Dans le premier tome de Western Love, intitulé « La Teigne et le Gentil », Augustin Lebon nous plonge dans un coin reculé du Nouveau-Mexique, où Gentil, missionné par un gangster braqueur de banques, va tomber sous le charme de l’indomptable Molly, surnommée « la Teigne ».
Ce premier Western Love est d’abord le récit d’une rencontre improbable, celle de la Teigne et du Gentil. Molly est une dure à cuire, du poil-à-gratter fait femme. Elle régente d’une main de fer un restaurant qui pourrait à tout instant se voir saisi par la banque. A priori, elle n’est pas tout à fait le genre de femme qui suscite l’admiration des hommes. Et pourtant, elle exerce une fascination sans bornes sur Gentil, qui devrait cependant être occupé à autre chose qu’à chercher à la séduire, puisque Pio Linarez l’a chargé d’une besogne des plus importantes : faire du repérage en vue d’un braquage. Mais rien n’y fait : celui qui dégage une odeur de chien mouillé ne peut détourner le regard de cette Teigne à la langue bien pendue et aux formules tranchantes. C’est d’ailleurs l’un des principaux atouts de cet album : Augustin Lebon manie les mots en clerc. Et cela fait mouche, comme lorsque notre prétendant cuisine pour Molly, finissant par se voir dire : « Disons que sans la viande brûlée, avec un peu d’épices et une autre sauce… »
Second motif de satisfaction : la manière dont les trajectoires des uns et des autres sont entremêlées. Dans Western Love, tout le monde a un compte à régler avec son prochain. Le père de Molly est marshal ; il demeure obstinément aux trousses de Linarez depuis que ce dernier lui a volé sa femme pour mettre au monde Teresa, elle-même proche de Gentil. Fatalement, à mesure que le récit avance, on sent poindre, de plus en plus clairement, la violence latente. Et quand cette dernière éclate avec force et fracas, notre antihéros puéril mais sincère ne peut s’empêcher de lâcher à l’égard de Molly un absurde : « T’es magnifique, même au milieu d’une fusillade ! » Ces deux-là sont désormais liés, certes dépareillés par leurs différences mais rattachés par leurs sentiments. On devine qu’ils ne se quitteront plus. Mais que leur histoire n’aura rien d’un long fleuve tranquille. Il y a donc de la romance dans ce western constitué de rondeurs graphiques et de flèches sémantiques. Survitaminé, « La Teigne et le Gentil » place deux protagonistes attachants au cœur d’une série d’événements que n’aurait pas renié Sam Peckinpah. Mais contrairement au maître des westerns de troisième génération, noirs et sanglants, Augustin Lebon distille de la douceur et de l’humour à chaque étape de son récit. Vivement la suite.
Western Love : La Teigne et le Gentil, Augustin Lebon
Soleil, septembre 2023, 56 pages