Le réalisateur de Sicario et de l’attendu Premier Contact est actuellement affairé en Hongrie où il tourne Blade Runner 2. Et sans surprise, voilà que le cinéaste s’est fendu de quelques révélations laissant transparaître toute la pression mais surtout la lucidité qu’il a à s’approprier l’héritage transmis par le long-métrage de Ridley Scott.
On aura beau arguer que le film de Ridley Scott se suffit à lui-même mais bon, les voies de la création artistiques hollywoodiennes sont ce qu’elles sont : impénétrables et insondables. Il faudra donc composer avec une suite, que tourne actuellement Denis Villeneuve, le canadien (ou plutôt l’un des canadiens si l’on compte aussi Xavier Dolan) le plus connu de la profession. Loin d’être manchot sitôt qu’on le place derrière une caméra, Villeneuve affiche par ailleurs une relative lucidité vis-à-vis de lui-même et surtout de son monde. Résultat, lorsque on l’interroge sur sa démarche, en l’occurrence, marcher dans les pas de Ridley Scott et se confronter, selon l’opinion public, à l’un des meilleurs si ce n’est le meilleur film SF de tous les temps, l’intéressé est fébrile mais réaliste :
« Avant tout, ce n’est pas possible d’être à la hauteur de l’original. C’est du Ridley Scott. C’est un chef-d’œuvre. C’est l’un des meilleurs films de science-fiction, l’un des meilleurs films de ces cinquante dernières années »
Un propos tendant au pur hommage mais qui révèle aussi en substance une humilité suffisamment rare pour être soulignée. Une humilité teintée de peur qu’on retrouve d’ailleurs dans l’idée qu’il a de ce projet. Ainsi, si l’on se fie à ses propos, il n’est pas question pour lui de réaliser une banale suite au film de Scott, mais plus de s’approprier l’héritage de ce dernier pour livrer une nouvelle vision de l’univers crée par le scénariste Hampton Fancher
« Ce qui me terrifie pour l’instant c’est que je dois m’approprier ‘Blade Runner’ et en faire l’un de mes films. Quand je regarde les rushs quotidiens, je sais que ce n’est pas du Ridley Scott. C’est mon style, c’est différent. L’univers est commun, on partage le même rêve mais c’est ma vision. Je regarde avec admiration l’oeuvre de Ridley, bien sûr, mais je ne dois pas refaire la même chose. Et je dois procéder sans savoir comment le public réagira à ma vision »
Des propos qui rendent compte d’une certaine pression, mais qui, selon ses dires, n’affectent en rien son envie de continuer, car en véritable stakhanoviste de la caméra qu’il est, le cinéaste s’astreint à une cadence impossible pour ne pas dire infernale :
« Je me réveille à six heures, je me couche à minuit. C’est sept jours sur sept et je ne rêve que de ça. Je suis trop excité, il y a tellement de travail que j’en perds le sommeil. Et lorsqu’on me demande ce que je ferai après Blade Runner, je dis tout simplement que j’irai dormir »
On se doute que la sortie, calée à la fin 2017, doit grandement influer sur son agenda de production, mais on sait par expérience que le cinéaste aime tourner rapidement, autant pour pouvoir y revenir par la suite, que pour saisir les premiers émois de ses acteurs. Mais grosse production oblige, c’est aussi la contrainte d’un film de studio qui le pousse à tourner aussi vite. La preuve étant faite : le réalisateur n’aura pas le final cut (avoir le dernier mot sur le montage final d’un film) :
« J’ai accepté de le faire parce que les producteurs derrière Blade Runner 2 sont des amis. J’ai fait Prisoners avec eux et je savais qu’ils me créeraient un environnement de travail très rassurant. Je n’ai pas vraiment le final cut sur ce film. Ce que j’ai compris à propos du final cut, c’est qu’il s’agit du pouvoir du meilleur montage. Je n’avais pas le final cut sur Prisoners et ce que vous avez vu était le meilleur montage. Sicario est un director’s cut, Premier Contact est un director’s cut. La relation avec les gens avec lesquels je travaille est très solide et, au bout du compte, celui qui gagnera sera le meilleur film. »
De biens grands mots qui n’auront pas vocation à rassurer les plus sceptiques mais compte tenu du casting dithyrambique que le cinéaste s’est arrogé pour le film : Harrison Ford (Star Wars : Le Réveil de la Force), Ryan Gosling (The Nice Guys), Robin Wright (House of Cards), Mackenzie Davis (Seul sur Mars), Dave Bautista (Spectre), Barkhad Abdi (Captain Phillips), Lennie James (The Walking Dead) et Roger Deakins (célèbre chef-opérateur des frères Coen), on aurait tendance à être rassuré sur la qualité de ce que nous prépare le québécois. Verdict le 6 Octobre 2017 !