The Giver, un film de Phillip Noyce – Critique

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La dystopie, ou contre-utopie, est un genre actuellement très à la mode auprès du public adolescent. Cette forme de société caractérisée par un État tout-puissant et des libertés individuelles restreintes, a probablement acquis ses lettres de noblesse grâce à George Orwell et son 1984 ou Aldous Huxley et Le Meilleur des Mondes. Au cinéma, Hunger Games a servi de précurseur, démontrant que les jeunes adultes pouvaient être sensibles à ce genre d’univers futuriste, et ouvrant la voie à plusieurs œuvres du même type. The Giver est un cas un peu particulier, le roman dont il s’inspire datant de plus de vingt ans.

Synopsis : Dans un futur lointain, les émotions ont été éradiquées en supprimant toute trace d’histoire. Seul « The Giver » a la lourde tâche de se souvenir du passé, en cas de nécessité. On demande alors au jeune Jonas de devenir le prochain « Giver »…

Un jeune homme pas comme les autres…

Sa construction est un modèle du genre. Un monde détruit par un événement dont on ne sait rien (comme c’est pratique), une société reconstruite pour correspondre aux idéaux d’une poignée de survivants, et une uniformité imposée pour éviter les risques de conflits. Et, bien entendu, au milieu de ce monde sans relief, notre jeune héros, Jonas, un adolescent qui déclare se sentir différent. D’une folle originalité, on l’aura compris. Ajoutez à cela le meilleur ami rigolo mais un peu lourdeaud, et la bonne copine qui commence à devenir de plus en plus intéressante au fur et à mesure que s’éveillent les hormones ; une famille aimante mais qui ne semble pas comprendre les changements chez leur fils ; une cérémonie de choix qui va influencer sa vie pour les années à venir… Vous obtenez le début de tout bon roman pour un adolescent qui se respecte.

On l’aura compris, The Giver ne brille pas par son originalité. Ce qui le démarque des Hunger Games, Harry Potter et autres Divergente, c’est l’absence d’adversaire clair. Pas d’antagonistes réels, rien qui permette à Jonas de faire ses preuves, aucune épreuve tangible et concrète. Hormis une figure maternelle censée gouverner le monde, mais qui se fait rare, personne ne viendra remettre en question la quête de vérité de notre héros. Résultat, on assiste à une bonne heure d’entraînement sans véritable but, suivi d’un dernier tiers ou les choses s’accélèrent, mais là aussi sans enjeux clairement définis. Ou plutôt, tellement nébuleux, qu’il devient difficile de se projeter, de ressentir toute la charge qui pèse sur ses épaules.

Un univers en noir et blanc

En fait, ce qui fait défaut à The Giver, c’est un univers bien défini. Ici, on ne connaît pas vraiment l’organisation de ce monde, la géographie manque de clarté, de même que l’histoire. Résultat, des incohérences apparaissent très vite dans le comportement des personnages secondaires, qui semblent parfois agir contre la nature qui devrait être la leur. Ce manque singulier de personnalité d’un monde trop froid, trop aseptisé, fait que le spectateur se désintéresse rapidement de l’histoire, puisqu’il ne parvient pas à saisir l’importance de ce qui se joue sous ses yeux. Et se pose la question qui sonne le glas de la crédibilité du film : pourquoi Jonas ? Pourquoi maintenant, et pas avant ? Qu’est-ce qui fait que, jusqu’à son arrivée, personne n’avait tenté d’entreprendre ce qu’il réalise ici ?

Ce manque de cohérence provient probablement du roman, car le film fait ce qu’il peut pour donner corps à cette nouvelle dystopie. La direction artistique est plutôt réussie, le choix du noir et blanc est osé mais s’impose, et les décors, s’ils ne brillent pas par leur originalité, renvoient parfaitement à ce manque d’identité qui caractérise cet univers. Si la mise en scène est parfois un peu maladroite, elle essaie au moins de donner du punch à un scénario qui en manque cruellement. Et tombe, il faut bien le reconnaître, souvent à côté de la cible. Le premier tiers reste intéressant, offrant quelques promesse que la suite, malheureusement, ne tiendra pas. The Giver, comme d’autres avant lui, restera donc au catalogue des bonnes idées pas forcément très bien exploitées.

The Giver – Fiche Technique

USA – 2014
Science-fiction
Réalisateur : Phillip Noyce
Scénariste : Michael Mitnick, Robert B Weide, d’après l’oeuvre de Lois Lowry
Distribution : Brenton Thwaltes (Jonas), Jeff Bridges (Le Passeur), Meryl Streep (La Doyenne), Odeya Rush (Fiona), Cameron Monaghan (Asher), Alexander Skarsgard (le père), Katie Holmes (la mère)
Producteur : Nikki Silver, Jeff Bridges, Neil Koenigsberg
Directeur de la photographie : Ross Emery
Compositeur : Marco Beltrami
Monteur : Barry Alexander Brown
Production : As Is Production, Tonik Production, Walden Media, The Weinstein Company
Distributeur : StudioCanal

Auteur de l’article Mikael Yung