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FEFFS 2015 : Des extraterrestres, un Polaroid et des loups-garous

Les pérégrinations d’un reporter au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg : projection du film The Visit, des courts métrages et le Midnight Movie, Howl.

Après une première journée mitigée, où la seule bonne surprise est venue d’un bunker allemand, on se lance, avec entrain dans ce nouveau jour, en plein cœur de la capitale alsacienne. La pluie ne nous a pas lâchés depuis hier et on se presse pour retrouver la bonne température des salles obscures strasbourgeoises. Au programme aujourd’hui, un documentaire qui dépassera les limites terrestres, du court-métrage francophone et international et une série B de loups-garous qu’on espère divertissante. Le temps d’aller faire un tour dans les commodités et…voilà que je rencontre un festivalier avec qui j’avais déjà visionné quelques films en début d’année à Gérardmer. De bonnes retrouvailles qui sont vite devenues gênantes vu qu’elles se déroulaient dans les toilettes (à croire que les toilettes à Strasbourg, c’est The place to be !). On décide d’un commun accord de se rejoindre dans la salle pour regarder le film ensemble. Alors visionnons mes bons !

[DOCUMENTAIRE] The Visit – An Alien Encounter

Réalisé par Michael Madsen (Danemark-Finlande, 2015). Sortie dans les salles françaises le 04 novembre 2015.

Synopsis : Sommes-nous prêts à une rencontre avec des extraterrestres ? C’est la question que pose le Danois Michael Madsen avec son nouveau documentaire, The Visit, dans lequel il enquête, de l’armée à l’ONU.

Après avoir sondé l’humanité et ses institutions sur le sort des déchets nucléaires d’ici quelques milliers d’années dans Into Eternity, salué dans une multitude de festivals, Michael Madsen s’intéresse avec The Visit à ce que donnerait rationnellement la première rencontre entre l’homme et une forme de vie extra-terrestre. Derrière toutes les perspectives et l’organisation que l’humanité semble avoir prévues pour agir dans une pareille circonstance, The Visit révèle avant tout l’inconnu et l’ethnocentrisme de l’homme qui pense être le seul dans l’univers. Entre peurs et espoirs, Michael Madsen interroge notre propre image. Pendant des mois, le réalisateur a rencontré tout un tas de personnalités issues du monde scientifique, politique et militaire. De la NASA aux Nations Unies en passant par l’armée, on se rend compte que malgré l’intelligence et la maturité de ces gens, ces derniers arrivent difficilement à concevoir des êtres extra-terrestres autrement que comme des continuités développées de l’homme. A aucun moment, ils n’arrivent à s’interroger sur l’absence d’émotions (le propre de l’homme) ou la présence d’émotions inconnues par l’homme. Ils s’inquiètent d’une menace mais peut-on imaginer que ces êtres ne peuvent percevoir ce sentiment de menace ? Au fond, ce que révèle ce documentaire si intéressant, c’est que l’homme est aussi fasciné qu’effrayé par l’inconnu. Les scientifiques s’interrogent sur ce premier contact, alternant des moments de curiosité intimiste (que nous-voulez-vous ? que savez-vous de plus que nous sur la vie ?) à des formes de menaces suggérées (organisation militaire défensive pour parer à toute éventuelle attaque de ces êtres). Les hommes n’ont jamais pu vivre une période sans conflits et lorsque l’inconnu débarque dans son quotidien, ils ressentent une forme de menace et d’intrusion alors qu’ils sont pour autant fascinés par cette existence venue d’ailleurs. Au service de ses interrogations, Michael Madsen réinvente le documentaire, dépassant le cadre visuel de son précédent film. Avec de nombreux plans aériens et une stylisation des cadres et lieux, The Visit offre une douce sensation de flottement et d’envoûtement, renforcée par une bande-son magnétique et des dialogues calmes et clairs. L’expression visuelle bénéficie d’un soin tout particulier et nous renvoie à nos fantasmes les plus enfouis (l’attirance, la peur ou l’affrontement avec l’inconnu). On pourra lui reprocher un manque de rythme mais ça serait dommage de passer à côté de ce documentaire qui interroge philosophiquement notre condition humaine et offre une expérience sensorielle sans précédent. A la fin du film, on se pose une ultime question qui bousculera tout ce en quoi nous croyons : Est-ce-que nous sommes dignes d’intérêt ? Michael Madsen n’a jamais estimé être en mesure d’apporter des réponses aux questions de ses documentaires. Il ne fait qu’apporter une interrogation à un instant T dans notre vie. C’est la justesse d’un documentariste qui fait preuve de modestie et de conscience de soi-même, car au fond il sait que nous ne savons rien. Il ne nous reste plus qu’à attendre l’ultime volée de sa trilogie de l’humanité qui s’intitulera Odyssey. Avec une telle et si brillante trilogie, Michael Madsen confirme qu’il est l’un des documentaristes les plus intéressants de ce siècle.

