Le mot d’ordre de nouvel opus du Monsterverse initié par la Warner semble être l’excès. Après nous avoir offert des films mettant en scène Godzilla (deux fois) et King Kong (une fois) en solo, puis les avoir réunis lors du dernier opus Godzilla vs Kong il y a trois ans, les producteurs de la Warner continuent dans le spectacle décérébré et gorgé de CGI en proposant une alliance entre les deux monstres contre une menace toujours plus grande. On avait envie d’y croire mais le résultat est encore moins bon ici. Si quelques séquences de combats entre ces illustres kaijus nous gratifient de moments de plaisir régressif plutôt bien exécutés, ils sont noyés dans une bouillie numérique parfois imbuvable et des scènes avec des humains qui s’avèrent inutiles dans le meilleur des cas et agaçantes voire ridicules la plupart du temps. Surtout quand elles tentent d’apporter des fondations à une mythologie sans queue ni tête. À voir le cerveau débranché. Et encore…
Synopsis : Le tout-puissant Kong et le redoutable Godzilla unissent leurs forces contre une terrible menace qui risque de les anéantir et met en danger la survie même de l’espèce humaine. On remonte à l’origine des deux titans et aux mystères de Skull Island, tout en révélant le combat mythique qui a contribué à façonner ces deux créatures hors du commun et lié leur sort à celui de l’homme…
Si le Dark Universe d’Universal et ses créatures mythiques telles que la Momie ou Frankenstein a fait feu de tout bois et a vite été rangé aux oubliettes, le Monsterverse de la Warner semble encore avoir de beaux jours devant lui malgré des retours critiques peu engageants. Mais quand les recettes sont là… En effet, Godzilla vs Kong a tout de même rapporté près de 500 M$ pour un budget de 120 M$ alors qu’il était sorti en pleine période Covid et n’avait même pas eu les honneurs d’une sortie en salles en France. Dans ces circonstances, on comprend pourquoi les producteurs s’obstinent à continuer de mettre en scène Godzilla, King Kong et d’autres célèbres monstres reliés par une organisation appelée Monarch et qui a d’ailleurs eu droit à une série sur Apple TV récemment.
Il faut dire que tout n’est pas à jeter dans cet univers, même si beaucoup crieront que le succès critique et public du japonais Godzilla Minus One, récemment, aurait dû mettre un terme aux délires du genre imaginés par les Américains. (Et même si on a le droit de ne pas avoir apprécié non plus Minus One, question de sensibilité probablement). En effet, le premier Godzilla de cet univers réalisé par Gareth Edwards était plutôt bon et augurait du meilleur. Puis vint Kong : Skull Island qui s’avérait divertissant et se regardait comme une bonne vieille série B nantie d’un énorme budget. Pour le reste, l’opus suivant mettant en scène Godzilla était une catastrophe dans tous les sens du terme et le Godzilla vs Kong n’était pas des plus recommandables non plus. Alors quand le dernier né de la franchise coche les mêmes cases que le précédent mais en accentuant encore ses défauts et problèmes…
Il est clair – et c’était presque prévisible – que le seul intérêt de ce Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire réside dans les scènes de combats titanesques entre les kaiju. Mais n’est pas Guillermo del Toro (le sympathique et généreux Pacific Rim) ou Peter Jackson (le King Kong de 2005) qui veut, et Adam Wingard n’est qu’un tâcheron qui semble bien plus s’amuser que nous avec ces créatures mythiques. Alors à ce niveau est-ce au moins réussi et digne d’intérêt ? On ne peut nier qu’il y a quelques bons morceaux de bravoure et scènes d’affrontement qui s’apprécient comme des plaisirs régressifs. Et on les doit surtout à Kong, toujours aussi impérial et bien incarné par la magie des effets spéciaux. Quelques combats entre bestioles dans une Terre creuse sont sympathiques, mais à une époque où l’escalade dans les scènes de destruction massive et de combats est de mise, difficile d’impressionner vraiment le spectateur. Il n’empêche, la séquence où Kong tente de ramener Godzilla à sa cause au pied des pyramides d’Égypte est peut-être le moment le plus jubilatoire.
Hormis ces quelques instants de délire en images de synthèse qui en appellent à nos âmes d’adolescents, le reste est vraiment d’un goût douteux et symptomatique du grand n’importe quoi qui gangrène Hollywood depuis quelques années. Le point d’orgue du long-métrage, qui est logiquement le combat final, souffre des mêmes scories que les finals du DCEU de la même Warner : une overdose d’effets spéciaux qui vire à la bouillie numérique. On est gavé et on sent qu’on a voulu trop en mettre. Trop de créatures, trop de CGI parfois douteux et trop de plans emballés dans un montage à la serpe qui donnerait presque mal au crâne. On a dû penser que le spectateur en voulait pour son argent, donc toujours plus, mais on oublie au passage tout ce qui fait la sève du septième art et du grand écran : on a moins l’impression d’être face à un film de cinéma que devant un jeu vidéo sur lequel on n’a aucune prise.
L’autre moitié du film, en l’occurrence les séquences mettant en scène des personnages humains, n’est ni faite ni à faire. On sent que Wingard n’en a cure et expédie ça de manière mécanique et sans âme. Les personnages sont vides et caricaturaux, juste présents pour servir la soupe aux créatures. Et pour ce qui est de la mythologie qu’on essaie toujours d’instaurer en dépit de la logique, ça devient n’importe quoi. Par exemple, on envoie une équipe destinée à sauver le monde composée de seulement cinq personnes : un seul militaire, une enfant, un geek, un vétérinaire et une scientifique (cherchez l’erreur et trouvez le bon sens !). Les « scénaristes » osent même introduire une civilisation souterraine et cachée qui ferait passer celle d’Amazonie de Madame Web pour crédible. Les réactions et actions des protagonistes n’ont ni queue ni tête et tout devient du grand n’importe quoi au fil des minutes s’égrenant.
Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire dure moins de deux heures et heureusement. On ne peut nier que cela a le mérite d’être rythmé et généreux en séquences spectaculaires mais ça n’empêche pas ce blockbuster bruyant et fatigant de prouver une fois de plus la dégénérescence en cours à Hollywood. Le pire : le film devrait fonctionner en salle et on va nous pondre une nouvelle suite. Bref, pour les amateurs de Godzilla, mieux vaut rester sur les versions japonaises et sur celle d’Edwards. Quant aux films de Kong, privilégier les anciennes versions telles celles de Jackson, un vrai cinéaste amoureux du genre, de 1976 et 1933. Pour l’heure, nous ne pouvons que déplorer une réunion de monstres bien triste et abrutissante.
Bande-annonce – Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire
Fiche technique – Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire
Réalisateur: Adam Wingard.
Scénaristes : Terry Rossio et Simon Barrett.
Production : Warner Bros.
Distribution France : Warner Bros. France.
Interprétation : Rebecca Hall, Brian Tyler Henry, Dan Stevens, …
Durée : 1h55.
Genres : Action – Science-fiction.
3 avril 2024 en salles.
Nationalité : USA.