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La Casa de Papel : le succès espagnol qui remue nos instincts de rébellion !

La Casa de Papel est LE phénomène espagnol inattendu qui relaye au second plan les blockbusters américains. C’est une série espagnole, explosive, elle bouscule notre réflexion et fragilise un peu plus l’équilibre du modèle capitaliste. Attention cette série peut donner une furieuse envie de sortir avec une fourche et marcher l’arme au poing dans la rue. Autopsie sur la révélation en termes de séries cette année produite par Álex Pina et mise en lumière par Netflix.

La Casa de Papel est produite par Álex Pina, il jouit d’un palmarès cinématographique plutôt restreint, sa carrière débute en tant que scénariste en 1996 après un parcours de journaliste. Fin 2016 il fonde sa société de production « Vancouver Media » et lance un premier format nommé : « La Casa de Papel ». Elle est diffusée sur Antena 3 le 2 mai 2017 et réunit plus de quatre millions de téléspectateurs. Puis c’est en décembre 2017 que Netflix redistribue la première partie de ce qui va devenir un événement viral dans le monde des séries télévisées.

Synopsis : Un homme mystérieux, surnommé le Professeur (El Profesor), planifie le meilleur braquage jamais réalisé. Pour exécuter son plan, il recrute huit des meilleurs malfaiteurs du pays qui n’ont rien à perdre. Le but est d’infiltrer la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre afin d’imprimer 2,4 milliards d’euros, en moins de onze jours et sans verser une goutte de sang – malgré la présence de 67 otages, dont la fille de l’ambassadeur du Royaume-Uni. 

Une idée de scénario connue du public

Le concept est simple, un braquage hyper-organisé qui fait écho à de nombreux films tel qu’Ocean’s eleven et suitesBraquage à l’italienne, Inside Man, Braquage à l’ancienne… Vous l’aurez compris, l’idée de base n’a rien de novateur, cependant, la chorégraphie proposée se révèle être une vraie surprise.
L’histoire est comptée par l’un des personnages centraux, nous suivons alors son intégration au sein d’une équipe anonyme (tous affublés de noms de villes) pour mener une opération toute aussi inédite que périlleuse. L’action oscille entre la mise en œuvre de ce plan machiavélique empreint de mystère et l’immersion dans sa préparation sous forme de flash-back. On découvre l’organisation minutieusement imaginée par un talentueux chef d’orchestre, qu’il s’agisse du réalisateur ou du « professeur », tout deux sont à la tête de cette entreprise à succès.
Le spectateur observe sous plusieurs angles l’intrigue. Il découvre la parade mise en place par les forces de l’ordre qui font appel à une négociatrice, brillamment interprétée par Itziar Ituño et l’action en temps réel sur le lieu du braquage. Dans cette chorégraphie à la temporalité morcelée pas de place pour l’ennui ou la confusion, le spectateur est happé par un scénario dans lequel l’intensité ne baisse jamais. L’inventivité nous tient en haleine ne serait-ce qu’au niveau des costumes que nous vous laissons découvrir…
La Casa de Papel nous pousse à une réflexion et réveille les contradictions que l’on trouve à la base de nos sociétés capitalistes. La volonté du réalisateur était-elle de faire naître en nous un puissant sentiment pour valoriser le sens de la rébellion ? C’est la thèse qui semble apparaître tout au long des épisodes, aurez-vous la même lecture ?

Le Professeur, Tokyo, Berlin ou encore Nairobi

 

Comment écrire sur La Casa de Papel sans parler des acteurs, de leur interprétation talentueuse et de l’authenticité de leur jeu ? Impossible !
D’abord parce que nous nous immisçons dans ce projet fou en suivant Úrsula CORBERÓ alias Tokyo, actrice principalement connue pour son rôle dans Physique ou Chimie…elle y retrouve d’ailleurs Enrique Arce.
La tête d’affiche se nomme Álvaro Morte alias le Professeur. C’est une figure célèbre du petit écran avec une quinzaine de séries à succès en Espagne mais inédite en France. Il est le personnage central qui donne le « La » de ce casse à l’ampleur extrême. Sa tenue vestimentaire est en adéquation avec son pseudonyme : lunettes larges, veste, chemise et cravate. Cependant, dans un premier temps, il ne crève pas l’écran par son charisme on pourrait même le qualifier de plutôt fade. Une première impression qui, au fur et à mesure des épisodes, sera vite balayée.
Peu à peu, il se révèle et s’impose, mettant à exécution son plan d’action finement élaboré. Il jongle entre un habile contrôle à distance de son armée de braqueurs tout en contrant les multiples tentatives d’intervention de la police. Cela aurait pu être d’une simplicité sans faille mais c’était sans compter sur le facteur humain et plus précisément son aspect sentimental. Fait qui laisse planer une part d’incertitude dans la réussite de l’exercice, même en suivant une partition sans fausses notes.
Nous tenions sincèrement à faire un clin d’œil à Pedro ALONSO qui s’est révélé au travers de Berlin. Personnage central chargé des opérations lors de ce siège de tous les dangers, il excelle dans ce rôle de psychopathe antipathique et interroge le spectateur quant à son lien avec le Professeur et son statut privilégié.
L’interprétation réaliste plonge ceux derrière l’écran au cœur de la tourmente, ne sachant plus qui il est souhaitable, éthiquement parlant, de soutenir. C’est l’un des messages assez clair : les clans des gentils et des méchants ne sont plus aussi précisément définis et tendent à s’inverser.

