La Review de Cannes : Train to Busan (Bu-San-Haeng) de Sang-Ho Yeon
Synopsis : Un virus inconnu se répand en Corée du Sud, l’état d’urgence est décrété. Les passagers du train KTX se livrent à une lutte sans merci afin de survivre jusqu’à Busan, l’unique ville où ils seront en sécurité…
Sur le papier, il y avait tous les éléments pour une séance de minuit viscérale dédiée au genre mais au terme d’une projection interminable, le constat est implacable, Train to Busan n’est rien d’autre qu’un film de zombies déjà-vu où la seule folie narrative réside dans l’utilisation de l’espace restreint du train.
Dès les premiers instants où la caméra monte dans ce train, il est difficile de ne pas rapprocher le film de Snowpiercer pour le lieu de l’action, et World War Z pour le comportement similaire de ces infestés inarrêtables. Justement pour ces derniers, Train to Busan épate par la rage violente qui les anime et les fait courir à toute allure, loin de ceux de La Nuit des Morts Vivants et plus proches de ceux de L’Armée des Morts.
Le cinéaste Sang-Ho Yeon utilise avec simplicité et efficacité tous les codes ferroviaires dans l’espace fermé dans lequel il pose sa caméra pour redonner un coup de jeune à un genre maintes fois rabattu et pour lequel on a désormais tout vu. Si dans Snowpiercer, le train était une métaphore de l’échelle sociale, dans Train to Busan, il est une allégorie du refuge qui révèle les véritables caractères des gens. C’est ainsi que le cinéaste coréen dénonce l’individualisme d’un pays où chacun des passagers pense avant tout à son intérêt, prêt à sacrifier les autres. Cette situation exceptionnelle sera donc le parcours vers la rédemption pour le héros du film (un père qui tente de renouer le contact avec sa fille) qui va devoir mettre sa personne de côté et réapprendre à s’ouvrir aux autres.
Le problème de Train to Busan vient alors de son manque total d’originalité et de son classicisme déprimant. Alors que la veille, Cannes nous présentait une subtile représentation de la complexité du rapport père/fille avec Toni Erdmann, Train to Busan, lui, enfonce des portes et rend la situation aussi caricaturale que prévisible. Deux êtres qui n’arrivent plus à communiquer et qui vont devoir affronter les obstacles de la vie pour réapprendre à s’aimer. Dans ce sens, Train to Busan témoigne d’un pathos écrasant dont on ne sait pas si le réalisateur croit sincèrement au sérieux de son propos. Il ne lésine jamais sur les moyens de sortir les violons dans les moments dramatiques ou de pousser constamment les gens aux sacrifices. C’est regrettable alors que le propos soit appuyé par la lourdeur des personnages, tous aux caractères bien distincts et auxquels il est malheureusement difficile de s’identifier, empêchant toute empathie.
Mais si Train to Busan déçoit incontestablement dans sa narration, il faut lui reconnaître une incroyable maîtrise visuelle en termes de découpage et de fluidité qui rend l’ensemble souvent dynamique. On regrettera seulement que la violence ne soit pas poussée à son paroxysme (la Corée du Sud étant généralement peu timide dans ses démonstrations de violence) car si la course qui s’engage entre les contaminés et les vivants est impressionnante, l’horreur est relativement effacée, une simple morsure suffisant à vous changer en l’une de ses créatures. On est donc loin des mangeurs de chairs des films de Romero.
Train to Busan est un film qui se veut pluriel (drame, action, série B) mais qui, à force de ne jamais vraiment jouer dans une seule catégorie, échoue lamentablement tout ce qu’il entreprend. A aucun moment, il ne nous arrive d’être ému par les conflits des personnages, amusé par la folie des combats ou impressionné par l’action du film parce que le cinéaste s’étale entre tous ses genres sans jamais les développer.
La sélection hors-compétition de Train to Busan laissait penser qu’une séance jouissive s’annonçait au milieu de la nuit et de tous ces drames lourds de la compétition, mais il n’en ressort qu’un film interminable et ô combien déjà vu. Son incapacité à dépoussiérer le genre en fait un film à oublier très vite.
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Train to Busan (Bu-San-Haeng)
Un film de Sang-Ho Yeon
Avec Gong Yoo, Dong-seok Ma, Yu-mi Jeong
Distributeur : /
Durée : 118 minutes
Genre : Horreur
Date de sortie : indéterminée
Corée du Sud – 2016
Train To Busan : Teaser