Deepwater, un film de Peter Berg : critique

Peter Berg est à première vue un réalisateur iconoclaste. S’étant tout d’abord frotté à la comédie noire (Very Bad Things), il s’est ensuite lancé dans la course aux blockbusters débridés mâtinés de second degré (Bienvenue dans la Jungle, Hancock et surtout Battleship), en passant par des films plus sérieux soulignés par un contexte politico-guerrier fort (Le Royaume et Du sang et des larmes).

Synopsis : La plateforme Deepwater Horizon tourne non-stop pour tirer profit des 800 millions de litres de pétrole présents dans les profondeurs du golfe du Mexique. Mike Williams, électricien sur la plateforme et père de famille, connaît les risques de son métier mais fait confiance au professionnalisme de son patron Jimmy Harrell. En revanche, tous se méfient de la société locataire de la plateforme dirigée par Donald Vidrine, qui ne pense qu’à son bénéfice. Lorsque cette société décide contre l’avis des techniciens de la déplacer trop rapidement, ils sont loin de se douter que les 5 millions de barils sous leurs pieds sont prêts à exploser… Le seul courage de Mike et ses collègues suffira-t-il à limiter les dégâts et sauver ce qui peut encore l’être ?

Un désastre écologique en mode blockbuster

Mais son cinéma, surtout ces dernières années, est essentiellement caractérisé par des aventures humaines où l’authenticité prime sur la fiction, où le spectateur s’intéresse au sort d’une poignée d’individus au courage et à l’héroïsme exemplaires. Ne démordant pas de cette tendance, il revient cette fois à la charge avec Deepwater, retraçant ainsi la plus grande catastrophe écologique des États-Unis à travers les yeux de plusieurs employés.

L’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon survenue en avril 2010 reste malheureusement encore bien présente dans nos esprits. Au-delà de la perte tragique de onze hommes, cet accident industriel a également entraîné un désastre sans précédent pour la nature, avec l’équivalent de plus de 4,9 millions de barils de pétrole déversés dans le golfe du Mexique et d’importantes fuites de gaz menaçant de nombreuses espèces animales. Pour illustrer ce désastre, plutôt que d’opter pour un drame à hauteur d’homme, Berg choisit le genre catastrophe. Et d’emblée, on reconnaît son style : on dénote beaucoup de travellings aériens magnifiant de surcroît la plateforme pétrolière, des travellings circulaires autour de ses personnages ou encore, plus classique, une caméra portée à l’épaule au plus près de leurs visages, soulignant ainsi un côté plus intimiste (procédés déjà présent dans Hancock ou du Sang et des larmes déjà avec Walhberg). Comme dit plus haut, Berg aime ses personnages, et la description de ces derniers, bien que très modeste, est plutôt réussie dans une première partie convaincante où les bases du scénario et les principaux enjeux se développent progressivement. Pendant près d’une heure, beaucoup d’informations nous parviennent du quotidien de ces ouvriers dans ce milieu difficile, des principales problématiques de la gestion d’une plateforme offshore, et des raisons qui ont conduit à cet accident. On se surprend d’ailleurs à découvrir en filigrane la volonté du réalisateur à proposer un réquisitoire contre le capitalisme moderne : le profit au détriment de l’humain, le résultat financier au détriment de la sécurité.

