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Jack Mimoun et les secrets de Val Verde : en route pour la verdure

« Je m’appelle Jack Mimoun et j’affronte les défis les plus extrêmes où avoir les bons gestes de survie est une question de vie ou de mort » Presque 20 ans après le raid et les soubresauts d’OSS 117, la comédie d’aventures hexagonale n’est pas encore condamnée à l’encéphalogramme plat. L’ambition de ce film généreux d’ambitions en témoigne.

Synopsis : Deux ans après avoir survécu seul sur l’île hostile de Val Verde, Jack Mimoun est devenu une star de l’aventure. Le livre racontant son expérience est un best-seller et son émission de télévision bat des records d’audience. Il est alors approché par la mystérieuse Aurélie Diaz qui va ramener Jack Mimoun sur Val Verde pour l’entraîner à la recherche de la légendaire Épée du pirate La Buse. Accompagnés de Bruno Quézac, l’ambitieux mais peu téméraire manager de Jack, et de Jean-Marc Bastos, un mercenaire aussi perturbé qu’imprévisible, nos aventuriers vont se lancer dans une incroyable chasse au trésor à travers la jungle de l’île aux mille dangers.

La recette de l’insuccés

Jack Mimoun et les secrets de Val Verde, c’est un titre très gourmand, volontairement fouillis qui se serre pour tenir en entier sur l’affiche. Alors à quoi peut-on s’attendre? C’est un « Jack », sûrement la référence marquée pour l’hommage assumé aux films (américains) des années 80, comme en parle Malick Bentallah pendant la promotion. C’est aussi un « Mimoun » qui nous rappelle autant un glorieux champion olympique qu’il construit un blase comique, l’alliage entre le mâle des actioners des années Reagan avec la maladresse petite française qui n’ose pas les regarder dans les yeux. Rajoutez la référence au Val verde, pour la petite pincée d’exotisme, en espagnol, la vallée verte sans folie ni terreur, un territoire qui appelle plus les nostalgiques d’en route pour l’aventure et ses décors de cartons pâtes sur feue la cinq que les aventuriers du national geographic. Voilà comment on construit un film en kitch, sans passer par Ikea.

Parodie et par Odin !

Passé l’affiche, Jack Mimoun, c’est d’abord un gars trapu et costaud comme un tigre, incarné par un Malick Bentallah qui a soulevé de la fonte, ou bien mangé 15 kilos de beignets ou bien encore un comédien qui doit attaquer prochainement en justice son chef costumier. Peut-être les trois à la fois. Parce que ce bonhomme qui sort d’un programme télé en singeant Bear Grylls, est une masse penaude qui s’avère très rapidement difficile à filmer. Sorti de l’habillage télé parodique qui offre dans son envers du décor le meilleur gag du film, trop tôt, sur un serpent dangereux à l’écran, blindé de trangsène en coulisses, Jack Mimoun est un maladroit qui s’assume, sans trop regarder sur les détails. C’est là où l’hommage aux héros des années 80 roulant des coudes fonctionne le mieux. Dans ces plans où Jack signe des autographes à 10 enfants cadrés de près pour en paraître 100, ceux où l’attaché de presse incarné par Jérôme Commandeur annone pour dévoiler avec cynisme l’ombre d’un héros daté. Peut-être encore cette scène où il essaie de draguer avec des arguments écolos la jeune aventurière incarnée par Joséphine Japy, qui use de sa concupiscence sans trop s’user à la tâche. Il y a en tout cas ici la matière pour en tirer le pastiche moquant cet homme gonflé et gonflant, lourd : le seul souci est que cet angle est aussi celui du cinéma mainstream depuis plus de 20 ans.

