Qui mieux qu’Eric Rohmer pour accompagner nos étés ? Le Mag du ciné nous emmène en vacances durant ce cycle du mois d’août et plonge aujourd’hui dans l’été 1983 de Pauline à la plage.
L’été, les vacances, les rencontres, le sable chaud, les corps dénudés, la mer, le soleil et tant d’autres choses qui font écho en chacun d’entre nous à des souvenirs indélébiles, ceux de nos premiers étés. Nos premiers étés adolescents souvent car les vacances et cet âge complexe se marient très bien. Période empreinte de réflexion, d’introspection et de découverte de soi, l’adolescence trouve durant les vacances sa douce période de remise en cause, d’apprentissage, de premiers pas. Des premières fois, des regards charmeurs, des corps désirés, des rencontres inopinées, et cela suffit à marquer une vie à jamais. Il suffirait alors de murmurer « Été 1983 » pour avoir des frissons à nouveau de ces fraîches soirées d’été où les corps se réchauffaient, se désiraient. Et les langues se déliaient comme dans un film de Rohmer où les dialogues sont aussi intelligents qu’innocents.
Pauline à la plage incarne tout cela dans sa pudeur, sa retenue, et en même temps son exposition des corps et du désir; reste la pureté fragile de Pauline. Pureté pourtant parfois pleine d’assurance dans son opposition marquante à l’hypocrisie adulte; demeure l’innocence d’une adolescente réfléchie et sensée. L’été de Pauline est alors plus marqué par ces paroles qui ne quittent jamais l’écran, ces mots balancés à droite à gauche qui illustrent ce troisième film des « Comédies et Proverbes » de Rohmer basé sur une simple phrase: « Qui trop parloit, il se mesfait ». On regarde donc les adultes faire leurs études du couple, du sentiment amoureux et on observe avec un plaisir certain, Pauline, du haut de ses 15 ans, qui ne connaît probablement rien à tout ça, les contredire avec une finesse grandiose. À la manière de la chanson de Pomme remplie de douceur et d’intelligence, le personnage de Pauline est fascinant de maturité dans son approche pourtant si tendre de toute la situation, des quiproquos, des relations amoureuses qui bercent ses vacances avec sa cousine Marion. La force du cinéma de Rohmer c’est sa capacité à gérer les espaces et les dialogues en prenant chacune des hésitations et des virages de l’amour. Ici, les femmes maîtrisent ces revirements avec une sensualité parfois inconsciente mais fascinante, elles rendront fou chaque amant, chaque amour avorté dans un désir perpetuellement maintenu et entretenu, et une attente folle : celle d’un premier baiser ou de baisers retrouvés.
Partir en vacances avec Rohmer c’est contempler les corps se parler sans toujours se désirer, c’est regarder les bouches ne rien se dire ou ne pas se comprendre, c’est admirer chaque personne, peu importe son âge, sa perversité, son intelligence, et s’en retrouver toujours fasciné car Rohmer connaît l’être humain et sait le filmer. Partir en vacances avec Rohmer, c’est comme une balade d’été, au bord de la plage, les pieds dans l’eau, rafraîchissant, inspirant avec le soleil dans le dos pour se rappeler la chaleur incandescente d’un mois d’août.
Dix ans après, viendra l’été que Kéchiche nous racontera dans son Mektoub my love : canto uno, et lier ces films semblera alors évident dans leur approche du désir et de la chaleur estivale pour offrir en deux oeuvres comme une continuité de ces films de vacances qui remplissent notre regard de soleil.