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« The Ex People » : en croisade vers le renouveau

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Le scénariste belge Stephen Desberg et l’illustrateur d’origine russe Alexander Utkin s’associent à l’occasion de la sortie de The Ex People (éditions Bamboo, collection « Grand Angle »), une bande dessinée inventive et rythmée mettant en scène sept personnages abîmés et en quête de rédemption.

Jérusalem, 1271. Un groupe pour le moins bariolé, composé d’un oiseau à la libido débordante, d’une sorcière à la peau carbonisée ou encore d’un adulte enfermé dans un casque d’enfant, cherche son salut auprès de Dieu. Ces ex-gens (« ex people ») ont tous connu des mésaventures les ayant boutés hors des sentiers battus. Blaise a été l’écuyer d’un lord « méchant, vulgaire, cupide » entouré de soldats vieillissants et uniquement soucieux de ses menus plaisirs personnels. Il a fini enfermé et oublié dans une prison du château, où il n’a cessé de grandir jusqu’à avoir la tête coincée dans un casque emprunté à sa Majesté. Gertrude était une gamine insouciante. Elle avait pour compagnons une araignée et deux serpents, ce qui lui a valu l’animosité du village et une condamnation au bûcher pour sorcellerie. Giovanni, « si beau et si grand », est l’archétype du playboy italien passant de femme en femme… à ceci près qu’il s’agit d’un oiseau. Volant et volage, il subit le courroux de maris lassés de se voir cocufiés. Ces personnages quelque peu loufoques, mais très attachants, forment le cœur battant de ce premier tome de The Ex People.

La première moitié de ce diptyque s’appréhende comme une grande phase d’exposition. Construite sur base de flashbacks, elle éclaire le passé des protagonistes et revient sur leur arrivée à Jérusalem, en quête d’une forme de rédemption. Ces derniers n’y trouveront toutefois pas le réconfort escompté, puisque les services de Dieu se monnaient chèrement… et avec de l’argent proprement gagné ! Coloré, pétillant, volontiers facétieux, l’album multiplie les références (de Disney à Ghibli en passant par Tolkien) tout en satirisant la famille nucléaire classique, la royauté ou encore l’obscurantisme. En cela, Stephen Desberg parvient à tirer son épingle du jeu, puisqu’il greffe à un récit léger et amusé un double fond plus critique et substantiel, liant ses personnages à des contextes/institutions rigides et/ou liberticides. Et à ce savant mélange entre le comique de façade et ses dénonciations sous-jacentes, il juxtapose une épopée d’ampleur biblique, faite de rencontres inattendues, de batailles spectaculaires et de révélations douloureuses. Joann Sfar n’aurait certainement pas renié la formule…

The Ex People, Stephen Desberg et Alexander Utkin
Bamboo, août 2022, 80 pages

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3.5
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