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« Réseaux et sentiments » : la quête de reconnaissance d’Elliot

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Dans un écheveau complexe de relations et d’émotions, le second tome d’Elliot au collège, intitulé « Réseaux et sentiments », dresse un tableau doux-amer de l’adolescence contemporaine. Souffrant lui-même d’angoisse généralisée, Théo Grosjean continue de portraiturer avec poésie l’anxiété sociale, représentée par des créatures indissociables de ses jeunes personnages. À l’intersection des réseaux sociaux, des dynamiques relationnelles délicates et des craintes souvent irrationnelles, l’auteur et dessinateur échafaude une représentation polyphonique de la transition vers l’âge adulte.

L’univers créé par Théo Grosjean, à qui l’on doit par ailleurs L’Homme le plus flippé du monde, est peuplé de personnages angoissés, à la fois archétypaux et profondément humains. Ce second tome voit Elliot retrouver le collège, toujours accompagné de sa boule d’angoisse métaphorique. Il y fréquente Hari, son ami indéfectible, et Églantine, une camarade tout aussi anxieuse que lui, de qui il va beaucoup se rapprocher. Leurs interactions, en évolution constante, dressent une fresque vivante des difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés les jeunes aujourd’hui.

Pour quelques likes de plus

Le récit prend une tournure particulière lorsque Théo Grosjean aborde la question de l’influence des réseaux sociaux. Elliot, catapulté malgré lui au rang de célébrité sur TicToc (sic), est à la fois heureux de trouver un public et angoissé à l’idée de le décevoir ; il traverse une crise d’identité, se débattant entre le désir de popularité et celui d’authenticité. Tout au long de l’album s’articule une réflexion sur la fragilité du statut social en ligne, interrogeant la notoriété digitale, ses ressorts et ses conséquences, toujours avec la légèreté caractéristique de cette série.

Incertitude(s) du milieu

L’un des aspects les plus notables de cette bande dessinée est, sans surprise, sa manière habile et sensible d’énoncer les troubles relatifs à l’anxiété sociale. Églantine et Elliot, chacun luttant contre ses propres démons intérieurs, peinent à établir une relation saine et libérée avec autrui – et entre eux, comme en témoignent des séquences d’incommunicabilité. Cette difficulté émotionnelle est encore accentuée quand l’environnement familial apparaît perturbé. Ainsi, les problèmes dépressifs de la mère d’Églantine ou le comportement erratique du père de Bastien, le « caïd » du lycée, ajoutent une couche de profondeur et de réalisme social à une œuvre déjà riche en textures psychologiques et émotionnelles.

Situations typiques, personnages atypiques

En plus de confronter Elliot aux affres des réseaux sociaux, Théo Grosjean le met en butte à deux écueils : son amitié avec Hari est menacée et ses sentiments naissants à l’égard d’Églantine sont contrariés par Bastien. En ce sens, ce second tome semble délaisser quelque peu la dimension purement humoristique au profit d’une variété plus importante de thématiques. Il laisse aussi entendre que chaque personne, quelle que soit l’image qu’elle laisse paraître, doit composer avec ses propres affects et angoisses.

Dans le kaléidoscope de ses personnages et de leurs états d’âme, Théo Grosjean dévoile une critique à plusieurs niveaux de notre société hyper-connectée et hyper-anxieuse. Son album nous rappelle, avec une vraie sagacité, que derrière chaque écran, chaque sourire forcé et chaque mot non prononcé se cache une âme en quête de compréhension et de reconnaissance. « J’dois avoir une maladie mentale ou un truc dans le genre », avance ainsi Églantine au prétexte qu’elle n’a pas de confident.e. Le lecteur, heureusement, a plus de recul sur les événements.

Elliot au collège (T.02 : Réseaux et sentiments), Théo Grosjean
Dupuis, septembre 2023, 64 pages

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