18 saisons (pour le moment). Plus de 400 épisodes. Avec au minimum un marin mort par épisode, on peut se dire que NCIS a fait beaucoup de dégâts dans l’armée américaine. La célèbre série créée par Donald Bellisario et Don McGill continue à battre des records d’audience, malgré les nombreux changements survenus dans l’équipe. Comment la série cherche-t-elle à se renouveler depuis quelques saisons ?
Aux Etats-Unis, la série NCIS Enquête spéciale vient de diffuser son 400ème épisode. Un épisode ponctué de flashbacks qui nous racontent la rencontre entre Leroy Jethro Gibbs et Donald “Ducky” Mallard. Les deux figures historiques de la série. Les deux seuls survivants de la configuration originelle.
Alors qu’elle aborde sa 18ème saison, il est impossible d’occulter cette série dans le paysage télévisuel états-unien actuel. Certes, NCIS n’a jamais révolutionné le genre. Bien au contraire, son format est plutôt classique, au point de paraître presque désuet de nos jours, alors qu’on lui oppose des séries policières comme Bosch ou True Detective. Des saisons de 24 épisodes, une enquête par épisode (en règle générale). Très peu de fil conducteur d’un épisode à l’autre (et encore moins d’une saison à l’autre ; mais cela changera au fil du temps). NCIS, c’est un peu du divertissement à l’ancienne, un dinosaure qui renvoie plus aux séries des années 80 qu’à celles des années 2020.
On peut toutefois se demander si ce caractère désuet n’est pas volontaire. Après tout, le personnage principal de la série est lui-même un dinosaure, un bonhomme d’un autre siècle (ce qui est la cause d’un nombre quasi illimité de blagues sur son désormais légendaire téléphone à clapet, sa télévision noir et blanc à tube cathodique et sa complète méconnaissance de l’informatique).
Et, en règle générale, la série promeut des “valeurs traditionnelles”, surtout en ce qui concerne la défense de la patrie.
En bref, tous ceux qui cherchent quelque chose de novateur, ou une vision critique des Etats-Unis, ou même un portrait social tout en nuances, en auront pour leurs frais. Même si, de temps à autre, une revendication sociale se glisse dans un scénario (le plus souvent, c’est le portrait d’un pays qui abandonne ses vétérans et en fait des SDF), il ne faut pas que cela entrave le but principal de la série : le divertissement.
De ce côté-là, la série fait preuve d’une sérieuse efficacité, même si on peut noter une évolution au fil du temps. Beaucoup voient un tournant dans le départ de Ziva David, à la fin de la saison 10. Même si Ellie Bishop a su se faire une place, elle ne dépasse pas le stade du personnage relativement banal là où l’agent d’origine israélienne était une “ninja”, une guerrière implacable et imprévisible (dans ses premières apparitions, Bishop avait quelques originalités qui en faisaient un personnage potentiellement intéressant, de par sa façon de réfléchir si particulière, mais ce sera abandonné très vite, hélas). De plus, Ziva a permis de relancer l’action à plusieurs reprises grâce à ses “liens familiaux” avec des personnes peu fréquentables (et cela se vérifie encore au début de la 17ème saison, lors de son bref retour). Ziva reste attachée à des épisodes emblématiques de la série, comme le combat contre son demi-frère Ari Haswari.
Le même sentiment de manque se ressent après le départ d’Abby Sciutto (l’actrice étant partie à la fin de la saison 15 en lançant des accusations contre Mark Hamon). Le personnage de gothique turbinant aux boissons caféinées et dormant dans un cercueil apportait une touche de folie dans une série qui, sans cela, ne sort pas vraiment du cadre. Avec son départ, c’est une part de folie douce qui disparaît, et sa remplaçante paraît, jusqu’à présent, trop fade pour assumer une digne succession.
Si l’on ajoute à cela le départ d’Anthony DiNozzo Jr (même si son remplaçant est un personnage intéressant), les fans de la première heure peuvent se demander pourquoi encore regarder NCIS (d’autant plus qu’avec DiNozzo disparaissent les innombrables allusions aux films cultes, ainsi que les entrées inopinées de son inénarrable père).
Et pourtant, il est possible de définir un chemin suivi depuis la saison 15 (peut-être même un peu auparavant). Ce chemin tourne autour du pilier central de la série, Leroy Jethro Gibbs. Celui qui, depuis le début de la série, est présenté comme un personnage infaillible, aussi bien dans ses attachements ou ses convictions que dans ses haines), apparaît de plus en plus en position de faiblesse. Depuis quelques années, les événements se succèdent pour Gibbs : détention dans les cabanes d’un groupe de trafiquants sud-américains, assassinat d’une ex-fiancée dans lequel il pourrait faire figure de suspect, résurgence des crimes qu’il a pu commettre de sang froid au nom d’une vision de l’auto-justice, retour momentané de Ziva qui l’accuse de l’avoir abandonnée, et même cette amitié avec le garçon qui vient d’emménager en face de chez lui. Autant d’événements qui ont ébranlé la figure de l’enquêteur marmoréen et impassible, qui ne se trompait jamais et sur lequel on pouvait toujours compter.
L’une des principales éraflures dans son armure est à chercher dans ce procès où il apparaissait comme témoin, mais où il a été forcé d’accuser son ami Fornell. Procès des suites duquel Fornell sera exclu du FBI. Un Fornell qui apparaît, lui aussi, dans une position de faiblesse, en particulier dans ses relations compliquées avec sa fille.
Tout cela construit un nouveau Gibbs, plus humain, plus sombre aussi. Deux éléments montrent l’ampleur de la transformation. D’abord Gibbs n’hésite pas à brûler certaines de ses sacro-saintes règles. Ensuite, le nouveau personnage qui accompagne Gibbs de plus en plus fréquemment n’est autre que… sa psy, Grace Confalone (Laura San Giacomo).
Outre les enquêtes, qui sont globalement assez prenantes, et le dosage entre humour et action, c’est bel et bien cette transformation de Gibbs qui redonne une seconde vie à la série. NCIS mise désormais sur la profondeur de certains personnages. Les plongées dans le passé des personnages principaux sont de plus en plus fréquentes. Au fil des épisodes, le passé mouvementé de Donald Mallard se dévoile également. Nous en apprenons aussi plus sur Jimmy Palmer. Et même le patron Vance apparaît parfois en position de faiblesse.
En bref, les saisons qui avancent mettent en péril les personnages. Et, sur le plan scénaristique, c’est idéal pour raviver l’intérêt de spectateurs qui auraient pu être effrayés par les disparitions successives de personnages.