Portraits de serial-killeuses : de Kill Bill à Killing Eve

dossier-les-serials-killeuses

La vie des sérials killer a été une source prolifique d’adaptations sur le petit et le grand écran. De M for Murder à American Psycho, en passant par des séries comme Hannibal et Dexter, toujours sont mis en scène des hommes. Mais qu’en est-il des femmes tueuses en série à l’écran ? Quels sont les figures les plus connues ainsi que les moins connues ? Et comment sont-elles représentées ? Les réponses sont ici et ça va être sanglant.

Attention, les femmes tueuses sont légion et crèvent l’écran. Mais sont elles toutes considérées comme des serial killeuses ? Les Diaboliques d’Henri Georges Clouzot présente nos deux légendes, Christine (Noël Roquevert) et Nicole (Simone Signoret), dans l’un des plus célèbres thriller sur des femmes meurtrières. Des films d’horreur comme Misery, Carrie ou Esther, mettent en avant la folie et la monstruosité de certaines femmes à l’image d’Annie Wilke (Kathy Bates). Puis, d’autres figures, comme Amy Dunne (Rosamud Pyke) dans Gone Girl, ou Catherine Tramell (Sharon Stone), sont plus connues pour leur charme manipulateur qui les rend encore plus perverses…

Pourtant ce palmarès de meurtrières n’a rien de comparable à celui des confrères masculins. Tout simplement, car elles ne font pas autant de victimes et ne sont pas considérées comme des mass murderer. Dans les fictions, les femmes sont généralement présentées comme des tueuses émotionnelles, dont seule la vengeance peut justifier un acte aussi monstrueux et répétitif.

La plus célèbre héroïne est bien sur Beatrix (Uma Thurman) dans Kill Bill (volume 1 & 2), pour laquelle Quentin Tarantino se serait fortement inspiré du personnage de La Mariée était en noir de François Truffaut. Les deux femmes sont témoins sans défense du meurtre de leur mari, le jour de leur mariage. Chacune, par colère et tristesse, décide de se venger en éliminant, un à un, les principaux responsables du meurtre. La justification de leur douleur rend leur geste plus compréhensible et justifiable aux yeux des spectateurs. Elles sont alors des tueuses de sang-froid, calculatrices mais pas forcément sadiques.Les tueuses en série sont-elles toujours des victimes ?

Dans de nombreuses fictions, les tueuses sont en effet avant tout des victimes et principalement de viols. Cela donne même lieu à un sous-genre nommé Rape and revenge movie. C’est-à-dire, un film dont la storyline est focalisée sur la vengeance du personnage principal – masculin ou féminin – d’un viol subit. L’une de ces célèbres héroïnes du genre est Lisbeth Salander (Noomi Rapace) dans la trilogie Millenium. A ces côtés, on retrouve Geum-ja Lee (Lee Young-ae) dans Lady Vengeance, Hayley (Ellen Page) dans Hard Candy, Zoë Lund dans L’ange de la vengeance ou même Nadine dans Baise moi, de Virginie Despentes. Ces femmes passent alors de victimes à tueuses mais ne cessent pas forcément leur acte après que justice est faite. Le sang appelle le sang, et ces tueuses d’un soir se découvrent parfois une nouvelle passion.

Le film Monster de Patty Jenkins (réalisatrice du dernier Wonder Woman) relate l’histoire vraie d’Aileen Carol Wuornos, une tueuse en série américaine, surnommée « La Demoiselle de la Mort ». Dans le rôle principal Charlize Theron, méconnaissable, en SDF lesbienne butch prête à tout pour protéger celle dont elle vient de tomber amoureuse. Un film très cru et réaliste qui dépeint la spirale infernale d’une femme qui a goûté au sang et ne sait plus s’arrêter. A croire qu’il faut attendre qu’une femme réalise le film pour traiter des serial killeuses sans qu’elles ne soient enfermées dans un rôle de victime ou de sorcière.