Bella ciao, bella ciao, bella ciao, ciao, ciao…

La série est rythmée lors des moments forts par le chant de révolte Italien « Bella ciao » qui célébrait l’engagement des partisans au combat :

« À l’origine, Bella Ciao est une musique yiddish. En Italie dans les années 30, la fille d’un violoniste ambulant apprend cette chanson par sa grand-mère. Elle travaille dans les rizières et fredonne souvent de cet air avec les autres mondines. Ce sont des saisonnières qui travaillent toute la journée le dos courbé les pieds dans l’eau sous le regard de surveillants. De quoi instiguer la révolte. Ce sont les premières à ajouter des paroles révolutionnaires sur cette mélodie.
Hymne de toutes les résistances
La jeune fille s’engage ensuite dans la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale pour combattre le fascisme. Ce n’est qu’en 1944 que les paroles commencent vraiment à ressembler à celles qu’on connaît aujourd’hui. « Bella Ciao » va progressivement s’imposer comme l’hymne de la résistance italienne.
Cette chanson a traversé les époques et a été traduite dans plusieurs langues. C’est le chant de toutes les résistances, contre les pogroms, le fascisme, le capitalisme. C’est la lutte contre l’oppression, l’espoir de liberté. » (lien via France Info)

La chanson et la mélodie ont depuis été reprises de nombreuses fois, victimes du succès connu par La Casa de Papel. Un engouement à la hauteur de celui qu’a fait naître cette dernière. Le choix du réalisateur d’associer à son œuvre cet hymne nous pousse à percevoir un peu plus le message de révolte, message chanté par ce fameux Professeur mais aussi par les autres personnages. Nous pouvons y déceler un air accompagnant la bataille qu’ils mènent contre la police mais surtout contre le symbole sociétaire qu’est la Fabrique de la monnaie.

 

Une expérience télévisuelle éloquente

C’est avec un œil plus critique que nous regardons notre quotidien après la fin de la partie deux, légèrement bouleversés par le discours véhiculé au travers de La Casa de Papel. Nous pouvons attendre encore de nouveaux chamboulements car une saison 3 est prévue pour 2019. Elle sera produite et diffusée par Netflix et toujours sous la direction d’Álex Pina. Il ne devrait pas y être question d’un nouveau braquage mais plutôt d’y suivre l’évolution des personnages.
Nous apprenons également qu’une quatrième saison est d’ores et déjà signée. Nous nous serions pourtant contentés des deux parties existantes et de la chute qui nous est offerte. Espérons que celles-ci ne se révèlent pas décevantes et n’effacent pas le souvenir agréable laissé lorsque nous écrivons cet article.

Fiche technique : La Casa de Papel

Création : Álex Pina
Réalisation : Jesús Colmenar, Alex Rodrigo, Alejandro Bazzano, Miguel Ángel Vivas et Javier Quintas
Scénario : Esther Martínez Lobato, Javier Gómez Santander, Pablo Roa, Fernando Sancristóval, David Barrocal et Esther Morales
Casting : Úrsula Corberó, Itziar Ituño, Álvaro Morte, Paco Tous, Pedro Alonso, Alba Flores, Miguel Herrán, Jaime Lorente, Darko Peric, Esther Acebo, Enrique Arce, María Pedraza, Darko Peric, Roberto García, Kiti Mánver
Sociétés de production : Vancouver Media, Atresmedia et Netflix
Sociétés de distribution (télévision) : Antena 3 (Espagne) Netflix (monde)
Genre : dramatique, braquage, thriller
Durée : 50 à 70 minutes environ
Date de diffusion : 2 mai 2017
Nombre d’épisodes : 15 (deux parties)

Espagne – 2017

Auteur : Aby Gaby