Dès ses deux premiers longs métrages, Petits meurtres entre amis et Trainspotting, Danny Boyle s’était fait remarquer surtout par de jeunes cinéphiles qui ont adhéré à sa réalisation novatrice et ses personnages décalés, voire déjantés. Il était donc attendu au tournant pour ses films suivants.
La Plage, son quatrième long métrage, semble d’emblée se présenter comme une plus grosse production internationale, de part la présence de Leonardo DiCaprio, star internationale trois ans après Titanic et la publicité qui fut faite au film au moment de sa sortie.
Synopsis : Richard, un jeune Américain, fuit son pays et sa famille par quête d’aventures. Coincé à Bangkok, il entend parler d’une île, légendaire selon certains, où la vie serait paradisiaque.
Paradis promis
L’ouverture du film paraît tenir ses promesses. Par une mise en scène très immersive, Boyle nous plonge dans un Bangkok que l’on devine dangereux, lieu de toutes les tentations, surtout si elles sont illicites. Le cinéaste nous fait ressentir le côté poisseux et glauque de la ville.
C’est dans ce milieu que Richard pense être parti à l’aventure. Richard (Leonardo DiCaprio), on ne sait pas grand-chose de lui, sinon qu’il fait partie de ces jeunes qui pensent que la vie est plus belle ailleurs, avec ce snobisme de vouloir s’éclater dans des endroits où personne ne va. Parti à Bangkok en croyant y être seul, il se retrouve entouré de milliers de gens qui ont pensé la même chose que lui, d’où un sentiment d’amertume.
Au milieu d’allusions permanentes à Apocalypse Now (salle de cinéma qui diffuse le film, ventilateur au plafond qui produit un bruit d’hélicoptère…), allusions lourdes et qui peuvent sembler inappropriées puisqu’elles n’apportent rien au film (sinon un clin d’œil un peu vain de cinéphile) apparaît alors Daffy (Robert Carlyle, génial comme toujours), personnage visiblement cinglé (et au crâne rasé : encore une allusion ?) qui passe son temps à hurler dans les couloirs de l’hôtel.
Daffy va donc mentionner l’existence de La Plage ! Oui, parce que ce n’est pas une plage ordinaire. C’est le Saint-Graal de la plage, le paradis sur Terre. Il y a une distorsion comique entre la façon dont cette plage est présentée (comme une légende cachée, un mythe, le secret le mieux gardé, avec sa carte au trésor et ses malédictions si on en enfreint les règles) et la réalité : nous avons une plage, avec du sable et de l’eau !
Et de la drogue. Oui, parce que les personnages de ce film passent leur temps à fumer des choses pas très légales. En cela, Richard, Françoise (Virginie Ledoyen), Etienne (Guillaume Canet) et les autres se présentent comme les cousins lointains des personnages de Trainspotting. Le thème est clair et il traverse les films de Boyle à cette époque-là : fuir la réalité, partir loin de la vie ordinaire, échapper à un train-train quotidien pour partir à l’aventure, avoir le sentiment de vivre réellement, que ce soit en voyageant ou en se droguant.
Mauvais choix
Nos trois personnages arrivent donc sur l’île et se retrouvent dans une communauté qui vit là-bas dans le plus grand secret, à l’écart du monde. Là, le film arrive à un carrefour important. Boyle aurait pu, avec cette communauté, nous livrer une belle réflexion sur la vie en société, la naissance d’une nation, etc. Les possibilités d’études politiques qui lui étaient offertes alors étaient énormes. Mais il a préféré se focaliser sur… « Richard veut se faire Françoise, qui sort déjà avec Etienne ». Et c’est là que le film bascule et qu’il ne se relèvera plus, plombé par une succession de mauvais choix scénaristiques et esthétiques.
Le film commence à sérieusement perdre de son intérêt avec une scène de photographie d’étoiles. Les dialogues montrent alors leur vanité (même si on peut remercier Boyle d’avoir encore du second degré à certains moments), les personnages sont des stéréotypes creux, l’opposition entre les cultures est caricaturée à l’extrême. Ainsi, nous avons un Richard qui, étant Américain, manque forcément de culture (« C’est qui, Molière ? ») alors que les Français sont des insouciants un peu enquiquinants et ne pensent qu’à l’amour. Quant aux Suédois, ils sont forcément d’excellents pécheurs, etc.
Les histoires d’amour et de sexe, les oppositions entre personnages, les mensonges et les secrets, même les coups de théâtre, tout donne une impression de déjà-vu. Boyle ne parvient pas à renouveler le cinéma d’aventures romantique comme il semblait en avoir l’ambition. Pire, il sombre dans les lieux communs, comme cette scène pseudo-romantique d’amour sur la plage.
Quant à la dernière demi-heure du film, elle s’enfonce carrément dans le ridicule le plus complet. Avec un montage qui défie la raison (on a parfois l’impression qu’il n’y a aucun lien entre les différentes scènes), Boyle nous montre un Richard transformé en Rambo survivant dans la jungle thaïlandaise, creusant des pièges et se ceignant le front d’un bandeau en mode « guerrier survivor ». L’esthétique rappelant les jeux vidéo peut encore se justifier par la culture du personnage principal, mais l’ensemble est complètement bancal et d’une laideur rare.
Enfin, la conclusion du film nous délivre, avec une voix off décidément trop envahissante, une leçon de morale digne des pires téléfilms, du style « l’important, c’est ce qui est dans votre tête ».
Une fois de plus, rappelons que le film partait plutôt bien, mais son échec repose sur une série de mauvais choix fort dommageables.
La Plage : fiche technique
Titre original : The Beach
Réalisateur : Danny Boyle.
Scénariste : John Hodge, d’après le roman d’Alex Garland
Interprétation : Leonardo Dicaprio (Richard), Tilda Swinton (Sal), Robert Carlyle (Daffy), Virginie Ledoyen (Françoise), Guillaume Canet (Etienne), Paterson Joseph (Keaty)…
Directeur de la photographie : Darius Khondji
Musique : Angelo Badalamenti
Montage : Masahiro Hirakubo
Producteur : Andrew MacDonald
Société de production : Figment Films
Société de distribution : 20th Century Fox
Date de sortie en France : 16 février 2000.
Budget : 50 millions de dollars
Durée : 1h59.