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« Mauvais sang » : les angoisses de Tristan

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Dans Mauvais sang, Loïc Clément et Lionel Richerand évoquent avec poésie, et par l’intermédiaire d’un petit vampire, à la fois les angoisses juvéniles et les familles recomposées.

Tristan a beau être un vampire millénaire, il est prisonnier du corps d’un enfant de huit ans, dont il adopte d’ailleurs les angoisses. Dans la première planche de Mauvais sang, on aperçoit son vaste manoir, antique et sombre, qui contraste nettement avec le reste d’un centre-ville moderne. Il y partage sa vie avec son majordome orang-outan, Mister Jingles. Et dès les premières pages de l’album, Loïc Clément et Lionel Richerand glissent çà et là des éléments connotés, ou à double sens : le journal Carpates News le dispute ainsi aux habits à l’effigie de Batman.

« Mauvais sang ». Le jeu de mots renvoie à l’anxiété de Tristan, mais aussi au vampirisme qui y est érigée en réponse pavlovienne. De fait, les angoisses du petit garçon occupent une place prépondérante dans le récit et permettent de verbaliser avec poésie et à bonne hauteur les petits tracas qui minent parfois le moral des plus jeunes. Crampes intestinales, sommeil altéré, tocs : divers éléments sont ici associés à l’anxiété et contribuent à caractériser un personnage présenté comme étant au seuil de l’implosion.

C’est une rencontre fortuite avec Lucile et sa maman Aurore qui va aider Tristan à prendre le dessus sur « cette boule dans le ventre qui prend parfois toute la place ». Spécialiste travaillant dans un laboratoire, Aurore va héberger le jeune vampire durant une semaine et prélever des échantillons de son sang à des fins d’analyse. Après une semaine dans l’environnement jovial d’une famille recomposée, Tristan est fondamentalement transformé : non seulement ses angoisses ont disparu, mais même la composition de son sang n’est plus la même. Loïc Clément et Lionel Richerand font ainsi du bien-être familial la condition sine qua non de l’équilibre psychologique. Ils y insufflent surtout ce qu’il faut d’à-propos et de sensibilité pour emporter l’adhésion du jeune lecteur.

Malgré un récit destiné à un lectorat jeune, quelques sophistications se glissent dans l’album. C’est un Totoro apparaissant parmi les jouets, le travail phagocytant la vie amoureuse d’Aurore ou, page 21, une dualité s’exprimant dans une illustration scindée en deux, une moitié lumineuse et l’autre grise et pluvieuse. Mauvais sang est une bande dessinée plus dense et chorale qu’il n’y paraît, articulée autour de deux problématiques, l’anxiété et la famille recomposée, et qui en restitue certains pans avec habileté. Un bel outil pour les jeunes lecteurs, à la fois engageant et délicat, en ce y compris sur le plan graphique.

Mauvais sang, Loïc Clément et Lionel Richerand
Delcourt, janvier 2022, 48 pages

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3.5
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