Le secret derrière la porte, un film de Fritz Lang – Critique

Le petit musée des horreurs

Avec une carrière s’étalant sur quatre décennies, Fritz Lang fait partie des auteurs les plus marquants et les plus importants du 7ème art. Ayant commencé à réaliser à l’époque du muet, il a connu presque tous les bouleversements du cinéma, et a contribué à forger le vocabulaire cinématographique encore d’usage de nos jours. Son œuvre se divise en deux parties, une première en Allemagne et une seconde alors qu’il se trouvait en exil aux États-Unis. Si ses films durant cette dernière période sont généralement considérés, probablement à raison, comme moins personnels, ils n’en demeurent pas moins des monuments, que tout cinéphile se doit de voir, ne serait-ce que pour l’expérience.

Psychose au balcon

C’est le cas de ce Secret derrière la porte, réalisé en 1948, soit près de quinze ans après que Lang ait choisi de refuser l’offre de Goebbels de travailler pour le régime nazi. Les années 40 voient la diffusion et la popularisation des idées de Freud, et la psychanalyse est à l’époque très en vogue. Le cinéma est le reflet de cette mode, à laquelle des auteurs comme Hitchcock ou Walsh ont cédé dans des films comme La Maison du Docteur Edwards ou La Vallée de la peur. Fritz Lang ne fait pas autrement, et tartine généreusement sa pellicule de références plus ou moins subtiles à l’exploration de l’inconscient.

Plutôt moins que plus, d’ailleurs, tant les explications fournies sont parfois laborieuses et mal amenées. Le scénario en lui même est plutôt basique, puisant ses inspirations dans le conte de Barbe Bleue et y ajoutant une histoire un peu abracadabrantesque d’amour maudit et de revanche filiale. Le tout est un peu mou du genou et sombre parfois dans le grotesque, tant certaines réactions sont surprenantes et pas forcément bien amenées. Lang n’y est pour rien, bien sûr, et fait de son mieux avec le matériau qu’on lui impose. Il reniera d’ailleurs plus ou moins le film, qui fera un four au box-office.

Chambres obscures

Néanmoins, la patte du réalisateur et sa mise en scène inventive et étouffante sauvent le film. Puisant ses inspirations dans l’expressionnisme Allemand dont il est l’un des pères fondateurs avec Friedrich Murnau, il insuffle un souffle gothique dans ses décors, et parvient sans peine à insuffler un sentiment d’étouffement au spectateur. La maison et ses secrets deviennent progressivement le personnage principal, et on sent que Lang prend plus de plaisir à filmer son décor que son héroïne. Grâce à des cadres travaillés et improbables, il suscite angoisse et malaise à travers un simple plan de porte fermée.

Une mise en scène minimaliste, mais efficace, loin des diktats de l’horreur actuelle, et dont certains réalisateurs feraient bien de s’inspirer. Fritz Lang parvient ainsi à faire de ce scénario à priori insignifiant un film intéressant à voir, à défaut d’être aussi marquant que ses premières productions. Le Secret derrière la porte reste emblématique de son époque, à défaut d’avoir marqué l’histoire du cinéma. À voir pour les passionnés du genre, un parfait exemple de comment un bon réalisateur peut tirer le meilleur d’une histoire faiblarde.

Synopsis : Celia Barrett, riche héritière, rencontre pendant des vacances à Mexico Mark Lamphere, qu’elle épouse aussitôt. Mais le soir des noces, son mari la quitte brusquement, sans aucune raison apparente. La jeune femme va peu à peu réaliser que celui qu’elle a épousé est un homme bien étrange…

Le Secret derrière la porte : Extrait du film

Le Secret derrière la porte – Fiche Technique

USA – 1948
Thriller, Drame
Réalisateur : Fritz Lang
Scénariste : Silvia Richards
Distribution : Joan Bennett (Celia Lamphere), Michael Redgrave (Mark Lamphere), Anne Revere (Caroline Lamphere), Barbara O’Neil (Miss Robery)
Producteur : Fritz Lang
Directeur de la photographie : Stanley Cortez
Compositeur : Miklos Rozsa
Monteur : Arthur Hilton
Distributeur : Universal International Pictures

Auteur : Mikael Yung