Cette partie descriptive maintient ainsi grandement l’intérêt du spectateur, curieux de savoir comment l’incident s’est produit. Mais c’est surtout dans la deuxième partie, la catastrophe en elle-même, que Berg démontre son savoir-faire indéniable dans la pyrotechnie et une montée crescendo dans la tension. Comme tout bon blockbuster, le spectacle est là, renforcé par une belle partition musicale signée Steve Jablonsky (compositeur attitré des férus d’explosions en tout genre, notamment Michael Bay sur la saga Transformers) et des effets spéciaux réussis visuellement dans l’ensemble. La majorité des épreuves que les personnages traversent suit certes une mécanique plutôt classique dans le cinéma catastrophe, mais parfaitement huilée, permettant un rythme soutenu et, là encore, sans temps mort. On retiendra notamment une puissante émulsion de boue, une impressionnante déflagration provoquant la destruction de la plateforme, et un saut final dans le vide que n’aurait pas renié Chris O’Donnell dans Vertical Limit. Mais aussi rondement menées soient-elles, certaines séquences apparaissent relativement brouillonnes, à l’image de celle de la grue incontrôlable. Notamment à cause d’une mauvaise utilisation de l’espace et une caméra un brin impulsive, on n’arrive pas à comprendre réellement ce qui se passe, ni à identifier les enjeux qui se dégagent de la scène, ni même à voir correctement.

Ce côté brouillon se répercute également sur la nature du film en lui-même. La critique de l’industrialisation effrénée, ainsi que toute la réflexion sur les conséquences désastreuses de cet incident sur l’environnement et les nombreuses espèces animales sont partiellement effleurées. Malgré quelques images fortes, dont celles d’un pélican complètement embourbé souffrant et mourant devant les yeux abasourdis de plusieurs employés, le discours reste bien en surface. De même, avec un tel sujet, on était en droit d’attendre également le procès en question de BP (British Petroleum), la société responsable de tout cela. C’était d’ailleurs ce que laissait supposer les premières minutes du long métrage, avec retranscription des bandes sonores des comparutions devant la justice des principaux intéressés. Tout juste aurons-nous droit à une séquence finale, certes non dénuée d’émotion mais bien trop expéditive pour réellement marquer, sur la fragilité des personnes survivantes, la détresse des familles cherchant à savoir à tout prix si leurs proches s’en sont sortis, et l’hommage pré-générique aux onze personnes disparues durant l’accident. Deepwater préfère donc se reposer sur le canevas classique du blockbuster hollywoodien (la mère de famille désespérée, le sacrifice d’un ouvrier…) plutôt que de développer davantage les thématiques qu’il entame. Et c’est d’autant plus dommage de se dire que ces thématiques restent à ce jour assez inédites dans le genre catastrophe.

Préférant le spectaculaire à l’intime, Peter Berg, fidèle à sa mise en scène, signe un film catastrophe classique, en demi-teinte, ne développant pas assez les enjeux qu’il s’est lui-même fixés au départ, là où un pamphlet véritable dénonçant les ravages du capitalisme moderne sur l’écologie aurait eu plus de sens. Mais grâce à une documentation fournie et une indéniable efficacité, surtout dans sa seconde partie, Deepwater n’en reste pas moins un blockbuster agréable à suivre. Et un hommage somme toute sincère au courage des ouvriers de cette plateforme pétrolière.

Deepwater : Bande-annonce

Deepwater : Fiche technique

Réalisation : Peter Berg
Scénario : Matthew Sand, Matthew Michael Canahan, J.C. Chandor, David Barstow, David Rohde, Stéphanie Saul
Interprétation : Mark Wahlberg (Mike Williams), Dylan O’Brien (Caleb Holloway), Kurt Russel (Jimmy Harrel), John Malkovich (Vidrine), Kate Hudson (Felicita Williams), Gina Rodrigues (Andrea Fleytas)…
Photographie : Enrique Chediak
Montage : Gabriel Flemming, Colby Parker Jr
Directeur artistique : Douglas Cumming, Erik Haraldsted
Producteurs : Lorenzo Di Bonaventura, Mark Vahradian, David Womark, Stephen Levinson, Todd Lewis, Cliff Lanning, Petra Holtorf Stratton, Jeff Skoll, Jonathan King, Mark Wahlberg
Sociétés de production : Summit Entertainment, Participant Media, Image Nation Abu Dhabi, Lionsgate
Distribution (France) : SND
Durée : 107 minutes
Genre : Drame, catastrophe
Date de sortie : 12 octobre 2016

Avertissement – Certaines scènes sont susceptibles de heurter un jeune public
Etats-Unis – 2016