Note de la rédaction : ★★★★☆  

Le temps de faire un débriefing avec mes compagnons de séance autour d’un café (eux ont plutôt été désarçonnés par la forme du documentaire) qu’il est l’heure pour moi de les laisser et d’aller perdre un peu de temps dans les rues de Strasbourg, à la recherche d’une activité à faire. Ça tombe bien, le programme du festival m’annonce qu’il y a une rencontre à la FNAC avec deux artistes dont le travail repose essentiellement sur la représentation des Playmobil® dans la pop-culture. Pourquoi pas !.

Richard Unglick est un passionné d’histoire et de cinéma qui baigne dans l’univers des Playmobil® depuis tout petit. Dans les années 2000, abandonnant son métier de cinéaste, il développe un concept photographique original qui consiste à pasticher avec beaucoup d’humour les grandes œuvres de l’Histoire à l’aide des célèbres figurines et de leurs accessoires. Ses photographies se sont fait connaître grâce à quatre albums publiés chez Casterman dès 2004. Sa première exposition se tient à Paris en 2011, Richard Unglik a depuis exposé à l’internationale comme en Angleterre, aux Etats-Unis ou plus récemment en Corée. Il expliquera qu’il conçoit ses ouvrages comme de véritables films avec un choix visuel précis, un casting de Playmobil® (véridique!) et des décors conçus à partir de Playmobil® préexistants. Il expose ses photos actuellement à Strasbourg où il reprend de vieilles affiches de films fantastiques (Le Chien des Baskerville, M Le Maudit, Les Dents de la Mer, etc.) qu’il réinvente à l’aide de ces petits jouets allemands. A ses côtés, son camarade Claude Steible a toujours eu la passion pour le paysage, jouant très tôt avec des trains électriques et des modèles réduits. Il commence à se passionner pour les Playmobil® quand il en achète pour ses enfants. Depuis, Claude Steible a acquis 2500 figurines dont 1500 sont les héros d’une exposition au Musée du Jouet de Colmar. Passionné d’Histoire, il y a reconstitué des saynètes inspirées de films, dont Danse avec les loups, Gladiator, Jurassic Park, L’Âge de Glace ou Le Seigneur des Anneaux. Son objectif à travers ses expositions est de faire retomber le public en enfance en utilisant un jouet mondialement connu.  Une rencontre des plus intéressantes avec ces deux grands enfants qui jouissent de leur métier et reconnaissent être les plus chanceux au monde, surtout auprès des enfants qui les envient d’exercer un métier à partir de ces jeux. La rencontre s’achève sur une succession de photos décalées, comme des Playmobil® rastas partageant Le Dernier Repas ou des Playmobil® hippies dans une situation suggérée mais osée. Bref mais très amusant. Cela laisse juste assez de temps pour casser la croûte et foncer aux projections des courts métrages..

[COMPÉTITION COURTS MÉTRAGES FRANÇAIS] 

Six films projetés mais seulement trois qui ont particulièrement retenu mon intérêt malgré de nombreuses qualités chez les autres. Un premier film délicieux et amusant au nom d’Aquabike où une jeune femme est traumatisée par un poisson s’étant retrouvé dans sa culotte. Elle n’a plus jamais remis les pieds dans l’eau depuis cet événement mais décide de voir Aquaman, un gourou-guérisseur aux méthodes radicales. C’est drôle, très décalé et joyeusement interprété pour un film qui aura su faire naître quelques rires dans l’assemblée. Mais au delà de l’aspect comique de son court, le réalisateur Jean-Baptiste Saurel démontre une vraie maîtrise des effets spéciaux, de la mise en scène et de l’humour loufoque. C’est terriblement rafraîchissant. Juliet, le second film part d’un postulat déjà vu puisque dans un futur proche, la société SEED lance à grand renfort de publicité, JULIET1, la première génération d’êtres synthétiques de compagnie. Ces femmes androïdes à l’aspect hyper réaliste, connaissent rapidement un succès foudroyant. Le réalisateur Marc-Henri Boulier interroge sur la notion de robotique dans notre société et surtout de sa présence dans notre quotidien. Mais il le fait avec un humour pince-sans-rire tout en parodiant les codes des publicités d’Apple ou des conservateurs qui réagissent grossièrement à la situation. Vraisemblablement (et avec une bonne et savante dose d’humour), l’homme serait défaitiste, prêt à délaisser son prochain pour vivre une « vie normale » avec un robot. Peut-on y voir une définition contemporaine de l’Amour ? Dans son fond, on pense à Ex-Machina, son symbolisme, mais aussi au sympathique court-métrage néerlandais Robotics sorti l’an passé ou à un segment de la série Black Mirror. Déjà vu donc mais bien efficace. Et enfin, très certainement le meilleur court métrage de la sélection, Un Jour de Plus d’Alban Sapin. Dans un futur tout aussi proche que le précédent film, les hommes ont déserté Paris depuis un an. Dans cet environnement désolé, quelques survivants errent dans ces ruines à la recherche de nourriture. Parmi eux, un couple tente par tous les moyens de subsister et de prendre contact avec d’autres rescapés. Il s’agit là d’un film terriblement percutant pour une œuvre française de genre. Alban Sapin ne lésine pas sur les moyens et offre quelques chouettes décors post-apocalyptiques et maîtrise avec brio les codes du western et du film d’infectés. Il en résulte un film au postulat très simple, mais qui se dénoue sur une morale excitante, qu’est-ce-que nous ne ferions pas pour vivre un jour de plus ? C’est beau, cruellement tendu et visuellement grandiose. Une claque comme on en voit que trop rarement en France. A l’issue du festival, le jury remettra le Prix du Meilleur Court Métrage Made in France. J’ose espérer qu’un de ces trois là se verra attribuer cet honorable prix.

Note de la rédaction sur l’ensemble de la séance: ★★★☆☆  

[COMPÉTITION COURTS MÉTRAGES INTERNATIONAUX] 

Cette année, la sélection des courts internationaux était d’une excellente facture. Sept films projetés, cinq qui m’ont plu, mais trois plus particulièrement. Et cocorico, on retrouve deux films français parmi ma petite sélection, même si ma préférence va pour un efficace film norvégien. On commence par Moonkup – Les Noces d’Hémophile de Pierre Mazingarbe, un étonnant film de vampire français où les hommes ont perdu la guerre contre ces buveurs de sang. Résultat? Un mariage entre les deux espèces qui pourrait bien changer toute l’humanité. Quasi-entièrement filmé en lieu-clos dans un train, Moonkup fait preuve de générosité dans sa description aussi gore qu’érotique du mythe du vampire avec tous les codes que cela comprend. Comme hier, on refait un Point Godwin notamment dans cette représentation d’une classe humaine qui a collaboré avec les vampires et nous renvoie à la Seconde Guerre mondiale. Il y a de la beauté, de l’organique et de l’énergie dans ce film sensible et déconcertant qui mérite toute notre attention. On lui souhaite d’aller loin dans les festivals internationaux, car une telle maîtrise et une telle audace en France méritent d’être saluées. On part maintenant pour les Pyrénées d’où nous vient Territoire, un sanglant et jubilatoire film de lycanthrope. En 1957. Pierre arrive sur l’estive avec son chien et son troupeau de brebis. Il craint la menace du loup, mais ne se doute pas de celle que représente un peloton de parachutistes. A partir de ce postulat, le film suit le parcours d’un mutique berger qui va protéger une jeune touriste et tenter de survivre par tous les moyens. Les effets spéciaux sont incroyables, l’immersion est totale et la mise en scène est somptueuse. On regrettera juste une fin grotesque laissant planer un soupçon de conspirationnisme déplacé. Dommage pour ce faux pas, mais gardons de Territoire, le souvenir d’un film de genre bien percutant. Et enfin, le meilleur tous azimuts de cette sélection, le norvégien Polaroid. Sarah et Linda, deux amies, découvrent un vieux Polaroid au fond d’une boîte. Elles seront très vite confrontées à la sombre malédiction déclenchée par l’utilisation de cet appareil. Polaroid pourrait être le croisement de trois films : Mamá, The Ring et le court Lights Out. On s’aperçoit que le format court se prête très bien au film d’esprits et fantômes. Extrêmement frissonnant, la peur surgit de l’ombre par un superbe travail sur l’ambiance. Ce film démontre qu’il ne faut pas grand chose pour nous faire trembler comme jamais. Sans véritable jump-scares, l’effroi se trouve sur ce fil qui sépare la lumière de l’obscurité. A nouveau en huis-clos, Polaroid se pose comme le film le plus effrayant que j’ai vu depuis It Follows, rien que ça. C’est dire la qualité des films qui sortent en salles et même ceux des festivals. Je ne peux que souhaiter à son réalisateur Lars Klevberg de se retrouver dans le palmarès final de la compétition et de trouver une notoriété à l’international. A l’issue de la projection, le public était amené à voter pour son film préféré. Un prix du Jury et un Prix du Public seront en effet remis lors de la cérémonie de clôture ce samedi.  Nul doute que vous avez deviné pour quel film j’ai voté.

Note de la rédaction sur l’ensemble de la séance: ★★★★☆

Fin de séance de ces courts très appréciables et prochain événement, un Midnight Movies au doux parfum de lycanthropie. Après le court métrage Territoire précédemment vu, je me mets à espérer un autre film de genre maîtrisé. Dans la file d’attente, je retrouve mes compagnons d’hier qui m’évoquent la déception Sweet Home (un ersatz espagnol de Panic Room) et regrette amèrement avoir loupé la séance de The Lobster, complète. Ils se mettent à espérer que ce film de minuit va rattraper leur programme de la journée. Ils vont malheureusement vite déchanter..

[MIDNIGHT MOVIES] Howl

Réalisé par Paul Hyett (Royaume-Uni, 2015). Date de sortie prochainement annoncée.

Synopsis : Une poignée de voyageurs qui n’ont rien en commun se retrouvent bloqués dans un wagon, en proie à des loups-garous féroces. Immobilisés en rase campagne, leur calvaire durera toute une nuit.

Howl a tout de la série B classique. Une bande d’inconnus piégés dans un lieu clos et attaqués par un monstre affamé. Réalisé par Paul Hyett, un spécialiste des effets-spéciaux ayant œuvré sur des succès comme La Dame en Noir, le diptyque The Descent ou Eden LakeHowl revisite le mythe du lycanthrope avec une trame simpliste mais résolument attachée à nous divertir pendant 90 minutes. C’est juste raté. Le film hésite constamment à jouer la carte de l’humour et du sérieux. Les personnages sont affreusement caricaturaux et l’enchaînement des morts ne provoque aucune réaction. Pire, lorsqu’un des personnages se transforme en loup-garou, la salle s’est mise à rire tant l’effet était grotesque. A aucun moment, les personnages n’ont un semblant de profondeur et tombent fâcheusement dans une succession de clichés sur pattes. Dès lors, le film démarre de la pire des façons. On notera tout de même un joli travail sur les monstres, mais c’est tout de même très peu quand on voit le manque de générosité du réalisateur qui filme presque constamment les massacres hors-champ. Budget limité peut-être mais quelle paresse  ! On ne s’amuse pas, on ne frissonne pas, on ne fait que subir ce long arrêt de train en plein milieu de la campagne. Tiens, j’aurais presque préféré me taper une bonne grève de la SNCF. Heureusement que le représentant du festival nous a dit que ce film lui avait effroyablement plu au Marché du Film à Cannes… Quelle tristesse de voir les Midnight Movies être sabotés à ce point.

Note de la rédaction : ★★☆☆☆  .

C’est tout de même sacrément décevant de devoir trouver de la qualité dans les sélections parallèles et mineures du festival. Hormis un Bunker allemand, un documentaire et quelques courts, j’avoue être très déçu pour l’instant de la sélection. Tous les festivaliers sont unanimes pour dire que la compétition est affligeante (sauf à quelques exceptions comme Der Bunker, Ni le Ciel Ni la Terre, The Lobster, etc.) et que les films de minuit sont décevants. Ils restent quatre jours et j’ose espérer que le festival nous a gardé ses meilleures cartouches pour le weekend. Comme la veille, on rentre chacun chez soi, l’air dépité et l’envie de voir enfin un film de genre à la hauteur de la réputation du festival. Gérardmer nous avait offert It Follows en début d’année, j’espère que Strasbourg saura nous dénicher un film encore vu nulle part ailleurs et qui laissera une marque impérissable dans l’esprit des festivaliers. Quoiqu’il en soit, demain on reprend tout à zéro et on se farcit un ersatz français de Drive en présence du réalisateur, une voiture de police conduite par des enfants et un Mad Max rétro et fauché. Allez festival, ne me déçois pas ce coup-ci ! A demain, les lycanthropes !