The Beast est un film noir dont seules les premières minutes contiennent de l’innocence et un peu de gaieté : deux enfants jouent aux cow-boys et aux indiens le long d’une voie ferrée. Deux frères, riants, complices, au bord d’un drame qui va survivre longtemps et terriblement à l’événement : Bjorn, le plus jeune des deux enfants est enlevé presque sous les yeux de Nick son aîné, sans jamais plus réapparaître. Le jeune Nick a reconnu le coupable, un voisin, mais celui-ci n’a jamais pu être confondu.
Synopsis: Flic brillant, Nick Cafmeyer est hanté par un lourd secret : la disparition jamais élucidée de son jeune frère. Un jour sa supérieure décide de lui confier une affaire similaire. Nick se plonge alors corps et âme dans l’enquête. S’ensuit une véritable chasse à l’homme. Pour que justice soit faite, Nick est prêt à tout…
Interdit aux moins de 16 ans
Noir comme le souvenir
Après cette scène d’ouverture, la noirceur sera la couleur principale du film. Le réalisateur flamand Hans Herbots ne s’embarrasse pas de fioritures, et entre assez abruptement dans le vif du sujet. Nick Cafmeyer, devenu policier, est appelé sur les lieux d’un crime sordide, rappelant son drame personnel. Sous la pluie d’une banlieue grise d’Anvers, dans la pénombre des crépuscules, dans un labo de développement de photos ou dans un tunnel, l’action se déroule dans des endroits sombres qui ne sont pas sans rappeler le glauque de films comme Se7en de David Fincher. Avec ses formules mystérieuses et quasi-incantatoires inscrites au sang sur les murs des victimes, The Beast peut être également rangé du côté de l’excellente première saison de la série True Detective, celle réalisée par le talentueux américain Cary Fukunaga (Sin nombre, Jane Eyre). Seuls les flash-backs portant sur l’enlèvement du petit Bjorn sont éclairés d’une lumière chaude et estivale.
Comme dans sa précédente réalisation, le film de Hans Herbots repose sur l’adaptation d’un roman, cette fois-ci de la britannique Mo Hayder, écrivaine de « romans explicites » (Graphic novels) comme on dit pudiquement de nos jours, pour ne pas évoquer la violence marquée qui caractérise son œuvre. Le scénario de Carl Joos est haletant, ne laissant aucun répit au spectateur, allant de découverte en fausse piste, multipliant les coupables potentiels dans une facture de thriller des plus balisés. Ce qui distingue The Beast est à mettre réellement sur le compte de la réalisation et d’une ambiance moite très anxiogène. Mais surtout, ce thriller doit le trouble intense qu’il provoque chez le spectateur par l’implication de beaucoup de personnages enfantins dans des situations traumatisantes, et ce n’est trahir aucun secret du film d’évoquer la pédophilie qui est au centre du scénario. Le producteur Peter Bouckaert a vite compris l’intérêt de la transposition d’un tel livre au pays de Marc Dutroux, lui donnant une résonance toute particulière, et ce n’est pas la fin du film qui dira le contraire…
Hans Herbots est aguerri à ce qu’on appelle le Noir scandinave, porté par la figure de proue qu’est Millenium, puisqu’il réalise lui-même des séries similaires au Danemark ou en Suède. Comme dans ce milieu (livres, films, séries), l’horreur surgit très brutalement dans un quotidien calme et paisible, et c’est ce qui imprime le caractère angoissant voire terrifiant au film, chacun pouvant s’identifier facilement aux victimes. Mais à aucun moment, le cinéaste ne verse dans le voyeurisme ni dans la provocation ; il y a énormément de respect et même de la tendresse dans toutes ces scènes où des enfants sont les protagonistes. On a pu parler de Prisoners du canadien Denis Villeneuve comme référence récente pour the Beast, on peut aussi trouver quelques similitudes avec Sicario du même Denis Villeneuve dans certaines scènes du début. Mais le traitement du réalisateur belge est définitivement non-américain, plus intimiste bien que pragmatique, davantage tourné vers une violence psychologique.
The Beast , un titre « français » une fois de plus incompréhensible, puisqu’à la fois le livre et le film portent le titre de The Treatment (De Behandeling en flamand), un titre plus subtil et plus en rapport avec le propos, the Beast est un excellent thriller, presque austère mais efficace, porté par un casting très réaliste et des têtes d’affiche peu connues des spectateurs en dehors de la Belgique (Geert van Rampelberg, Ina Gheerts, …), ce qui est toujours un plus pour une meilleure disparition de soi au profit des personnages que l’on incarne (et ce qui est aux antipodes du star-system américain). La noirceur du propos n’est jamais poisseuse, et le fait que les situations criminelles du film sont intimement proches de la vie personnelle du protagoniste, l’enquêteur Nick Cafmeyer, achève de donner une dimension humaine forte et émouvante à un film qui aurait pu n’être qu’un classique whodunnit de plus. C’est une très belle surprise de fin d’année qui vient compléter d’autres excellents films flamands comme Any way the wind blows de Tom Barman (leader charismatique des groupes dEus et Magnus) en 2004, la Merditude des choses et Alabama Monroe de Felix van Groenigen respectivement en 2009 et en 2012, ou encore Bullhead de Mickael Roskam en 2011. De vraies pépites d’autant plus précieuses que rares !
The Beast – Bande annonce
The Beast – Fiche technique
Titre original : De Behandeling (The treatment)
Date de sortie : 30 Décembre 2015
Réalisateur : Hans Herbots
Nationalité : Belgique
Genre : Thriller
Année : 2014
Durée : 131 min.
Scénario : Mo Hayder (roman), adaptation par Carl Joos
Interprétation : Geert Van Rampelberg (Nick Cafmeyer), Ina Geerts (Danni Petit), Johan van Assche (Ivan Plettinckx), Laura Verlinden (Steffi Vankerkhove), Ingrid De Vos (Nancy Lammers)
Musique : Kieran Klaassen, Melcher Meirmans, Chrisnanne Wiegel
Photographie : Nathalie Leborgne
Montage : Philippe Ravoet
Producteurs : Peter Bouckaert
Maisons de production : Eyeworks films & TV Drama NV
Distribution (France) : KMBO Distribution
Récompenses : Johan van Assche, meilleur second rôle au festival du film d’Oostende
Budget : –