Le cinéma populaire est-il sexiste ? La question se pose face au traitement que subissent ces dames une fois sur grand écran. Avec des succès comme Wonder Woman ou Hunger Games, la situation des femmes au cinéma semble évoluer…
Depuis le succès du blockbuster Wonder Woman, le débat sur les rôles forts féminins a été relancé dans l’industrie cinématographique. Débat essentiel quand on sait que, par exemple, seulement 30% des dialogues sont accordés aux femmes, selon une étude de Polygraph basée sur 8000 scénarios de film. Sur seulement 22% des films, les actrices ont autant de dialogues que les hommes. Et seulement 18% des films ont au moins deux femmes parmi les trois personnages principaux. Si certaines inégalités de dialogue se justifient par le contexte historique ou culturel du film, la tendance ne peut être niée. Dans le cinéma populaire où les hommes sont au premier plan, les femmes sont souvent relayées en tant que simples intérêts amoureux des personnages. Faisons un tour du côté de l’univers cinématographique Marvel. Doctor Strange, Ant-man, Spiderman : Homecoming : les rares rôles de femmes ne servent qu’à tomber amoureux du héros ou à l’assister. D’ailleurs, après 17 films, Marvel n’a toujours pas accordé une aventure à un héros féminin. Le studio va corriger le tir en 2018 avec le film Captain Marvel où Brie Larson tiendra le rôle titre. Mais alors comment expliquer cette réticence des producteurs à donner du pouvoir aux femmes au cinéma ?
Les héroïnes et le box-office
Avant tout, l’argument est financier. Du côté des super-héroïnes, des essais très peu concluants ont été effectués avec Elektra (2005) et Catwoman (2004). Les deux films ont été de grands échecs critiques et commerciaux. De quoi décourager les super-productions américaines. En plus d’être un mauvais film, Catwoman représentait son héroïne quasiment dénudée où elle devait faire face à une méchante de l’industrie cosmétique… Il faudra alors attendre 2017 avec Wonder Woman, pour qu’un nouveau film soit accordé à une super-héroïne. La production DC / Warner, ayant été un succès incroyable au box-office, va encourager les producteurs frileux à l’idée de mettre des femmes fortes en premier rôle. De plus, depuis quelques années, on assiste à une émergence de personnages féminins forts en premier plan. Katniss Everdeen de la saga Hunger Games est une icône rebelle et intrépide, dont on ne rappelle jamais son statut de femme. Avant d’être une femme forte, elle est un personnage fort. A l’image de Rey dans la nouvelle trilogie Star Wars. Courageuse et téméraire, elle n’a pas besoin de son compère masculin Finn pour s’en sortir. Et surtout, elle n’a pas besoin d’avoir une relation amoureuse avec qui que ce soit pour justifier sa présence dans le long-métrage. Des figures comme l’impitoyable Furiosa dans Mad Max : Fury Road, Hit-girl dans Kick-ass, Harley Quinn dans Suicide Squad, l’androïde de Ghost in the shell donnent l’impression que le cinéma populaire est enfin prêt à accorder aux personnes féminins des films à grands budgets.
Déesse et misogynie
Vient alors le cas Wonder Woman. Cité précédemment, le film a été considéré comme une révolution féministe au sein du 7ème art. Un film gros budget avec une femme en personnage principal doublée d’une réalisatrice femme. Il est vrai que la situation est plutôt rare quand on sait qu’il y a seulement 7% de femmes réalisatrices à Hollywood et 20 % en France. Dans le long-métrage, Wonder Woman est un personnage divin, doux et puissant. Incarnée par l’actrice israélienne Gal Gadot, la déesse amazone est une femme chaleureuse mais impitoyable. Candide mais invincible. Elle ne tombe dans aucun cliché. Et dans ce film, les hommes et les femmes sont égaux. Le personnage a en effet un intérêt amoureux, incarné par un homme (Chris Pine). Mais il est brave et aide Wonder Woman dans son aventure. Leurs conversations ne tournent pas autour de querelles sentimentales, mais de leurs visions opposées de la justice. Bien qu’en situation d’infériorité, l’héroïne étant une déesse, son personnage n’est jamais représenté comme plus faible qu’elle. Voilà qui souffle un vent d’air frais dans le cinéma. Les princesses Disney s’émancipent aussi. Loin est le temps où elles attendaient leur prince charmant. Elsa de La Reine des neiges, Vaiana, Rebelle : les dernières héroïnes de Disney sont des guerrières qui n’ont besoin de personne. De beaux exemples pour les petites filles et petits garçons.
