Le nouveau NWR, The Neon Demon, s’est dévoilé à Cannes: Une Expérience Unique de Cinéma.
Synopsis : Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d’autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté.
Review Cannoise The Neon Demon de Nicolas Winding Refn
The Neon Demon divise les spectateurs, journalistes et autres passants du festival de Cannes. « Vide » aura-t-on pu entendre d’un côté, « grandiose » de l’autre, ou encore ici sur la croisette, « Non merci » de la part d’une journaliste ayant quitté la séance. Il s’agira à travers ce très bref écrit non pas de brasser différentes lectures du film, ni même d’en commencer une, mais de tenter par le processus de l’écriture de digérer un peu plus vite l’expérience cinématographique vécue par CineSeriesMag.
À coup d’obscurité et de lumières colorées, plus radicalement que dans Only God Forgives, le réalisateur dessine les espaces ou, au contraire, les efface. Ainsi l’espace tridimensionnel de travail du photographe est tellement blanc et lumineux qu’il disparaît dans une sorte d’informité, de vide, de cosmos blanc. Lorsque Jessie arrive au centre, elle apparaît comme un ovni dans cette homogénéité spatiale. Le personnage incarné par Elle Fanning est juste la perle rare. Elle n’est que « pure beauté », notamment parce qu’elle est « vraie », sans artificialisation de son corps de par des opérations chirurgicales.
En effet, The Neon Demon traite beaucoup des images, notamment de la place de la femme dans les images médiatisées, plus précisément celle des modèles de mode. Femmes objets ou libérées, mannequins de chair et de sang (voir la photographie ci à droite), ou corps reconstruits, êtres jetables après consommation avec une date d’obsolescence (on entendra différents âges dans le film), êtres déconnectés du commun des mortels, en quête de l’éternelle jeunesse, au point de vampiriser celle des autres en la dégustant… Refn établit une multitude de portraits et de voies de réflexions possibles sur ces « personnages ». L’utilisation du mot « personnages » n’est pas anodine, puisque ces corps sont fabriqués, construits, inventés, manipulés, tout comme leur parcours (l’âge de Jesse sera falsifié).
Jesse, la perle, l’unique, l’élue, est pure et libre. Elle avance seule, cherchant à atteindre un état qui dépasse les statuts d’adolescente et de jeune femme (à gauche une image d’elle ayant atteint – d’une certaine manière dont nous laissons la découverte – une maturité), la grâce. Alors qu’elle progresse, son chemin se dessine à travers la pénombre avec l’apparition de formes colorées lumineuses. Elle arrive face à la forme qui l’obsède, pour en faire partie, et connaître alors une évolution. Mystifiée, hypnotisée, Jesse expérimente une ou plusieurs puissances incroyables, à notre image, hypnotisée et charmée par les forces mises en œuvres par Refn, voire libérée par son travail.
Les espaces dessinés par Refn et aussi par la musique signée Cliff Martinez sont aussi – et la séquence stroboscopique en début du film l’explicite – des espaces à franchir par notre regard. Ces faisceaux et formes se reflètent sur nos yeux, pour s’y inscrire, et nous inviter, tel le monolithe de 2001 L’Odyssée de l’Espace, à franchir ces portes. Ainsi sommes-nous devenus des spectres grâce aux néons. Mais attention, les neon demons rodent. La projection touche à sa fin, et alors le périple Refn-ien jonché d’humour, de beauté, de poésie, de contemplation, de folie et d’horreur s’arrête ici, sur une image abstraite qui demandera probablement un effort de lecture. Plan final qui surprend, nihiliste, et qui avec sa soudaineté, amorcent un retour (trop ?) brutal à la réalité.
Rappelons avant de nous lever des sièges de spectateurs et de quitter notre expérience imprimée sur nos rétines et même jusqu’à notre soi, qu’un tel film demandera un double effort au spectateur : se laisser aller, embarquer par Refn, et fournir un certain effort crânien pour une lecture du film plus optimale. Avec Refn, il ne s’agit pas d’aller consommer bêtement un film, d’aller superficiellement au cinéma, le réalisateur proposant notamment une expérience en cohérence avec les réflexions émises sur les êtres superficiels de la mode : nous ne sommes pas des mannequins tendant à copier l’élue Jessie. Comme l’a exposé la scène de torture d’Only God Forgives qui faisait l’autopsie d’un spectateur de cinéma (voir extrait ci-dessous), assis sur son siège, les bras posés, presque intégré au fauteuil, écoutant, regardant, Refn nous réfléchit comme des êtres actifs même dans la passivité de l’hypnose cinématographique, et croit en nous comme il croit en Jessie. Il a d’ailleurs déclaré à quelques journalistes, dont LeMagduCiné, qu’il n’était pas un génie, mais que le génie revenait au public. Nicolas Winding Refn veut nous faire toucher la grâce et plus que ça, nous la faire vivre.
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The Neon Demon
Un film de Nicolas Winding Refn
Scénario : Nicolas Winding Refn, Mary Laws, Poly Stenham
Avec Elle Fanning, Jena Malone, Bella Heathcote, Abbey Lee, Christina Hendricks, Keanu Reeves, Karl Glusman
Musique : Cliff Martinez
Distribution France : The Jokers / Le Pact
Genre : Drame / Épouvante
Durée : 1h57min
Sortie française : 8 Juin 2016