Mais qu’en est-il des femmes à l’image d’Hannibal ou Norman Bates. Des figures de tueuses en série psychopathes, qui ne seraient pas motivées par une revanche salvatrice ?

Sans minimiser les derniers cas de tueuses cités, les femmes dans les fictions sont rarement dépeintes comme profondément psychopathes. A croire, que les femmes ne peuvent pas être intrinsèquement mauvaises ou psychologiquement perturbées. Pourtant, si l’on se penche vers des fictions ou les femmes usent d’une violence moins physique pour tuer, on se rend compte qu’elles sont tout aussi machiavéliques qu’un Hannibal Lecter.

Les femmes ne poignardent pas, elles empoisonnent.Serait-ce la méchante belle mère de Blanche-Neige qui aurait lancé le mouvement de la pomme empoisonnée ? En tout cas il n’est pas rare de voir mis en scène des cas de tueuses en série qui usent du poison comme arme. D’après l’histoire vraie d’Hélène Jegado (Deborah François), le film Fleur de Tonnerre raconte l’histoire de cette jeune bretonne qui s’imagine être l’ange de la mort et empoisonne quiconque lui fait du tort. A la fin de sa vie, son palmarès s’élève à plus de 60 victimes.

Dans la même veine, on retrouve les jeunes filles du pensionnat dans Les Proies, qui torturent, séquestrent et empoisonnent un charmant soldat par plaisir pervers. La première version avec Clint Eastwood date de 1971 puis fait l’objet d’un remake de Sofia Coppola en 2017, avec une vision plus tournée vers le point de vue des femmes. Enfin, le personnage dérangeant d’Alma (Vicky Krieps), amante et muse du célèbre couturier Reynold Woodcock (Daniel Day Lewis) dans Phantom Thread, s’amusera à l’empoisonner par amour obsessionnel et psychotique.

Killing Eve : La nouvelle figure d’une tueuse en série

Du coté des séries, force est de constater qu’elles ne sont pas aussi nombreuses qu’au cinéma. Cependant, leur rôle est d’autant plus mis en avant et rarement dépeint dans l’optique d’être sympathique.

Récemment, la tueuse en série la plus intéressante reste Villanelle dans la série Killing Eve, adaptée du roman Codename Villanelle de Luke Jennings. Cette série britannique lancée en 2017 par Phoebe Waller Bridge – créatrice aussi de la série comique Fleabag – , parvient à modifier les aprioris sur les femmes tueuses.

Le sujet classique de l’obsession d’un tueur pour le ou la flic qui le recherche est mis à jour d’un point de vue essentiellement féminin. Nadia Villanelle (Jodie Comer), d’origine russe, est une meurtrière psychopathe profondément immature. Eve Polastri (Sandra Oh), l’agent du MI6 en charge de la traquer, se trouve obsédée d’admiration par l’intelligence et les compétences de sa rivale. Un jeu du chat et de la souris qui perdure avec l’arrivée de la saison 2 en avril 2018.

La série se joue des codes à la fois du thriller et de la série d’espionnage, avec un certain comique de situation corrosif. Par exemple, Nadia provoque et s’amuse à chaque nouveau meurtre commis. La série est drôle aussi dans la manière de dépeindre son quotidien tout à fait banal derrière le macabre de ses actes.

C’est également une série appréciable pour son coté progressiste ou les stéréotypes de genres sont inversés. Lors de la première saison, le collègue masculin doit s’occuper de son nourrisson au travail. En parallèle, l’histoire met en première ligne un combat sanglant entre ces deux femmes. Les personnages masculins sont alors mis plus en retrait mais sans être inintéressants ou tournés en ridicule pour autant. Dans Killing Eve, pas d’histoire de vengeance, de femme possédée ou rendue cruelle mais simplement d’une génie du crime. Nadia tue car elle en est capable et surtout qu’elle est bonne dans ce qu’elle fait. C’est aussi ce qui fascine Eve et accroit son obsession pour elle. Une série donc qui dépoussière le genre du thriller au féminin et crée un nouveau portrait de femme tueuse en série.