En route pour la verdure

Quand un scénario est cousu de fil blanc, on rappelle maintenant avec pudeur qu’il s’agit d’un « hommage » aux films d’antan (choisissez votre période préférée) Jack Mimoun et les secrets de Val verde marque donc, on peut le dire sans frémir, le respect le plus profond jamais vu envers les films d’aventures depuis plus de 20 ans. La liste est longue des figures imposées que le récit dévoile, tout sourire. Les comptabiliser n’est pas très pertinent car une des essences du projet est semble t-il de tourner en rond en empilant des perles, comme ses personnages paumés sur une île grande comme un petit plateau de tournage. Un cas symptomatique en est la teneur des dialogues : les punchlines de Jérôme Commandeur et de François Damiens n’appellent pas de réponses, d’échanges, comme des phrases restant hors sol dans leur propre contemplation du bon mot. « J’ai l’impression que les mots sortent tous seuls chez vous, vous ne commandez pas grand-chose» dévoile un dialogue perdu dans la brousse. Qu’une réplique péremptoire bien écrite fonctionne, tous les spectateurs en ont, d’Audiard à Kaamelott, mais ce script en abuse, au point de laisser peu d’espace pour que ses personnages interagissent les uns avec les autres.

Tous derrière et moi devant

Filmer l’aventure pour tendre la main au spectateur mendiant un dépaysement en plein automne, c’est naturellement un des projets de Jack Mimoun. Et convoquer les années 80 en pleine promotion du film, c’est comme jouer avec une tablette de ouija mal configurée : assez rapidement, Indiana Jones va venir vous fouetter l’échine par derrière. Jack Mimoun se trimballe dans une jungle assez triste, volontairement réduite, filmée sans un sens du cadre en faisant un personnage parmi les personnages. Oubliez Prédator également, ici même une fougère n’a pas de personnalité. Ce qui apparaît frustrant dans la non-découverte d’un exotisme kitsch qui semblait promis dans la bande-annonce, c’est que la demande pour ce film fantasmé qui n’apparaît pas dans le cadre, est, elle, très forte. Comment oublier les aventures du Léopard, celui incarné par Claude Brasseur, du tigre aime la chair fraîche, de Claude Chabrol, pastiche assumé lui aussi et les échecs plus récents des films défiant Koh Lanta ? En prenant conscience que la télé et son esthétique très plate a planté un pieu assez profondément dans ces récits d’aventures. Désormais codifiés, ces plans et ce découpage très fade qui mène la barque jusque dans un temple à peine digne d’une mauvaise pub pour des céréales chocolatées sont ceux qui ont vampirisé des images qu’on apprécie, rassasiés. En partant pour l’aventure dans des terrains connus esthétiquement, historiquement et sans aucun autre adverbe de manière derrière, Jack Mimoun défiait plus qu’une malédiction et un nouveau méchant mal écrit: il souhaitait lui-même survivre à un crash dont il ne pouvait pas sortir. Jack est une créature de télé perdue dans le poste en cherchant à repousser les bords : en quelque sorte, une sorte de poisson rouge qui a mal au crâne à force de se cogner la tête. Il avait pourtant pris un gros cachet.

Bande-annonce : Jack Mimoun et les secrets de Val Verde

Fiche technique

Réalisation : Malik Bentalha et Ludovic Colbeau-Justin
Scénario : Malik Bentalha, Florent Bernard et Tristan Schulmann
Musique : Mathieu Lamboley
Décors : Maamar Ech-Cheikh
Costumes : Emmanuelle Youchnovski
Photographie : Thomas Lerebour
Montage : Delphine Rondeau, Vincent Tabaillon
Production : Éric et Nicolas Altmayer
Coproducteurs : Niels Court-Payen, Caroline Dhainaut et Ardavan Safaee
Productrice associée : Marie de Cenival
Sociétés de production : Mandarin Films et Pathé Films
Société de distribution : Pathé Distribution (France)
Budget : 14,47 millions d’euros

Distribution

Malik Bentalha : Jack Mimoun
Benoît Magimel
François Damiens : Jean-Marc Bastos
Jérôme Commandeur : Bruno Quézac
Joséphine Japy : Aurélie Diaz