Ruridragon-Tome-02-avis

« Ruridragon » (tome 2) : grandir sans mode d’emploi

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

À mesure que Ruri découvre de nouveaux pouvoirs, elle se heurte à d’autres formes de turbulence : non plus celles, spectaculaires, de la métamorphose, mais celles, plus subtiles, des liens humains. Ce second volume de Ruridragon confirme la force tranquille d’un récit d’apprentissage où l’extraordinaire sert avant tout de loupe au quotidien. 

Il fallait s’y attendre : après les cornes et le feu vient l’électricité. En plein cours, Ruri déclenche involontairement une décharge, un nouveau signe de son héritage draconique. Mais là où d’autres mangas en profiteraient pour embrayer sur l’action ou le spectaculaire, Masaoki Shindo poursuit son exploration du banal habité par le fantastique. Ruri n’apprend pas à se battre : elle apprend à se connaître. À apprivoiser son corps, ses réactions, ses maladresses. Le dragon est ainsi avant tout une figure d’éveil.

Dans ce deuxième tome, la jeune héroïne s’exerce à dompter ses pouvoirs comme on apprivoise une émotion : avec hésitation, parfois avec peur, souvent avec lassitude. Les cornes, le feu, l’électricité deviennent autant de langages intérieurs, d’expressions involontaires d’une personnalité en formation. Et si ses camarades oscillent entre fascination et moquerie, c’est surtout le miroir de l’adolescence ordinaire : ce moment de la vie où tout le monde change, mais où chacun croit être le seul à le faire – et se croit autorisé à commenter la mue des autres.

L’intrigue s’attarde cette fois sur un détail à première vue anodin : une camarade de classe qui l’évite. Le malentendu est révélateur : ce n’est pas la différence de Ruri qui dérange, mais son indifférence. Elle ne retient pas les visages, ni les prénoms, non par mépris mais par distraction, enfermée dans son propre monde. Shindo capte ici une vérité fine : la différence n’isole pas toujours par rejet, parfois simplement par manque d’attention.

La relation entre Ruri et sa mère gagne quant à elle en relief. Ce lien, déjà singulier dans le premier tome, s’approfondit autour d’une complicité maladroite mais sincère. La mère n’enseigne pas seulement la maîtrise des pouvoirs, mais un certain rapport à soi : une pédagogie douce, presque stoïque, qui refuse la dramatisation devant ce nouveau statut de créature hybride un peu déconcertant. Dans cette économie d’effets, l’auteur excelle : une conversation de cuisine, un geste tendre suffisent à dire ce que bien des récits crieraient.

Ce deuxième tome confirme la promesse du premier : Ruridragon est moins une série fantastique qu’un portrait d’adolescente à fleur de peau, où le surnaturel sert d’éclairage discret à l’apprentissage du monde et des autres. Une œuvre d’une grande pudeur, qui murmure plutôt qu’elle ne rugit – et c’est à souligner quand il s’agit de… dragon.

Ruridragon (T02), Masaoki Shindo
Glénat, 22 octobre 2025, 192 pages

Note des lecteurs0 Note
3.5
[justwatch_list]
Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray