FEFFS – Chronique N°3 du 16 Septembre 2014

FFEFS 2014 – Loup-garou, Sion Sono et fantôme en plein air

Après une Masterclass et une succession de neuf films de plus ou moins bonnes qualités en deux jours, c’est un rédacteur éreinté mais plus que jamais motivé qui se lève en furie, avale un bol de céréale expéditif, engloutit une tasse de café bien corsé et se dirige de bon train vers la salle de projection réservée à la presse et au jury. Y sera projeté à 11h un film en compétition internationale traitant du mythe du loup-garou. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut aller voir un film en compagnie de Tobe Hooper. L’homme est très réservé, très peu bavard et c’est davantage Juan Martinez Moreno, autre membre du jury, qui amorce les discussions avec les personnes à ses côtés, balançant tout un tas d’anecdotes à base de « fuck and I say Fuck again » qui finit le plus souvent dans des rires gras. Une bonne manière d’amorcer la journée. Xavier Palud, le dernier membre du jury, étonne par son absence. Un problème technique contraint un bénévole à expliquer la situation à Tobe Hooper. Se fondant dans des excuses sincères, ce dernier nous demande de changer de salle et d’aller dans la plus grande salle du festival. Aucun problème.

Chers lecteurs, voici la troisième chronique du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg (FEFFS) en exclusivité pour Cineseries-mag.fr

Late Phases

Réalisé par Adrian Garcia Bogliano (2014). Date de sortie prochainement annoncée.

Ambrose, vétéran aveugle du Vietnam, est doté d’un esprit délicieusement sarcastique qui en offusque plus d’un. Son arrivée se passe mal dans sa nouvelle maison, au milieu de retraités suffisants et moralisateurs : il insulte le comité d’accueil, puis son chien et sa voisine sont sauvagement tués durant la nuit. La police parle d’une attaque de chiens sauvages ; Ambrose, quant à lui, pressent qu’il a affaire à une bête bien plus féroce et se prépare, avec une rigueur militaire implacable, pour la prochaine pleine lune.

 

Présenté pour la première fois en France, Late Phases est un petit film de seconde zone dans lequel nous est présenté un vétéran aveugle devant faire face à un loup-garou. Un film au pitch qui peut paraître très second degré mais qui ne l’est finalement pas, tant le réalisateur aime à filmer cette situation -aux premiers abords surréalistes- de manière franchement plausible. Première production anglaise pour Adrian Garcia Bogliano, à l’origine d’une dizaine de courts métrages et autant de longs (on lui doit aussi le segment « B is for Big Foot » de ABC’s of Death), Late Phases n’a pas la prétention d’être un grand film et tend seulement à offrir un moment hommage au genre loup-garou. Un peu fauché, cheap par moment, le film n’en reste pas moins attachant car le réalisateur semble avoir des intentions honnêtes et offre un moment efficace de genre à défaut de transcender. Alors que Bubba Ho-Tep voyait un Bruce Campbell elvissien affronter une momie ancestrale, Late Phases nous montre un senior malvoyant affrontant une meute de loup-garous. Un postulat de départ en apparence similaire au film de Don Coscarelli, l’humour et l’epicness des situations en moins. C’est davantage une lettre d’amour aux films de loup des années 80 (plus d’une vingtaine productions ont été réalisées durant cette période). Hommage qui se ressent dans l’apparition des monstres à l’écran, incarnés par des hommes en costumes, moins effrayants certes mais franchement plus sincères. Pas d’effets numériques, juste de l’horreur dans ce qu’elle a de plus artisanale et en soi, c’est déjà assez appréciable. Le film pose une ambiance, un contexte familial compliqué et pose quelques réflexions sur les retraites de ces personnes, patientant vainement avant la mort, abandonnés par une société qui ne sait plus quoi en faire. Touchant par moment, le film revient vite à son postulat de départ par le biais de cette gueule de cinéma qu’est Nick Damici (We Are What We Are, Stake Land) qui nous offre un très bon personnage de vétéran renfermé, sans langue de bois et têtu comme personne. Ajouté à cela une galerie de personnages interprétés par des acteurs ayant performés dans les années 80 et vous serez face à un film qui arbore fièrement son postulat d’hommage à ces années-là. Gore par moment, abordant quelques réflexions bien senties et honnête dans son approche, Late Phases est une série B sans prétention qui ne marquera jamais les esprits mais est suffisamment efficace pour distraire les amateurs. Late Phases est comme un soufflé qui aurait dégonflé, ce n’est plus un plat qui impressionne mais ça reste tout de même bon à manger.

Note de la rédaction : ★★★☆☆  

La salle se vide et une envie pressante se fait ressentir. Je n’étais apparemment pas le seul. Tobe Hooper rentre dans les toilettes et s’installe à mes côtés. Le temps se fige. Il n’y a que nous deux. Aucun mot n’est échangé. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut se vanter (ou pas) d’uriner à côté du réalisateur de Massacre à la Tronçonneuse.

Rendez-vous avec la Peur

Réalisé par Jacques Tourneur (1957). Sortie qui avait été reprise le 31 mars 2004.

Un psychologue veut révéler au monde le charlatanisme dangereux d’un magicien, mais ce sataniste lui jette un sort. Après une série d’événements inexplicables, la rationalité scientifique du psychologue est bien entamée. 

Troisième jour et je n’ai pas encore mangé une spécialité locale. Il est temps d’aller déguster une de ces bonnes tartes flambées du festival, au prix de six poulpes (la monnaie du festival). Délicieux moment durant lequel une réflexion s’est imposée sur le prochain visionnage. 2030, film vietnamien jugé « ennuyeux » par certains festivaliers ou le film rétrospective Rendez-vous avec la Peur de Jacques Tourneur. Bah, un bref retour dans une certaine époque du cinéma ne peut pas faire de mal. Et puis on parle tout de même du réalisateur de Vaudou ou La Féline, ce dernier film avait d’ailleurs été cité dans The Canal, la veille. Comme toujours avec les films d’antan en noir et blanc, ce qui me charme le plus, ce sont les performances des personnages qui enchaînent rapidement les lignes de dialogue. C’est tellement téléphoné mais ça donne une certaine intensité dans l’intrigue. Je reste toujours émerveillé devant ces acteurs originellement de théâtre qui pensent plus par le dialogue que par les gestes du corps. Intitulé Night of the Demons dans sa version anglo-saxonne, Jacques Tourneur oppose à nouveau avec ce film le scepticisme de la science face aux événements paranormaux. Le rationnel contre le surnaturel. Jacques a choisi son parti et laisse une large porte ouverte à l’existence d’une forme de monde de l’au-delà. Mystérieux, tendu et plongé dans une atmosphère aussi démoniaque que proche de nous, Rendez-vous avec la Peur nous propose une sombre étude de ces rites démoniaques et montre l’impact de la superstition dans nos sociétés. Tout le film n’est qu’un long (et parfois ennuyeux) parcours où la rationalité du scientifique va être mise en mal, laissant place comme au début du film à une croyance dans ce qui semblait être l’irréel. Jacques Tourneur a le bon sens de toujours suggérer plutôt que de représenter. Le démon n’étant visible qu’à deux reprises, au début et à la fin du film. On lui reprochera ce choix artistique, nous donnant trop facilement les clés de l’intrigue, même si on aurait pu croire à une supercherie. Mais il convient de savoir qu’à l’époque les producteurs du film ont tranché et remodifié la version finale, d’où peut-être l’absence de suggestions de la part du réalisateur. Qu’à cela ne tienne, Jacques Tourneur nous offre un petit bijou de cinéma fantastique au récit diablement intéressant. Un film qui a parfaitement sa place dans cette rétrospective Sympathy for The Devil.

Note de la rédaction : ★★★★☆  

Why Don’t You Play in Hell ?

Réalisé par Sion Sono (2014). Date de sortie prochainement annoncée. 

Dix ans plus tôt, le clan Kitagawa a attaqué la demeure de Muto, leur rival, et s’est vu décimer par la femme du chef yakuza. Celle-ci a été emprisonnée, et leur fille, Mitsuko, n’a pas pu poursuivre sa carrière d’actrice précoce dans une publicité irritante pour du dentifrice. Une équipe de cinéastes volontaires mais maladroits, les Fuck Bombers, vont être amenés à filmer la guerre opposant les deux clans yakuzas. 

 

Réalisateur prolifique -trente-six films en moins de trente ans- Sion Sono est un homme qui a déjà marqué l’histoire du cinéma avec l’épopée Love Exposure en 2008. Ses dernières productions que sont Cold Fish, Guilty of Romance et A Land of Hope ont également beaucoup plu à la critique et à ses plus fidèles fans à travers le monde. On le retrouvera également dans un segment de ABC’s of Death 2 (dont nous vous parlerons prochainement). Sélectionné dans la compétition internationale de la Mostra de Venise 2013 et récompensé du Prix du Public à l’Etrange Festival 2013, cet hommage vibrant et complètement décalé au cinéma débarque dans les salles strasbourgeoises pour une séance de minuit qui s’annonce loufoque à souhait. Après quelques films auteurisants, le réalisateur japonais nous offre très certainement l’un de ses plus gros délires cinématographiques. Du WTF made in Japan comme on aime, surtout en séance de minuit mais que j’ai malheureusement visionné le lendemain en séance du soir. Why Don’t You Play in Hell ? est une sorte de farce, une parodie de la culture japonaise mais surtout un film qui rend hommage au cinéma dans toute sa splendeur. Cette bande de gamins amateurs qui vouent leur vie à faire des films et à attendre le projet ultime, c’est assurément le regard de Sion Sono sur lui-même. D’une chanson farfelue pour un dentifrice va découler un véritable bain de sang final et jubilatoire qui voit s’affronter deux clans mafieux aux intentions complètement dingues. L’absurde croise le film de samouraïs qui lui-même croise la romance à la japonaise qui s’entremêle avec le film métaphysique avant de s’achever dans le film de combat ultime et gore à outrance. Sion Sono incorpore au récit une quantité titanesque d’idées saugrenues, et ce à un tel point qu’il faudrait des jours pour évoquer en détails toutes les trouvailles surréalistes de ce réalisateur qui semble très certainement lorgner vers le Kill Bill de Tarantino. Une manière pour Sion Sono de déclarer son amour pour le film de Quentin ? Peut-être. Un personnage du film hurlant à tout-va qu’il souhaite réaliser le plus grand film de tous les temps. Le film met du temps à se mettre en place et il faut attendre véritablement la dernière demi-heure pour que l’humour et la violence travaillent de pair afin de donner le combat filmé WTF de la décennie. Le récit loufoque n’empêche cependant pas le réalisateur d’offrir quelques moments sérieux qui illustrent cette passion du cinéma, cette fibre qui pousse le réalisateur à réaliser tous ses films comme s’il s’agissait du dernier. Sion Sono est un réalisateur unique, le seul à même de mélanger tout un ensemble de genres sans tomber dans le grotesque ou la bêtise. Punk dans l’âme, jubilant de ce qui fait l’essence de son cinéma et passionné avant tout, Sion Sono et son nouveau délire cinématographique sauront plaire à un public aussi passionnés et dingues que lui. Il était indispensable de proposer ce film en séance de minuit. Insensé et loufoque, Why don’t You Play in Hell ? est un hommage poignant et décalé au cinéma. La plus belle représentation d’un homme qui aime véritablement ce qu’il fait.

Note de la rédaction : ★★★★☆  

S.O.S. Fantômes

Réalisé par Ivan Reitman (1984). Sortie le 12 décembre 1984 et reprise annoncée pour novembre 2014. 

David, archiviste, est persuadé que sa femme le trompe. Tout empire quand il découvre un film lui apprenant que sa maison a été le théâtre de brutaux assassinats. Stressé au plus haut point, David se persuade vite que sa demeure est hantée.

La séance précédente s’achève et je n’ai que quinze minutes pour foncer à la Place de la Cathédrale pour la projection en plein air de S.O.S Fantômes. Google Maps m’annonce que je peux y être en vingt-cinq minutes. Challenge accepté et réussi, j’arrive douze minutes plus tard sur la place, exténué mais bien arrivé. Tous comme 800 personnes déjà installées. Et autant sont debout ou allongées au sol. Une projection à l’ambiance unique où mes voisins de sols avaient apportés des bières, du fast-food, quelques bouteilles vins et les plus fantaisistes ont même pensé à rapporter un peu d’herbe. De délicieuses senteurs végétales et gastronomiques flottaient dans l’air, donnant à cette séance un parfum unique. Les gens ont dû croire que cette projection était une rétrospective Woodstock. Bref, l’écran s’allume, le titre apparaît à l’écran et les voix se lèvent pour chanter en chœur le générique de « Ghostbusters » de Ray Parker Jr . Moment unique. Chaque apparition de Bill Murray à l’écran était accompagnée d’une salve d’applaudissements et de fous rires à la plupart de ses lignes de dialogue. Les cloches de la cathédrale grondèrent chaque quart d’heure donnant une ambiance quasi-religieuse au visionnage de ce classique de la comédie fantastique américaine. Quelques plaisanteries grivoises furent hurlées par certains spectateurs, et un expressif « Il pleut du sperme ! » fût clamé dans l’auditoire lorsque de l’ectoplasme tombe sur New-York, générant quelques fous rires coupables. Le Bibendum Chamallow et le final dans la tour étant l’apogée d’un public surexcité et désireux de revendiquer son amour pour le film culte de toute une génération. Applaudissement tonitruant, hurlement et sifflement achevèrent la projection du film d’Ivan Reitman. Une ambiance épique, unique et assurément l’un des grands moments de ce festival. Et sinon le film ? S’il y a Bill Murray, c’est forcément bien.

Note de la rédaction : ★★★★☆ 

Fin de journée, la nuit s’est abattue depuis longtemps sur Strasbourg. Joli ciel étoilé et l’occasion pour moi d’aller boire un verre et de manger un cheeseburger mérité avec mon hébergeur. Quelques réflexions instinctives sur les films vus aujourd’hui. Ouai, Why Don’t You Play in Hell ? était vraiment dingue comme film. Au programme demain, du samouraï allemand, un thriller scandinave déjà culte, l’attaque de zombies castors et d’autres trucs encore. A demain, les fantômes !

Reporter/Rédacteur LeMagduCiné