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Cannes 2023 : Creatura, libre de désirer

Jérémy Chommanivong Responsable Cinéma

L’éducation sentimentale va de pair avec l’éducation sexuelle. Malheureusement, de nombreuses jeunes filles sont brusquement jetées à l’eau afin qu’elles explorent leur sexualité, c’est pourquoi Creatura en fait l’exégèse.

Synopsis : Mila et son compagnon s’installent dans une ville de la Costa Brava. Après une première dispute, seule dans la maison d’été de sa famille, elle revit certaines expériences de son enfance et de son adolescence qui l’aideront à comprendre l’origine de ce qui l’a empêchée de faire la paix avec son propre corps.

À partir de quand l’éveil sexuel a-t-il lieu ? Quel est son impact tout le long de la vie ? Elena Martín Gimeno tente d’y répondre à travers le personnage qu’elle campe dans sa vie d’adulte. Elle devient donc Mila le temps de toute cette réflexion autour du corps féminin, complexe, et dont les secrets sont des leviers pour vaincre ses propres démons. Mila vit alors avec son compagnon, Marcel (Oriol Pla), mais ce n’est pas le grand amour. Et lorsque vient la question de faire l’amour, nous assistons à tout un tas de mimiques chez la femme. Une sorte de culpabilité l’empêche de pleinement profiter de l’instant. Commence alors une série de flashbacks pour remonter à la source du problème.

Dans sa jeunesse, Mila est troublée par la saison estivale, où tout un tas de garçons et de couples défilent sous ses yeux. Son innocence se lit dans son regard, autant que dans son attitude, captée avec sincérité par son interprète Claudia Dalmau. L’héroïne fait alors tout ce qu’elle peut pour ne pas se sentir rejetée. Le premier émoi ne tarde pas et la réalisatrice espagnole s’en sert pour justifier le traumatisme qu’elle couve en elle jusqu’à sa trentaine. Du premier baiser au premier rapport sexuel, on y découvre la peur, la honte et la culpabilité réunies dans une scène qui arrive trop souvent pour qu’on l’ignore ou qu’on l’oublie. Cette justesse est apportée par Elena Martín Gimeno comme un soulagement, bien qu’elle estime nécessaire de décomplexer le corps féminin afin que ce ne soit plus un tabou.

Le manque de compréhension à ce sujet concerne alors tous les adolescents qui ont leurs parties intimes qui palpite. Apprendre à accepter ce changement, en particulier chez les filles, permet d’éviter d’éventuelles démangeaisons. Cependant, la leçon ne s’arrête pas là et il ne faut pas aborder ce récit de manière didactique, bien au contraire. On n’oublie pas de jouer sur l’intensité des situations, où on ne se contrôle plus, où on s’expose par principe. Tout finit par se savoir et cette période ingrate, où la rancune est une affaire de fierté, dévoile l’obsession toxique des enfants. Les parents ne peuvent évidemment pas tout suivre convenablement et la maladresse de ces derniers ne peut qu’alimenter un sentiment de rage que l’adolescent peut préférer intérioriser, à tort.

Dans une certaine mesure, l’écho à Aftersun n’est pas si déplacé, mais toute l’étude de la Creatura comme objet de désir ou motif de rejet est déjà une aubaine. La Quinzaine des cinéastes ne pouvait espérer mieux pour ausculter une thématique qui se veut saine, loin du voyeurisme et de l’exhibitionnisme qu’un certain The Idol ne semble pas vouloir reconnaître.

Creatura de Elena Martín est présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2023

Avec Elena Martín, Clara Segura, Àlex Brendemühl, Oriol Pla, Carla Linares, Cristina Colom, Clàudia Dalmau, Teresa Vallicrosa, Marc Cartanyà, Bernat Roqué, Mila Borràs…
Prochainement / 1h 52min / Drame

Responsable Cinéma