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Bloody Sunday #1 – Street Trash de Jim Muro

Maxime Thiss Responsable Festival

Amateurs de films déviants, de pellicules qui tâchent, vous qui vous ennuyez quand ça ne gicle pas dans tous les sens, vous avez sonné à la bonne porte. Dans Bloody Sunday, le nouveau rendez-vous du Mag du ciné, nous allons revenir tous les 15 jours sur quelques pépites du cinéma extrême, des oeuvres qui s’en battent de la morale, obscènes jusqu’à la moelle, bref des films sales. Et pour ouvrir le bal, rien de mieux que le seul et unique film de Jim Muro, Street Trash, parangon de la comédie gore des années 80. Préparez votre shot de Viper, ça va dégouliner !

À l’aube des années 80, le jeune Sam Raimi bouscule le cinéma d’horreur avec son chef d’œuvre comico-gore Evil Dead. Cocktail destructeur d’humour complètement absurde et d’explosions d’hémoglobines, le film va inspirer bon nombre de cinéastes au cours de la décennie qui vont lui emboîter le pas, repoussant constamment les limites de la décence. On pense à Frank Henenlotter avec Basket Case, mais surtout au trublion Lloyd Kaufman, qui lance en 1985 la firme Troma avec son cultissime Toxic Avenger, hissant par la même occasion le mauvais goût au rang d’art. Alors âgé seulement de 21 ans et aidé de son professeur de cinéma, Roy Frumkes, le novice Jim Muro se lance dans l’adaptation en long-métrage de son court de fin d’études, Street Trash. Avec pour unique but de faire le film le plus repoussant qui soit, le duo nous offre l’histoire d’un tord-boyaux corrosif qui va se mettre à décimer la population de clochards d’un New York comme on l’a rarement vu au cinéma.

En effet, dans Street Trash, on est très loin de la carte postale New Yorkaise. Jim Muro nous emmène dans la marge, en compagnie d’une bande de SDF ayant élu domicile dans une casse. Les personnages de Jim Muro volent, baisent, pètent, et surtout boivent, voilà pourquoi lorsqu’une étrange eau de vie est mise en circulation, beaucoup se l’arrache. Cette boisson, c’est le Viper, vendue par un commerçant sans scrupule au prix de 1 dollar. La première rencontre  entre un hobo et le Viper sera on ne peut plus marquante et annonce déjà la couleur (voire les couleurs) du long-métrage. Assis sur son chiotte, le pauvre homme s’attend à passer un bon moment en se rafraîchissant le gosier, mais rien ne le préparait à ce qui allait suivre. Et c’est, alors que l’on assiste sous nos yeux ébahis à la liquéfaction pur et simple d’un homme dans un salmigondis de fluides multicolores, que l’on découvre que Muro et Frumkes ne recule devant rien. On est d’un côté retourné par la dégueulasserie ambiante de la scène et de l’autre fasciné par la maîtrise bluffante des effets spéciaux réalisé par Jennifer Aspinall, déjà coupable des saillies crasseuses de Toxic Avenger.

Après cette séquence éclaboussante, on est en droit de se demander comment les deux compères vont faire pour nous surprendre. Ne vous inquiétez pas le meilleur est encore à venir, et Street Trash n’hésitera pas à vous envoyer d’autres faciales bien répugnantes, toujours avec une science du make-up folle (à base d’explosion de bide ou de décapitation à la bonbonne de gaz), et montrant que derrière les plus grosses conneries, il y a toujours un travail exigeant. Mais ce n’est pas que dans ses mises à morts bariolées que Street Trash pisse sur la bienséance. L’humour distillé par Muro et Frumkes est tout aussi tordu, n’hésitant pas à convoquer la nécrophilie, les émanations gastriques et surtout une partie de football américain avec un pénis. Autre grand moment de bravoure de cette farce obscène, la mise à mal de l’un des symboles américains par un chibre sectionné voltigeant entre les sans-abris.

Parce que bon, on a beau s’extasier sur les grossièretés qui suintent de tous les côtés de Street Trash, le film parle quand même d’une Amérique laissée pour compte. En faisant une chronique de ces marginaux, Muro et Frumkes n’hésitent pas à pointer certaines dérives comme les ravages de l’alcool et surtout le trauma du Vietnam encore présent dans les esprits. Ils illustrent cela au travers du chef de la bande, Bronson, trônant sur son mirador au milieu de la casse et armé d’un couteau fait à base d’un fémur récupéré sur un compagnon d’armes. Le cinéaste évoque le conflit au travers de plusieurs flash-backs cauchemardesques rompant avec la potacherie du film.  Des stigmates qui seront ensuite présentes en filigrane à plusieurs instants du film. Au final, Street Trash est un peu une galerie de portraits, l’occasion de mettre en scène des visages que l’on ne voit pas souvent au cinéma. On va se l’avouer, les portraits ne sont pas forcément très reluisants, Muro et Frumkes ne lésinant pas à dépeindre le genre humain de la façon la plus horrible qui soit, des personnages emplis de vice, et ne faisant aucune exception que ce soit les clochards ou les personnes de la haute société, traitant tous le monde sur un pied d’égalité.

Après avoir vu ce film aussi décapant que la liqueur qu’il met en scène, on en vient à regretter le fait que Jim Muro n’ait plus rien réalisé après. Le cinéaste préférant se consacrer au steadicam sur plusieurs productions de grande envergure, notamment chez James Cameron comme Terminator 2 ou Titanic. Il faut dire que Street Trash faisait déjà preuve d’une certaine maîtrise de la caméra. Derrière cette grosse blague se cache en effet un vrai travail de metteur en scène, montrant un film en constant mouvement qui émane de cet usage si particulier du steadicam opéré par Muro. Au final, que cela soit dans sa réalisation ou dans ses aspects techniques, Street Trash fait preuve d’un travail consciencieux, parce que c’est pas parce qu’on filme des pets qu’on doit faire ça par dessus la jambe. Résultat, Street Trash transpire le mauvais goût mais avec une certaine classe. Non, on déconne, c’est de la pure série B qui va vous souiller jusqu’au plus profond de votre âme, et c’est ça qui est génial.

Street Trash – Bande-annonce

Street Trash – Fiche Technique

Réalisation : Jim Muro
Scénario : Roy Frumkes
Interprétation : Mike Lackey, Bill Chepil, Marc Sferrazza, Jane Arakawa, Nicole Potter, Vic Noto
Photographie : David Sperling
Musique : Rick Ulfik
Montage : Dennis Werner
Producteur : Roy Frumkes, Jim Muro, Edward Muro Sr
Effets spéciaux : Jennifer Aspinall
Genre : Horreur
Durée : 97 minutes
Date de sortie française : 24 juin 1987

États-Unis – 1987