Moi qui t’aimais : Photo Roschdy Zem, Marina Foïs |Copyright New Light Films

Moi qui t’aimais : Amour et nostalgie, dans l’intimité d’un couple mythique

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Dans Moi qui t’aimais, Diane Kurys livre un biopic sensible et pudique sur le couple mythique Signoret-Montand. En s’éloignant du mimétisme pour mieux explorer les émotions, elle choisit de raconter les dernières années d’un amour tumultueux, entre blessures intimes et fidélité profonde. Un regard cinéphile et romanesque sur deux légendes, porté par une mise en scène délicate et une interprétation vibrante de Marina Foïs.

Avec cet émouvant film d’amour sur le couple mythique Signoret-Montand, Diane Kurys réalise son deuxième biopic après Sagan en 2008, mais cette fois-ci elle ne cherche pas le mimétisme des acteurs comme avec Sylvie Testud. Elle privilégie l’exploration du fond des cœurs et des âmes, à la forme et aux apparences, pour dépeindre une relation difficile et compliquée, mais puissante et belle. Essayons de voir si le pari est réussi.

La nostalgie et le tumulte des dernières années

Ayant lu dès sa sortie l’autobiographie de Simone Signoret, La Nostalgie n’est plus ce qu’elle était, publiée en 1976, dont l’écriture se situe au cœur du scénario, Diane Kurys fait un long travail de maturation pour se focaliser in fine sur les 12 dernières années de la vie du couple, de 1973 à 1985, période somme toute réduite par rapport à leur 34 années de mariage. La réalisatrice évite ainsi les transformations nécessaires des personnages, et aussi de couvrir la liaison de Montand avec Marylin Monroe en 1960, que la réalisatrice parvient à rendre présente en filigrane dans tout le film, continuant de hanter le couple. À témoin la façon dont elle souhaite en parler dans ses mémoires, qui provoque une crise entre eux très bien mise en scène. Cette période est celle des rancœurs, des tourments et d’une certaine mélancolie du passé, compte tenu de la fin chaotique de la carrière de Signoret, tandis que Montand, toujours en haut de l’affiche, continue ses frasques et infidélités. Mais le film sait aussi montrer ce lien indéfectible les unissant dans les épreuves de la vie.

Le point de vue de Signoret

Sortir le film pour le quarantième anniversaire de sa mort, et le titrer Moi qui t’aimais, tiré de la célèbre chanson de Jacques Prévert chantée par Yves Montand, indiquent en soi que le film adopte le point de vue de l’actrice. Cette seule chanson évoquée dans le film en décrit bien l’ambiance, puisqu’elle évoque la nostalgie et les souvenirs d’un amour perdu, et qui se transforme sous nos yeux. On y trouve aussi le fameux « Les souvenirs et les regrets aussi », repris par Catherine Allégret, fille de Signoret très présente dans le film dans l’ombre de sa mère, comme titre de ses mémoires publiées en 1994. De là à dire que ce film est féministe, certainement en partie, chaque spectateur peut en juger, mais il montre surtout le prix de l’amour de ce couple mythique rudement exposé aux médias de l’époque.

Le rôle de l’entourage

Le scénario construit par Diane Kurys, avec Martine Moriconi, installe le couple à la « Roulotte » (leur appartement parisien Place Dauphine) et dans leur maison de campagne dénommée le « Château Blanc », une sorte de paradis situé en Normandie, entourés joyeusement d’artistes chanteurs, comédiens et réalisateurs très proches. Ainsi on y voit Serge Reggiani, le confident de Signoret, François Périer, Alain Corneau qui évoque sans le nommer le film Police Python 357 (1976, où les deux jouent), le couple Jean-Louis et Nadine Trintignant, ainsi que Claude Sautet et Moshé Mizrahi. Le film de ce dernier, La vie devant Soi (1977, oscarisé) avec Signoret, est le seul qui soit montré en situation de tournage avec l’actrice, dans le rôle de Madame Rosa, cette femme juive pour lequel elle a reçu le César de la meilleure actrice en 1978. Au-delà de la récompense, parler de ce film apparaît comme une allusion aux origines juives de Signoret, et montre au fond qu’en 1977, elle n’avait déjà plus du tout la vie devant elle !

De manière ironique, la réalisatrice montre aussi l’auberge de la Colombe d’Or, où Signoret et Montand se sont rencontrés puis mariés en 1951, mais on y voit ce dernier avec une de ses dernières maîtresses, d’autant plus cruel que Simone devine où il part et avec qui. C’est une façon de confirmer le coureur invétéré qu’était l’artiste, et le cynisme de son comportement : « J’ai des besoins auxquels tu ne peux plus répondre », ose-t-il dire ! Dans ce contexte de tensions entre eux, Diane Kurys parvient à montrer comment leur longue histoire d’amour les maintient tout de même si proches, Montand revenant toujours au Château Blanc. La fin du film est ainsi poignante et belle, sous la musique du film Les Choses de la Vie, de Philippe Sarde, qui a composé l’intégralité de la musique de ce biopic.

Aucune ressemblance des acteurs : un point de vue assumé

Le début du film où la réalisatrice montre les deux acteurs principaux se grimer (Marina Foïs dans le rôle de Signoret et Roshdy Zem dans celui de Montand) sans du tout ressembler à leur personnage, a de quoi surprendre, mais la réalisatrice s’attache ainsi davantage au fond qu’à la forme. Et dans cet exercice, c’est nettement Marina Foïs qui tire le mieux son épingle du jeu en incarnant une Signoret toute en émotion et fragilité, mais aussi en profondeur et détermination. Davantage superficiel, complexe et futile, le rôle de Montand est plus difficile à composer pour l’acteur, d’autant que Roschdy Zem essaie en vain d’imiter son accent chantant méridional. Aucun des autres personnages n’est ressemblant, sauf peut-être l’actrice qui joue Nadine Trintignant.

Malgré la critique acerbe de leur petit-fils Benjamin Castaldi, qui prétend que Diane Kurys falsifie l’histoire en présentant sa grand-mère comme une victime silencieuse et son grand-père comme un prédateur manipulateur, le film donne un point de vue intéressant sur leur relation intime, passionnée et passionnelle.

Le choix de se concentrer sur la fin de leur relation est plutôt une réussite, en plongeant le spectateur dans la nostalgie du cinéma des années 70, qu’on l’ait connu ou non. On peut donc parler d’un beau film, d’autant que c’est le premier biopic réalisé sur ce couple ô combien mythique du cinéma et de la chanson français par leurs talents et la longévité de leur relation !

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3.5