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Antoinette dans les Cévennes : marcher et se transformer en chemin

Chloé Margueritte Reporter LeMagduCiné
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Antoinette dans les Cévennes se présente d’abord comme une comédie romantique. Mais c’est en virant de bord et en devenant un vibrant portrait de femme que le film se révèle le plus savoureux. D’autant qu’il met en présence deux forces à priori opposées : la nonchalance de l’âne face à la pétillante Laure Calamy.

Murmurer à l’oreille d’un âne

L’été est la saison des amoureux. Tout particulièrement au cinéma où l’on rencontre des amours heureux ou du moins des amours qui se réalisent, qui existent sous le soleil. En France, on pense particulièrement à Un amour de jeunesse pour sa relecture du conte initiatique avec un premier amour en filigrane. Mais c’est Rohmer et son Conte d’été notamment que l’on convoque plus facilement. Pour Antoinette, c’est surtout une longue attente avant la promesse de sorties avec son amant. Elle est institutrice et prépare un spectacle audacieux avec ses élèves. Une chanson sur une femme qui revendique un amour interdit, et qu’elle fait crier haut et fort par des gamins. Cette séquence inaugurale est aussi l’instant d’une transformation. Alors que tous ses élèves sont silencieux, les yeux fermés, Antoinette enfile une robe de soirée. Elle apparaît métamorphosée sous les yeux ébahis des enfants. Très vite, elle se retrouve abandonnée dans les bras de son amant qui lui annonce d’ailleurs un autre abandon puisque finalement, il part en vacances avec sa femme.

Impulsive

Antoinette n’est pas du genre à s’apitoyer. Son corps est montré d’emblé comme un corps d’action, sa fougue, une énergie constructive. La voilà donc partie pour les Cévennes. Telle un Stevenson moderne et féminin, elle fait le voyage avec un âne. Très vite, elle raconte son histoire farfelue, les raisons de sa présence sur le chemin et devient une sorte de mascotte. Heureusement, le film évacue très vite l’enjeu amoureux ou plutôt sentimental pour s’intéresser exclusivement à son personnage. Non seulement les paysages sont magnifiques, mais le lien qui se lie entre l’âne Patrick, qui écoute patiemment, et la pétillante Antoinette, qui ne cesse de parler pour le faire avancer, est savoureux. Laure Calamy offre sans nul doute une fraîcheur et une force excessive et douce à ce personnage de femme en partie blessée. Lorsqu’elle conte à son nouvel ami ses histoires d’amour ratées, on sent bien pour elle l’enjeu que représente le couple, ce qu’elle est venue chercher au départ. De situations cocasses en moments plus poétiques, le film parvient à trouver son équilibre, sans jamais nous dire où il va. Il y a une véritable émotion qui naît et qui se détache de l’artificiel. Si des phrases aussi banales sont prononcées que « ce n’est pas le but qui compte, mais le chemin », ici ces mots prennent tout leur sens.

Je marche seule à tes côtés

Véritable ode à la marche, à la rencontre, à l’écoute de l’autre, Antoinette dans les Cévennes est aussi un film qui prend le temps de rendre ses personnages attachants. Même Patrick, l’âne, met du temps à trouver son chemin à lui, son importance. Une scène magnifique montre Antoinette se promenant dans un village à dos d’âne, le buste droit, la tête haute, fière et sereine. C’est une image forte et très caractéristique du personnage comme du ton du film : une sorte de chemin droit, tracé à travers lequel l’improvisation est la bienvenue, le regard a son importance. Ici, c’est Antoinette qui est au centre, on la regarde, on l’admire, on la jalouse aussi. Mais dans sa vie à elle, il s’agira de se faire progressivement à elle-même une petite place, de se recentrer. Antoinette apprend, dans son cheminement solitaire, à se recentrer sur elle-même, ses choix et ses désirs. Elle devient tout simplement. Le film est d’une extrême simplicité, sans grands effets. Il se place pourtant du côté de films de voyage plus impressionnants visuellement, plus « tape à l’oeil » tels que Wild. Si le corps d’Antoinette souffre finalement assez peu,  Wild mettant carrément le corps à l’épreuve pour élever l’âme, son esprit s’ouvre, s’épanouit. Et la voir en larmes devant un âne au coeur brisé est un véritable déchirement tout autant qu’il est le joyeux début de quelque chose de nouveau. Un souffle de liberté, de solitude choisie et brisée en compagnie d’êtres soigneusement aimés.

Antoinette dans les Cévennes : Bande annonce

Antoinette dans les Cévennes : Fiche technique

Synopsis : Des mois qu’Antoinette attend l’été et la promesse d’une semaine en amoureux avec son amant, Vladimir. Alors quand celui-ci annule leurs vacances pour partir marcher dans les Cévennes avec sa femme et sa fille, Antoinette ne réfléchit pas longtemps : elle part sur ses traces ! Mais à son arrivée, point de Vladimir – seulement Patrick, un âne récalcitrant qui va l’accompagner dans son singulier périple…

Réalisation : Caroline Vignal
Scénario : Caroline Vignal
Interprètes : Laure Calamy, Benjamin Lavernhe, Olivia Cote, Marc Fraize…
Photographie : Simon Beaufils
Montage : Annette Dutertre
Sociétés de production : Chapka Film, La Filmerie
Distributeur : Diaphana Distribution
Durée: 95 minutes
Genre : comédie
Date de sortie : 16 septembre 2020
France – 2020
Reporter LeMagduCiné