Portrait sans fard d’une jeunesse désabusée et biberonnée aux réseaux sociaux, Nerve, à mi-chemin entre Spring Breakers et The Game, se veut comme étant l’oeuvre (ultime) sur la génération 2.0.
Synopsis : Nerve est un jeu en ligne qui propose deux options : Voyeur, où le public paie pour voir les gens jouer, et Joueur, où une personne doit réaliser des défis de plus en plus dangereux. Vee, une adolescente timide, est poussée par ses amis à jouer au jeu pour prendre plus de risques dans sa vie. Son premier défi, un simple baiser, va lui faire rencontrer Ian, un autre joueur. Suite à la demande du jeu, les deux jeunes vont devoir faire équipe pour réaliser leurs défis suivants. Mais plus le jeu avance, plus les défis sont risqués et louches. Vee et Ian n’auront aucun autre choix que celui de mettre leurs vies en danger sous les regards de la communauté de spectateurs de Nerve.
Parce que oui, à moins d’avoir vécu dans une grotte ou avoir été mis dans de la carbonite comme feu Han Solo, il va sans dire que la vision d’une armada de hipsters jouant à Pokemon GO, ou d’instagramers s’extasiant sur la dernière pitance mangée au restaurant d’à coté ne devrait (à priori) plus être une surprise. Mais pour ceux du fond qui n’écoutent pas, sachez que ça s’appelle l’ère numérique. Une époque où le voyeurisme est devenu maitre et où ces gigantesques networks, qu’on pourrait plus facilement qualifier d’entités omniscientes, nous observent comme le faisait déjà en son temps le Big Brother de 1984. Autant dire un sujet glissant, pour ne pas dire une véritable gageure que se sont pourtant tenté à dépeindre le duo Henry Joost/ariel Schulman, déjà à l’oeuvre du redoutable Catfish, un documentaire de 2010 dessoudant les rouages du tout internet et sa figure de proue : Facebook.
Un Hunger Games à l’ère du numérique !
Il ne sera toutefois pas question du géant des réseaux sociaux ici, mais bien de son influence, ici répercutée sur un jeu purement fictif : Nerve. Car oui, pas question ici d’égratigner frontalement la firme de Palo Alto mais plus de dresser un discours, pour ne pas dire pamphlet, adressé à tous ces réseaux. qui cristallisent à eux seuls la déchéance d’une génération toute entière, réduit désormais à un troupeau de zombies lobotomisés pour qui popularité est aujourd’hui synonyme de succès. Ça sera donc via l’adaptation d’un roman à succès outre-Atlantique, que le duo aura affuté ses armes. Nous voilà donc en 2020. Vee, une ado un peu perdue (mais pas trop) découvre, sous l’impulsion d’une de ses amies, et accessoirement la personne la plus populaire de son lycée, l’application Nerve. Le pitch ? Un jeu qui se voit confronter 2 sortes de participants : les joueurs d’un coté, chargé d’exécuter des défis, lesquels sont proposés par les voyeurs. Evidemment, l’appât du gain étant ce qu’il est, il ne sera pas surprenant de voir la belle tomber dans ce piège en forme d’application alléchante et donc devoir se bouger pour s’extirper de ce jeu tentaculaire. Fatalement, à la lecture de pareil résumé, on ne peut dire que le projet semblait engageant. Mais même si l’intrigue baigne dans une certaine prévisibilité (on passera rapidement sur les personnages stéréotypés et le déroulement du récit assez linéaire), le film parvient à séduire pour sa lucidité. Bien que denrée rare dans le tout Hollywood, Nerve sait en effet jouir d’une étonnante conscience de soi et de ses limites, quitte à distiller rapidement l’impression d’avoir à faire à un film qui sait où il va et qui sait ce qu’il veut raconter. En atteste ainsi une volonté claire de ne pas rééditer la fermeté de Catfish (leur documentaire sur le même sujet et lui préférer une version plus soft, pour ne pas dire plus branchée aux jeunes. La suite, elle ne déroge pas à cette règle. Multipliant le found-footage, les effets de style (rappelant là Spring Breakers pour son utilisation élégante des fluos et autres néons) et cultivant le flou sur son concept de base (qui a crée Nerve ? comment marche-elle ?), le long-métrage peut alors enchainer la seconde, quitte à gentiment terrifier de par son statut d’ersatz numérique d’Hunger Games, les deux films partageant cette logique d’hyper compétitivité et de dérives fascistes et aliénantes. De là à dire qu’on tient le premier film symptomatique de l’époque 2.0, il n’y a cependant qu’un pas. Un pas qu’on se gardera de faire, car derrière le vernis fluo dégagé par ces images, se cache une certaine prévisibilité et un sens du racolage particulièrement édifiant. Preuve en est que faire un film pour son public est parfois à double tranchant.
Bien que schizophrène dans son approche, en ce sens qu’il met en scène un système qu’il condamne ouvertement de manière thématique, Nerve assure le spectacle autant pour sa lucidité sans faille que par la qualité de son casting, particulièrement en phase. L’une des bonnes surprises de l’été.
Nerve : Bande-Annonce
Nerve : Fiche Technique
Réalisation : Henry Joost et Ariel Schulman
Scénario : Jessica Sharzer, d’après le roman Addict de Jeanne Ryan
Interprétation : Emma Roberts (Vee), Dave Franco (Ian/Sam), Juliette Lewis (Nancy Delmonico)
Direction artistique : Marc Benacerraf
Décors : Kara Zeigon
Costumes : Melissa Vargas
Musiques : Rob Simonsen
Casting : John Papsidera
Photographie : Michael Simmonds
Montage : Madeleine Gavin et Jeff McEvoy
Production : Anthony Katagas et Allison Shearmur
Sociétés de production : Allison Shearmur Productions, Keep Your Head Productions, Supermarche et Lionsgate Film
Sociétés de distribution : Lionsgate Film, Entertainment One, Les Films Séville, Metropolitan Filmexport
Langue originale : anglais
Format : couleur – 35 mm – 1,85:1 – son Dolby numérique
Durée : 96 minutes
Genre : Thriller
Dates de sortie : 24 août 2016
Etats-Unis- 2016