Le public a aussi une part de responsabilité dans la représentation des femmes au cinéma. Quand un reboot de Ghostbusters a été annoncé avec une équipe entièrement féminine, un flot de misogynie a envahi Internet. Sur les réseaux sociaux, les actrices du film ont du faire face à une vague d’insultes alors que rien n’avait été encore dévoilé sur l’intrigue du film. Visées seulement car femmes donc. Pourtant, le cinéma ne manque pas d’exemples de belles représentations de femmes dans des films à succès. De Brigitte Bardot à Jeanne Moreau, le cinéma français est parsemé de femmes libres, opposées au carcan masculin. Avec des films comme Tout sur ma mère, Almodóvar a toujours mis en avant ses rôles féminins, de Penelope Cruz à Rossy de Palma. En 1993 La Leçon de Piano de Jane Campion, sublime portrait d’une femme meurtrie et muette, a été la première Palme d’Or accordée à une femme. De l’intrépide Sigourney Weaver dans Alien à la sanglante Uma Thurman dans Kill Bill, la culture populaire aussi possède ses personnages féminins en rôle titre. Si le cliché de la blonde qui court avant de se faire égorger circule dans les films d’horreur, c’est dans ce genre cinématographique qu’on retrouve la figure de la survivante. Prenez Scream, Vendredi 13, Halloween. Dans chacune de ces sagas d’horreur à succès, c’est la femme qui survit et se défait du monstre. La série Buffy contre les vampires jouait sur ce cliché en imposant une tueuse impitoyable, prête à survivre à toutes les menaces paranormales.
Le test de Bechdel
Dans l’idée, on pourrait donc penser que tout est joué et qu’il va juste suffire d’attendre pour voir une multitude d’œuvres portées par des femmes. Le test de Bechdel ramène à une triste réalité. Il a pour but d’évaluer le taux de présence du genre masculin. En aucun cas, cela permet de déterminer la taux de sexisme d’un film. Mais il s’agit d’un indicateur intéressant sur l’absence des femmes au cinéma. Pour réussir le test, un film doit répondre à trois affirmations simples. Est-ce qu’il y a deux femmes nommées dans le film ? Est-ce qu’elles discutent ? Et est-ce qu’elles discutent d’autre chose qu’un homme ? En janvier 2015 selon le site collaboratif bechdeltest, 40 % des films échouent au test, sur une base de 4000 films sortis depuis 1995. La prochaine fois que vous regardez un film, posez vous la question. La La Land ? Le film réussit le test. Rogue One ? Le film échoue bien qu’ayant un personne féminin dans le rôle titre. La trilogie originale Star Wars ? Elle échoue. Transformers ? Il réussit. Malgré le constat, les clichés persistent. Gilles Lellouche déclarait que dans les comédies françaises » les femmes sont soit des potiches soit des castratrices « . Le cinéma populaire français n’offre pas toujours de très beaux rôles à ses actrices. Il suffit de voir les récents Raid Dingue ou Alibi.com pour s’en rendre compte.
La mauvaise représentation des femmes au cinéma vient avant tout d’une paresse d’écriture renforcée par un retard des mentalités. Imposer une femme docile et interchangeable comme copine du héros relève de la facilité scénaristique, du cliché. Mais, le cliché du « le héros tue le méchant à la fin » est bien moins dangereux que représenter la femme comme un simple faire-valoir. Mais pourquoi vouloir représenter des femmes fortes et indépendantes sur grand écran ? Tout bêtement car elles le sont dans la vraie vie. Le cinéma, de la science-fiction à la comédie amoureuse, se doit être d’être le reflet de la société moderne. Il devient alors inacceptable que des grandes productions véhiculent encore des clichés sexistes quand il est si facile de faire autrement. Le cinéma est un vecteur culturel de valeurs, qui a une part de responsabilités dans les mentalités collectives autour du rôle de la femme. Et si les inégalités homme-femme sont présentes dans la société, le 7ème art peut les raconter et les dénoncer mais non les renforcer.