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Bloody Sunday #2 – Ebola Syndrome de Herman Yau

Maxime Thiss Responsable Festival

Après avoir ouvert les hostilités avec Street Trash, il est temps de passer à la vitesse supérieure dans le graveleux. Pour cela, direction l’autre bout du monde et cap vers la péninsule de Hong Kong pour découvrir le monde fou, fou, fou de la Category 3. L’occasion pour ce petit voyage de revenir sur l’un de ses plus grands représentants, Herman Yau et son Ebola Syndrome. Au programme : du sexe cru, de la violence très crue et surtout aucune morale. Bienvenue dans la CAT3.

Avant de tailler dans le lard, il est important de faire un petit peu d’histoire et d’expliquer ce qui se cache sous ce terme barbare de CAT3. Alors que la censure hongkongaise a été plutôt laxiste pendant une bonne période et notamment au cours de l’âge d’or de la Shaw Brothers dans les années 70 où la violence faisait quand même partie intégrante du genre, l’émergence de la Nouvelle Vague hongkongaise menée par Tsui Hark, John Woo et autre Ringo Lam va bousculer les choses. Accompagnés d’une libération des moeurs, ces films se font alors plus incisifs, en particulier au niveau politique comme en témoigne le cultissime L’Enfer des armes de Tsui Hark, résolument anarchiste. Face à une montée drastique de la violence, et l’arrivée de plusieurs brûlots politique, la censure se voit obligée de sévir de manière plus tranchée. Résultat : en 1988 est instauré un système de classification qui se sépare en 3 catégories. La première désigne les films tous publics, la deuxième ceux interdits aux enfants, et la troisième, celle qui nous intéresse aujourd’hui, les films interdits aux moins de 18 ans.

On pourrait alors se dire qu’avec une classification pareille, les cinéastes pourraient s’en donner à coeur joie pour enfin passer des messages politiques des plus virulents. Tu parles ! Sous couvert de CAT3, les réalisateurs vont en profiter pour se laisser aller aux déviances les plus extrêmes, et cela notamment en calant à la moindre occasion du cul, le sexe étant un sujet assez tabou à l’époque, et surtout une violence de plus en plus outrancière. L’opportunité pour tous les Hongkongais de se laisser aller à leurs dérives les plus viles, alors que l’ombre de la rétrocession à la Chine se fait de plus en plus proche. Au sein de la CAT3, on retrouve du bon gros cinéma d’exploitation bien gratiné allant de l’actionner musclé avec Full Contact de Ringo Lam à la comédie érotique avec Sex and Zen, en passant du fantastique hallucinogène avec The Eternel Evil of Asia et avec Ebola Syndrome, on touche certainement à ce qui s’est fait de plus dépravé.

Il ne faut d’ailleurs pas attendre très longtemps avant de voir que Ebola Syndrome mérite amplement sa classification en CAT3. En même pas 5 minutes, le grand Anthony Wong (acteur fidèle de Johnnie To et grande figure de la nouvelle vague HK) aura déjà baisé une femme, été pisser dessus, assassiné son mari et patron, découpé la langue de sa conquête et failli mettre le feu à la gamine de cette dernière. Le titre du film n’est même pas encore apparu que Herman Yau a déjà mis le paquet et se torche de manière outrageuse avec la morale, bien décidé à profiter un max de son interdiction au moins de 18 ans. Après ce remue-ménage à Hong Kong, Kai (Anthony Wong) se voit obligé de s’exiler pendant 10 ans en Afrique du Sud où il va travailler dans un restau chinois tout en se faisant maltraité par ses employeurs. Alors que Kai ne pense qu’à se farcir sa patronne, tout en parlant constamment de cul, le voilà obligé en compagnie de son boss d’aller récupérer de la viande de cochon dans une tribu Zulu. Évidemment, Yau ne va se priver pour présenter la tribu comme un ramassis de sauvages, d’autant plus qu’une épidémie virale semble les toucher. Pourtant, Kai ayant le kiki qui le démange, en profite pour violer une femme de la tribu inconsciente qui va lui cracher à la tronche et ainsi lui transmettre le virus Ebola.

On est même pas encore rentrer dans le feu de l’action que le film montre clairement que le politiquement correct, il en a rien à faire. Entre infanticide, viol, racisme, Herman Yau dépasse à chaque fois les limites. Le tout va devenir éminemment jouissif quand Kai va partir dans un véritable rampage. Ebola Syndrome, c’est un film qu’on a un peu honte d’aimer quand on voit le torrent d’atrocités qui  se passe sur la pellicule. Si la volonté d’infanticide et le viol ne suffisaient pas, le film va taper dans le cannibalisme avec le sort peu ragoûtant que va livrer Kai à ses employeurs les transformant en hamburgers qu’il n’a aucun scrupule à servir à ses clients. Tout cela est alors le point de départ d’une épidémie d’Ebola qui va toucher l’Afrique du Sud mais également Hong Kong quand Kai décide de rentrer chez lui après avoir mis la main sur le pactole de ses ex-patrons. En parallèle de ça, la jeune Lily, gamine rescapée du triple homicide ouvrant le film reconnaît Kai et va tout faire pour le mettre sous les verrous. Anthony Wong y trouve ici l’une de ses prestations les plus hallucinantes, faisant de son personnage la plus grosse pourriture que la Terre ait pu enfantée, dont l’un des plus grands faits d’exploit est de se branler dans un morceau de viande avant de le servir. Pas étonnant alors que le personnage de Lily ait envie de gerber dès qu’il passe à côté d’elle.

Ebola Syndrome est définitivement l’archétype du film de CAT3, réunissant à la fois la violence ultra-graphique d’un Story of Ricky, bien que le film ne tombe pas dans une surenchère de gore hormis une séquence d’autopsie anthologique des plus dégueulasses, les sévices les plus douteux d’un Red to Kill ou encore la gratuité sexuelle de la quantité de softporn sortis entre 1988 et 1996. Mais Ebola Syndrome est surtout un défouloir à l’humour noir des plus corrosifs, une libération de pulsions malsaines dans des scènes monstrueuses qui vont vous faire demander comment on a pu pondre pareilles choses. On est à la fois choqué et amusé par cette image de Anthony Wong acculé par les forces de l’ordre qui se met à leur cracher dessus pour leur transmettre le virus Ebola. Le film, derrière tout son déballage d’immondices, devient complètement grotesque et nous fait relativiser. Plutôt que de dépeindre la puanteur du genre humain avec un mépris auteurisant, Ebola Syndrome aborde le tout comme une grosse farce au mauvais goût exquis. Tout cela est manié avec un tel second degré que, même s’il ne nous empêche pas de penser que Herman Yau est un psychopathe de première, le plaisir s’avère immense (à condition d’être préparé psychologiquement). Il reste quand même conseillé d’aller prendre une bonne douche après pour être sûr de s’être débarrassé de toutes les impuretés qui émanent d’Ebola Syndrome.

Ebola Syndrome – Bande Annonce

Ebola Syndrome – Fiche Technique

Réalisation : Herman Yau
Scénario : Chau Ting
Interprétation : Anthony Wong, Marianne Chan, Lo Meng, Miu-Ying Chan, Wan Yeung-ming
Photographie : Yu Kwok Bing
Musique : Brother Hung
Montage : Choi Hung
Producteur : Wong Jing, Li Siu Kay
Genre : Horreur
Durée : 98 minutes
Date de sortie : 15 juin 1996

Hong-Kong – 1996