Sur Mes Lèvres est le troisième film de Jacques Audiard sorti en 2001, film qui raflera les Césars du meilleur scénario et de la meilleure actrice, pour Emmanuelle Devos. Plus que le scénario, c’est d’abord l’aspect formel qui marque : Sur Mes Lèvres cherche à retranscrire à la perfection l’univers sonore d’un malentendant, ce qu’il entend quand il enlève puis quand il remet ses appareils.
Synopsis : Carla a 35 ans : secrétaire chevronnée à la Sedim, une entreprise immobilière, elle mène une vie solitaire du fait d’un problème de surdité. Le patron décide un jour de lui trouver un assistant pour partager sa charge de travail : cet assistant, c’est Paul Angeli, ex-taulard. Très vite, Carla se prend d’affection pour lui.
Un travail remarquable sur la matière sonore
Ce jeu sur le son est à la racine même du film qui débute sur un plan serré. Sur fond de son camouflé, lointain, on voit les mains de l’héroïne prendre les appareils auditifs et les mettre. D’un coup sa perception de l’espace change, la nôtre avec : certaines sonorités sont plus appuyées que d’autres, le bruit de l’eau qui coule, d’une porte qui claque ou encore d’une page qu’on tourne. C’est avec beaucoup de justesse qu’Emmanuelle Devos interprète cette jeune femme renfermée et trop discrète, moquée de ses collègues masculins pour son look de mamie et son physique atypique. Carla a honte de son handicap, elle se lâche les cheveux pour cacher ses appareils et marche tête baissée dans les couloirs de l’entreprise, ses dossiers pressés contre sa poitrine dans l’espoir que personne ne la remarque.
Quand les opposés se rencontrent
Dès le début, les attentes du personnage sont clairement évoquées : bien plus que sa surdité, c’est sa solitude qui est son plus grand handicap. Attablée seule au réfectoire, elle regarde avec envie les couples main dans la main. L’arrivée de son nouvel assistant va changer la donne. Il s’appelle Paul Angeli, a de sérieuses allures de mauvais garçon et pour cause, il vient de sortir de prison. Blouson en cuir et cheveux gras, Angeli n’en est pas moins beau et la jeune femme est immédiatement séduite par ce bad boy sans foi ni loi. Très rapidement s’instaure une relation ambigüe entre les deux personnages qui donne toute sa force au film. La voix fluette et un brin agaçante de Devos contraste avec la virilité débordante du jeune Cassel.
Angeli entraîne Carla dans ses magouilles et compte bien profiter de sa capacité à lire sur les lèvres. Seulement, elle se révèle être aussi manipulatrice que lui : dans cette relation conflictuelle, entre attirance et chantage, Carla se mue en prédatrice.
Un scénario qui manque parfois de cohérence
L’évolution du scénario laisse parfois perplexe : comment Carla a-t-elle pu aussi rapidement passer de secrétaire coincée à femme (presque) fatale ? On aurait aussi préféré que le film ne vire pas au polar, bien qu’Olivier Gourmet soit très convaincant en voyou. L’histoire secondaire sur Masson (Olivier Perrier) est aussi inutile que lourde, son seul lien avec l’intrigue principale étant d’être le contrôleur judiciaire d’Angeli . Pour résumer, la relation Carla/Angeli aurait sans doute suffi à faire de Sur Mes Lèvres un chef-d’œuvre.
La virtuosité du film repose comme souvent sur les performances des acteurs qui parviennent à faire évoluer des personnages au départ assez caricaturaux vers une caractérisation beaucoup plus floue, où se mélangent désirs, ambition, vénalité et amour. Le couple Devos/Cassel s’est bien trouvé.
Sur Mes Lèvres : Teaser
Sur Mes Lèvres : Fiche Technique
Réalisation: Jacques Audiard
Scénario: Jacques Audiard et Tonino Benacquista
Producteurs: Christian Fechner et Hervé Truffaut
Musique: Alexandre Desplat
Photographie: Mathieu Vadepied
Montage: Juliette Welfling
Genre: Drame
Durée: 115′
Distribution: Vincent Cassel, Emmanuelle Devos, Olivier Gourmet, Olivier Perrier et Olivia Bonamy