Avec son pull rayé, son chapeau, son visage brûlé et son gant mortel, Freddy Krueger est un des personnages immédiatement reconnaissables dans le domaine du cinéma d’horreur. Dans le cadre de notre cycle sur le rêve au cinéma, un passage à travers les griffes du cauchemar d’Elm Street est incontournable.
Le cinéma d’horreur états-unien des années 70 et 80 a su créer des personnages de croquemitaines (Boogeyman en anglo-américain) qui ont fasciné les spectateurs. Parmi ces tueurs en série (“tueurs en saga”, pourrait-on même dire), il faut compter sur des célébrités comme Michael Myers, Jason Voorhees ou Leatherface.
Freddy Krueger tient une place à part dans cet univers.
D’abord, Freddy a son “costume”, immédiatement reconnaissable, un pull rayé rouge et vert et, à la main droite, un gant qu’il a recouverte de plaques de métal et dont quatre doigts sont prolongés par des lames. Son visage porte les stigmates d’une brûlure.
En effet, Freddy Krueger est mort lors d’un incendie. Un incendie provoqué par les habitants de la ville de Springwood, ville où Freddy avait sévi en assassinant des enfants avec son fameux gant.
Freddy est mort, vive Freddy !, pourrait-on dire. En effet, la mort ignominieuse du tueur en série ne met pas fin à ses activités criminelles. Les “démons du rêve” lui ont donné le pouvoir d’apparaître dans les cauchemars et, ainsi, de torturer et tuer des adolescents.
Freddy intervient donc dans les rêves. Sur le plan cinématographique, cette proposition offre deux possibilités majeures qui seront exploitées le long des films.
Tout d’abord, la peur de s’endormir. A partir du moment où les victimes potentielles comprennent qu’elles ont à faire à un tueur onirique, leur réaction consiste à… ne plus vouloir dormir. Ce procédé sera un des ressorts du suspense au fil des épisodes, ce qui souvent sera un sujet d’opposition entre les protagonistes adolescents et leurs parents, qui ne comprennent pas (ne peuvent pas comprendre ?) cette peur qu’ils estiment irrationnelle. Du coup, tous les moyens sont employés pour ne pas dormir : surconsommation de café et de pilules diverses et variées, diffusion de musique forte, appels téléphoniques entre victimes potentielles, etc.
Cet élément est d’autant plus efficace que le spectateur en connaît parfaitement l’inutilité. Cette lutte contre le sommeil ne fait que retarder l’inévitable. C’est une situation génératrice de suspense, dans le sens que le suspense consiste à retarder (à suspendre) l’aboutissement nécessaire d’un événement.
L’arrivée du sommeil est d’autant plus inévitable que Freddy n’attaque pas seulement de nuit. Si, par hasard, vous parvenez à passer une nuit blanche, alors vous risquez d’autant plus de vous endormir en cours de journée, dans votre salle de classe.
Cette lutte contre le sommeil est aussi un signe discriminant entre les victimes potentielles et les autres (adultes ou autres adolescents qui échappent à l’influence de Freddy). Seules les cibles du tueur onirique peuvent envisager le danger qu’ils affrontent. Eux seuls peuvent comprendre que le sommeil, normalement indispensable, guérisseur, réparateur, est transformé en une activité terrifiante qui confronte son protagoniste aux pires horreurs.
L’autre possibilité offerte par cette exploitation des rêves à des fins sadiques et meurtrières, c’est bien entendu la possibilité que cela offre aux cinéastes de donner libre-cours à leur créativité. Bien avant Inception, la saga Freddy montre que dans le rêve, tout devient possible. Du coup, les séances de rêves sont les centres névralgiques des films, attendues avec impatience par les spectateurs.
A ce petit jeu, c’est incontestablement le troisième film de la saga qui remporte le pompon. Une victime transformée en une marionnette macabre, une autre aspirée par un poste de télévision, une troisième mangée par un Freddy changé en ver géant… Les scènes fortes se succèdent (même si les autres opus ne sont pas toujours en reste : on peut songer à la jeune femme qui se change progressivement en insecte dans l’épisode quatre).
De plus, les cinéastes s’amusent parfois à effacer la frontière entre rêve et réalité. Du coup, le doute envahit le film, chaque scène posant la question de sa réalité. Et, une fois le rêve clairement identifié, le plaisir est dans l’attente pour savoir quel danger menace la victime et sous quelle forme va apparaître Freddy.
En conclusion, la création d’un “tueur onirique” constitue une formidable proposition de cinéma, ouvrant la porte à de nombreuses possibilités.
Liste des films :
avec Robert Englund :
_ Les Griffes de la nuit, Wes Craven, 1984
_ La Revanche de Freddy, Jack Sholder, 1985
_ Les Griffes du cauchemar, Chuck Russell, 1987
_ Le Cauchemar de Freddy, Renny Harlin, 1988
_ L’Enfant du cauchemar, Stephen Hopkins, 1989
_ La Fin de Freddy – L’ultime cauchemar, Rachel Talalay, 1991
_ Freddy sort de la nuit, Wes Craven, 1994
Crossover avec Vendredi 13 :
_ Freddy contre Jason, Ronny Yu, 2003
Série :
_ Freddy, le cauchemar de vos nuits, 44 épisodes en deux saisons, 1988
avec Jackie Earle Haley :
_ Freddy, les griffes de la nuit, Samuel Bayer, 2010
A voir aussi le documentaire de Daniel Farrands et Andrew Kasch, Never sleep again : The Elm Street legacy (2010).