisse, tout semble jouer contre lui ! Toujours sur la corde raide, Giovanni va devoir repenser sa manière de faire s’il veut mener tout son petit monde vers un avenir radieux.
Après être reparti bredouille de la Croisette avec Tre Piani deux ans plus tôt, le réalisateur de La Chambre du fils et de Mia Madre évoque le coup de vieux dans son neuvième film. Loin d’être dépressif à l’idée de ne plus pouvoir revenir avec un bon plat de résistance, ce dernier a opté pour le dessert d’une générosité sans égal, qui peut toutefois nuire à son esprit enchanté.
Nous savons que l’humour reste sa plus grande force, notamment lorsqu’il contourne les traits de l’humanité. La dernière fois, il s’agissait d’une provocation plus que d’une véritable intention de nous balader dans les étages d’un immeuble. Ici, il préfère disserter sur ses plans et discuter de leurs valeurs, de leur symbolisme, tout en essayant de contenir tous ses personnages sous le même chapiteau. Il y parvient au forceps et avec une élégance rare, celle de larguer son public dès les premières séquences, annonçant le gros boomer qu’il est devenu ou qu’il ignore être.
Nous sommes invités à suivre le quotidien exaspérant de Giovanni, à qui Moretti prête ses mimiques. Ce réalisateur en mal d’idées, de financement et d’une équipe irréprochable, traverse un trou noir car tout va mal jusque dans son foyer. Sa femme (Margherita Buy) voit un psychanalyste et, sa fille (Valentina Romani) fréquente un homme plus vieux que son paternel. Parallèlement, son film piétine, aussi bien sûr le tournage que dans les sessions de brainstorming. Les Italiens associent exclusivement les Russes au parti communiste, on crée des anachronismes par mégarde sur scène et on semble confondre le thème politique du film avec une romance. Pourtant, cette histoire d’amour existe bel et bien, mais envers qui ou envers quoi ?
La recette sucrée du cinéaste italien trouvera ses adorateurs et d’autres bouderont dans leur coin. Que l’on soit du premier ou du second bord, Moretti questionne sa légitimité à prolonger une vision vraisemblablement périmée et nostalgique. Les nouveaux jeunes cinéastes travaillent plus vite, quitte à garder la première prise, à précipiter l’épilogue ou à s’aligner sur le cahier des charges « what the fuck » de la plateforme au grand N rouge qui, rappelons-le encore une fois, est distribué dans 190 pays.
Nanni Moretti a pété les plombs et c’est un soulagement pour lui. Pour nous, c’est une autre histoire. Cette aventure lui est personnelle et il n’hésite pas à filmer un portrait de famille dans son générique de fin. Il se permet également d’intégrer de la musique pop et culte, comme s’il condensait tout ce qu’il a autrefois refusé dans une to-do list de luxe. Exit Lola de Jacques Demy ou La Dolce Vita de Federico Fellini, place à un fourre-tout étincelant qu’il agrémente de son tact. Vers un avenir radieux se situe donc là, entre la fiction et la réalité, comme le dindon de la farce d’une compétition amorphe. On peut apprécier le geste, la manière un peu moins. C’est ce qui rend cette œuvre anecdotique, tout en portant un regard pessimiste sur le cinéma dans le déclin. Moretti nous vomit alors ses doléances en plein dans les yeux et les oreilles, pourvu qu’ils soient encore ouverts.
Vers un avenir radieux de Nanni Moretti est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.
Titre original Il sol dell’avvenire
Par Francesca Marciano, Nanni Moretti
Avec Nanni Moretti, Zsolt Anger, Jerzy Stuhr
28 juin 2023 en salle / 1h 36min / Comédie dramatique, Drame, Comédie
Distributeur : Le Pacte