Au pays des merveilles. Après la fresque baroque Tales of Tale, Matteo Garrone poursuit le travail dans cet univers si particulier avec l’adaptation du conte Pinocchio de Carlo Collodi. Un pari osé du fait des nombreuses adaptations depuis le Disney de 1940. Avec le cinéaste italien, ce Pinocchio livre peut-être son visage le plus singulier, mais peut-être aussi le plus beau. Une prise de risque salutaire récompensée par un immense succès en Italie.
Depuis 80 ans, c’est dire si le mythe de Pinocchio a été usé à toutes les sauces par le septième art. De la version de Disney en 1940 à l’adaptation par Roberto Begnini en 2003 en passant par diverses adaptations américaines médiocres. Relever ce défi était de taille, surtout pour ce qui est d’arpenter un imaginaire inscrit dans la conscience collective comme une œuvre culte.
Féerie baroque fascinante
Fini les mafieux en slip sur la plage (Gomorra) et les toiletteurs pour chien en galère (Dogman). Cette nouvelle adaptation du conte Pinocchio renvoie directement au chemin entrepris par Matteo Garrone dans Tales of Tale. Notamment dans tout ce qui touche le travail vers le surnaturel et le fantastique. Il explore ainsi la noirceur des contes pour enfants dans un univers formellement très riche. Le film sait surprendre alors le spectateur et ses attentes. Avec un ton initial attendu qui lorgne vers un réalisme magique – renvoyant notamment à ce qu’a pu faire un Steven Spielberg sur son E.T – l’œuvre de Garrone a la bonne idée de l’abandonner progressivement. Au meilleur des moments, le film bascule alors dans une féerie baroque visuellement inspirée et profondément déroutante. Pinocchio prend alors les airs d’une ballade étrange et inquiétante, n’ayant plus aucune frontière, et qui fourmille d’idées.
Dans cette œuvre qui a du style et de l’audace, se trouve un rapport à son territoire et son patrimoine cinématographique. En fuyant le principe de la féerie classique et mondiale, le film retrouve une italianité touchante. La beauté des campagnes italiennes se mêlant à un héritage bercé par les films de Fellini, Comencini, Risi, Monicelli. Mais pas seulement : « La préparation du film fut l’occasion d’un voyage dans l’Italie paysanne de la fin du XIXe siècle, à travers les photos d’Alinari, la peinture, les peintres Macchiaioli, les grands illustrateurs, comme Enrico Mazzanti. » souligne Matteo Garrone, dans un entretien effectué pour la presse.
Begnini magnifique
Un sens de la comédie et de la fantaisie illustré dès son introduction par la douceur comique et burlesque générée par le génie Roberto Begnini. Un retour aux sources pour l’acteur italien, sous forme de joli clin d’œil, huit ans après son dernier film (To Rome With Love de Woody Allen) mais aussi et surtout 18 ans après sa propre adaptation du conte de Pinocchio. Sous les traits de Gepetto, il est bouleversant d’humanité et de simplicité. Il est accompagné par une distribution très bien sentie et incarnée, passant de la française Marine Vatch (Jeune et jolie) à Maurizio Lombardi, Davide Marotta ou encore Marcello Fonte (Dogman).
À l’heure où Disney vient d’annoncer la mise en chantier de son remake-live Pinocchio par Robert Zemeckis, et que Guillermo del Toro peaufine sa version en stop-motion pour Netflix, celle de Matteo Garrone sonne comme une parenthèse heureuse et enchantée dans l’univers aujourd’hui grandement aseptisé de l’Entertainment mondial. Profitons-en.
Synopsis : Adaptation du conte de Carlo Collodi par Matteo Garrone.
Fiche technique – Pinocchio
Réalisateur : Matteo Garrone
Scénario : Matteo Garrone
Casting : Roberto Begnini, Federico Ielapi, Gigi Proietti, Marine Vacth
Distributeur : Amazon Prime Video
Durée : 2h 05 minutes
Genre: Famille, Fantastique
Date de sortie : 4 mai 2020