krisha-et-le-maitre-de-la-foret-critique-film-park-jae-beom
Copyright Survivance | Krisha et le maître de la forêt

Krisha et le maître de la forêt : les lois de la Toundra

Jérémy Chommanivong Responsable Cinéma

Les contes et légendes bercent toujours l’imaginaire des plus jeunes, résolus à croire aux miracles, chose que les adultes de ce monde ne semblent plus pouvoir faire. Krisha et le Maître de la Forêt est un conte initiatique qui rend hommage aux peuples nomades de la Toundra. Et grâce à l’animation en volume, Park Jae-Beom parvient à redéfinir les goûts de la magie à travers les yeux d’une héroïne qui a tout à apprendre de son mode de vie ancestral, en parfaite harmonie avec la nature.

Synopsis : Dans la toundra, Krisha et sa famille vivent de chasse et de pêche selon les traditions de leurs ancêtres. Lorsque sa mère tombe malade, la jeune fille écoute les conseils d’une vieille chamane et part à la recherche du maître de la forêt, un ours qui veille sur les habitants de la région et qui lui est apparu en rêve.

Premier long-métrage en tant qu’étudiant à l’académie Kafa, Park Jae-Beom a consciencieusement pris connaissance des documentaires réalisés par Jang Kyung-soo, The Last Tundra et Guardians of Tundra, avant de s’aventurer dans les tempêtes sibériennes. Le choix de l’animation en stop-motion s’est alors imposé, du fait du maigre budget dont il disposait, mais l’effort est largement récompensé. Les textures sont palpables et les expressions faciales des personnages sont assez convaincantes pour qu’on se laisse immerger dans cette aventure pour enfants. Ils constituent évidemment la cible de ce projet, moins ambitieux narrativement, mais dont la sobriété et l’efficacité esthétique restent remarquables à contempler.

À la conquête de l’aurore boréale

Inspirée des Nenets, un peuple autochtone de Russie, la famille Yates traverse la Toundra en quête de vivres pour subsister. Le froid hivernal ne facilite pas leurs activités, mais le savoir-faire, transmis de génération en génération, les aide à surmonter chaque obstacle. Et pas question de gaspiller une goutte de sang lorsque la proie a été saisie. Une aura singulière s’installe alors rapidement autour de cette petite communauté nomade, que la croyance chamanique et animiste autour du maître de la forêt guide, et où chacun veille sur l’autre, même pour le cadet de la bande. C’est ici que Krisha et son jeune frère Kolya entrent dans le récit, qui deviendra le leur. Krisha est bien entendu la pièce maîtresse de ce conte initiatique sur-mesure, elle qui a des difficultés à contrôler ses pulsions. Son attitude rebelle coïncide avec sa puberté, ou simplement l’âge auquel il est permis de gagner un soupçon d’indépendance. Avec l’arrivée impromptue de deux hommes à bord d’un véhicule de neige, elle verra l’opportunité de prouver sa valeur.

La précision d’un chasseur et l’avidité de Vladimir, missionné par l’État, sont une menace pour l’écosystème des lieux, où l’harmonie règne entre tous les êtres vivants. Malheureusement le profit semble bien parti pour triompher sur les méthodes archaïques de cette famille, qui ne souhaite que rester unie. Et ni une ni deux, Krisha est rapidement propulsée dans une odyssée aux côtés de Kolya et de Soradeto, un renne de leur troupeau. Durant ce voyage à travers une immense vallée inhospitalière, et une forêt ancestrale qui l’est tout autant, la stop-motion nous démontre qu’il est possible de vivre des sensations fortes auprès de ces marionnettes en plastique. En un peu plus de trois ans de tournage, le Studio Yona démontre un savoir-faire indéniable dans cet exercice plan par plan. Avec Park Jae-Beom à sa tête, nul doute que le cinéma coréen ajoute une nouvelle corde précieuse à son arc, pourvu que le travail sur la texture et autres jeux de regard restent aussi ambitieux, créatifs et rigoureux.

Pour ce qui est de l’essentiel, l’intrigue garde une structure narrative relativement proche de Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary, de Rémi Chayé. Et Krisha, aussi pure que l’aurore boréale qu’elle contemple et qui la réconforte dans son parcours initiatique, partage pourtant beaucoup de caractéristiques communes avec l’héroïne de l’Ouest. Intrépide et combatif, le jeune public saura s’identifier à elle et à ses enjeux. Sans évoquer la question de féminité, c’est avant tout une leçon de courage et de sagesse qui nous est livrée. Krisha et le maître de la forêt est traversé par ces notions, qui contribuent à une expérience unique à découvrir en famille.

Bande-annonce : Krisha et le maître de la forêt

Fiche technique : Krisha et le maître de la forêt

Titre original : Mother Land
Réalisation et Scénario : Park Jae-beom
Image : Song Hye-Ryeong, Kim Ye-Bin, Jo Young-Dae
Montage : Park Jae-Beom, Kim Ye-Bin
Son : Lee Seung-Hee
Musique : Sohn Min-Young
Enregistrement : Sung Jae-hyun
Direction artistique : Lee Yun-Ji
Production : Korean Acadamy of Film Arts
Producteur : Park So-Hye
Pays de production : Corée du Sud
Distribution France : Survivance
Durée : 1h09
Genre : Animation, Famille, Fantastique, Aventure
Date de sortie : 17 janvier 2024

Krisha et le maître de la forêt : les lois de la Toundra
Note des lecteurs0 Note
3
Responsable Cinéma