Pour son quatrième long-métrage, Roschdy Zem s’attaqué au mythe Chocolat, clown noir ayant fait la gloire du Nouveau Cirque à Paris avec son compère, le clown blanc Footit. Après s’être attelé à une histoire de body-builder ou au fait divers Omar m’a tuer, Chocolat se présenté comme un nouveau pari osé, mais est-il réussi ? Le résultat est en demi-teinte.
Synopsis : Du cirque au théâtre, de l’anonymat à la gloire, l’incroyable destin du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Le duo inédit qu’il forme avec Footit, va rencontrer un immense succès populaire dans le Paris de la Belle époque avant que la célébrité, l’argent facile, le jeu et les discriminations n’usent leur amitié et la carrière de Chocolat. Le film retrace l’histoire de cet artiste hors du commun.
Pour assurer le rôle de Chocolat, il fallait un acteur à la hauteur du personnage, à l’aise avec son corps, qui n’est pas peur de se mettre en avant. Roschdy Zem a donc fait appel à Omar Sy, acteur ayant la côte en ce moment, et aimé des français. Si le personnage sied à merveille à l’acteur, son interprétation est pourtant mitigée. Sur fond de racisme et de xénophobie, de peur de l’autre et de lieux-communs, Omar Sy donne à voir un personnage éperdu des femmes, d’argent, de jeu et de boissons, aux envies déraisonnables après s’être enrichi à Paris. Impossible de s’immiscer dans l’intimité de Chocolat et d’éprouver une empathie pour le personnage. Par son jeu, Omar Sy freine le fanatisme que l’on aimerait accorder au personnage. Le clown Chocolat ne parait pas sympathique, malgré un magnifique sourire, et semble bien trop mystérieux pour se révéler intéressant, comme si le comédien n’avait pas réussi à cerner correctement le personnage qu’il incarne, tentant de jouer sur plusieurs tableaux, faisant de Chocolat un personnage à facettes multiples.
Les différentes histoires d’amour du protagoniste qui jalonnent le film ne sont pas convaincantes, presque dénuées de sens. On parvient à saisir l’amour que le clown noir porte aux femmes, mais les diverses relations sont tellement fleur bleue qu’elles en deviennent désagréables. Clothilde Hesme n’est pourtant pas mauvaise, et on discerne le fait que Marie est un point d’appui pour Chocolat, et pourtant, ça ne prend pas. S’attacher au jeune couple est chose difficile tant il apparaît comme inabouti et bien futile. Les beaux sourires de Clothilde Hesme et Omar Sy n’emportent donc pas l’adhésion du public.
Toutefois, son complice de jeu, James Thiérrée, incarnant Footit, est excellent, et se dessine comme la révélation du film auprès du grand public, son corps étant un remarquable atout de jeu. Son aisance sur scène et sa gestuelle offre une crédibilité inégalable à son personnage. L’acteur suisse propose un jeu sensible et puissant, gratifié d’une élégance et d’une modestie formidable. A savoir que James Thiérrée, petit-fils de Charlie Chaplin, est un homme de cirque, son personnage et le propos du film lui conviennent donc à la perfection.
Dans son parcours, Chocolat a rencontré de nombreux hommes de cirques, mais également toutes sortes d’artistes. Dans le film de Roschdy Zem, Olivier Gourmet endosse le rôle de Oller, directeur du Nouveau Cirque, Noémie Lvovsky et Frédéric Pierrot sont le couple Delvaux. Quelques apparitions plus minimes, mais très amusantes, sont aussi à noter, comme celle des frères Podalydès qui deviennent les Frères Lumière le temps d’une séquence, ou encore celle de Xavier Beauvois en Félix Potin, célèbre épicier et distributeur de l’époque.
Mais Chocolat n’est pas qu’une question d’acteurs et de personnages. Chocolat est aussi le symbole d’une époque, et s’inscrit dans un contexte historique spécifique. Ainsi, Roschdy Zem a du accomplir la difficile tâche de recréer l’ambiance de la fin du XIXème siècle, début XXème. Et c’est une réussite. Les décors, que ce soient ceux de la ville ou de la campagne, nous immergent dans une ambiance et dans des conditions de travail singulières, bien différentes de celle d’aujourd’hui. Les costumes sont resplendissants et embellissent les acteurs. Techniquement, le travail de la lumière est superbe, notamment lors des séquences sous le chapiteau des Delveaux. Il est agréable de voir un travail aussi minutieux sur ce que beaucoup pourraient considérer comme des éléments de second ordre. Roschdy Zem parvient à délaisser notre présent pour nous inscrire dans un passé complexe, où le racisme était omniprésent.
En effet, l’histoire du clown Chocolat est aussi une réflexion sur le racisme et la xénophobie de l’époque. Malheureusement, le racisme dénoncé par le réalisateur semble trop superficiel. Certes, il est significatif d’une époque, mais de le voir tantôt nuancé, tantôt affirmé fait interroger le spectateur sur les intentions de Roschdy Zem. Toute la séquence de l’exposition coloniale n’est pas justifiée et n’est pas d’un grand intérêt. On comprend la souffrance de Chocolat vis-à-vis de la population noire, on perçoit sa tristesse lors de son « échange » avec un « indigène » (appelé comme cela à l’époque), toutefois, tout est trop creux, ayant l’impression que cette situation arrive « comme un cheveu sur la soupe ». Il s’avère dommage que le traitement du racisme dans Chocolat soit effectué de la sorte, car les intentions du réalisateur sont bonnes, et on parvient à les percevoir, mais l’ensemble trop factice rebute et décrédibilise une xénophobie ambiante.
Chocolat était un film très attendu, mais le résultat n’est pas à la hauteur des espérances. Malgré un contexte historique intéressant, qui mériterait d’être plus abordé dans le cinéma français, et une incroyable prestation de James Thiérrée dans le rôle de Footit, le film n’arrive pas à convaincre. Omar Sy déçoit et n’est pas au meilleur de sa forme, et on regrettera un traitement trop laxiste du racisme et de la crainte de l’autre de l’époque. Toutefois les ambitions de Roschdy Zem en réalisant ce long-métrage ne sont pas à dénigrer, et il est bon de voir des films français prendre de telles initiatives, aussi ambitieuses soient-elles.
[Bande-annonce] Chocolat :
[Fiche technique] Chocolat :
Titre : Chocolat
Réalisation : Roschdy Zem
Scénario : Cyril Gely, d’après l’oeuvre de Gérard Noiriel
Interprétation : Omar Sy, James Thiérrée, Clothilde Hesme, Olivier Gourmet, Frédéric Pierrot, Noémie Lvovsky…
Musique : Gabriel Yared
Montage : Monica Coleman
Photographie : Thomas Letellier
Décors : Jérémy Duchier
Producteurs : Eric Altmayer, Nicolas Altmayer
Sociétés de production : Mandarin Cinéma, Gaumont, Korokoro, M6 Films
Sociétés de distribution (France) : Gaumont
Récompenses : Césars 2017 des meilleurs décors et du meilleur acteur dans un second rôle pour James Thiérée
Genre : Biopic
Durée : 111 minutes
Dates de sortie : 3 février 2016